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Les enjeux d’une élaboration du discours poétique par le rythme et l’imaginaire

Il s’agit, dans ce chapitre, de montrer les fonctions et les fonctionnements des concepts de rythme et d’imaginaire errant dans la productivité du discours poétique de Tanella Boni. Pour ce faire, les points qui constituent les piliers dudit chapitre s’articuleront autour de trois aspects essentiels. D’abord, nous aborderons les questions de rythme et d’imaginaire errant dans leurs singularités théoriques puis concrètes. Ensuite, nous éluciderons leurs spécificités dans la constitution du discours poétique boniéen. Et enfin, nous procéderons à une organisation dudit discours par la combinaison de ces deux concepts. En somme, cette analyse définit les traits caractéristiques du rythme, puis de l’imaginaire errant et déterminer les procédés qui justifient leurs manifestations combinatoires dans la significativité du discours poétique de Tanella Boni.

I. Le rythme et l’imaginaire errant

Le rythme et l’imaginaire errant ont largement bénéficié d’un postulat théorique dans l’introduction générale de ce travail. Ce premier point qui leur est spécifiquement consacré ne peut, donc, revenir sur des présupposés qui les caractérisent de façon spatio-temporelle. Mieux, notre dessein, ici, consiste à identifier les différents outils qui œuvrent à leur engendrement et les appliquer à des extraits de textes tirés de notre corpus.

1. Le rythme : ambivalences théoriques et proliférations méthodiques

Joëlle Gardes Tamine avance que « le rythme est certainement l’élément fondateur de la poésie, et tous les niveaux concourent à son élaboration.52 » Bien vrai que le rythme jouisse d’une grande audience en poésie, Tamine semble omettre le fait que les différents niveaux d’analyse qu’elle souligne dépendent des types de textes poétiques. En effet, la

perception du rythme, nous l’affirmions, est généralement fondée sur un principe de mouvement. Pourtant, ce mouvement dont il est question diffère, dans l’analyse, selon le texte poétique auquel l’on est confronté. Autrement dit, le rythme, en s’épanouissant en fonction des divergences textuelles, engendre des mouvements typiques que l’on classifie en deux tendances majeures.

La première, la plus répandue d’ailleurs, est celle de la prédictibilité. Elle obéit à des schémas métriques, des données formelles ou codifiées, « des arrangements particuliers du plan de l’expression53 », aux lois de la versification. Ce mouvement suppose, donc, des mesures répétées, particulièrement régulières et dénombrées, des décomptes syllabiques à intervalles fixes distribuées dans le champ poétique.

La seconde tendance, moins tributaire des contraintes arithmétiques, s’instaure dans l’imprédictibilité ou l’imprévisibilité. Elle tient compte d’un ensemble d’indices linguistiques spécifiques dont la saisie relève d’un minutieux repérage, puis d’une réorganisation desdits indices dans le discours poétique. Ainsi, la représentation de cette tendance, au cours d’une réflexion, passe par une palette d’éléments discursifs dont la reprise, approximativement fréquente, entraine différentes catégories rythmiques. Ces phénomènes linguistiques qui participent alors à l’émergence de ce mouvement d’imprédictibilité, dans la trame poétique, sont par exemple perceptibles à des niveaux phoniques, lexicaux, rhétoriques, morphosyntaxiques et bien d’autres.

Le rythme phonique exploite le discours poétique dans sa matérialité acoustique en relation avec des positions importantes des éléments dudit discours. Sous cet angle, le jeu de sonorités qui se crée à partir de certains indices textuels attire, bien des fois, l’attention de l’analyste et constitue, de ce fait, une partie intégrante des effets sémantiques. Au plan lexical, le rythme apparaît comme la reprise plus ou moins constante d’un certain nombre de mots familiers au poète. Gardes Tamine, à cet effet, souligne que ces mots, « par leur utilisation à certaines places privilégiées, ou leur insertion dans le réseau sémantique, […] se chargent de toute une série d’harmonique54

» et concourent à l’émergence d’une signification plurielle. En revanche, le rythme rhétorique porte un intérêt particulier à l’emploi itératif des figures, notamment celles relatives à l’analogie. Dans cette perspective, l’on a recours à ces types de figures à cause de leur capacité, « leur pouvoir de

53

Algirdas Julien GREIMAS, Joseph Courtés, Sémiotique : dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette Supérieur, 1993, p. 319.

susciter des images, ou de jeter des ponts entre des domaines a priori étrangers.55» Le rythme morphosyntaxique, en outre, charrie des indices discursifs qui participent à l’élaboration d’une signification d’ensemble. Les éléments qui le constituent sont, entre autres, des constructions phrastiques, des répartitions de catégories morphosyntaxiques – règles et procédés de formation des énoncés –, l’utilisation des genres, des nombres, etc.

Par ailleurs, contrairement à la première tendance qui mythifie une approche métricienne, la seconde que nous venons de modéliser et à laquelle nous adhérons, considère le rythme comme un "mouvement de la parole" ; lequel mouvement organise le sens discursif par des structures linguistiques hétérogènes qu’il revient d’homogénéiser afin d’obtenir une sémantique cohérente. À présent, voyons comment ces différents types de rythmes fondés sur l’imprédictibilité, en l’occurrence, les rythmes phonique et morphosyntaxique, se manifestent dans quelques extraits de texte de Tanella Boni.

1.1. Le rythme phonique

Dans le fragment de texte ci-dessous, l’organisation phonique qui y découvert met en exergue une panoplie de rythmiques auditives qu’il convient d’analyser :

je suis le poème en spirales je suis lianes et pas de danse entre le moi et l’autre entre l’autre et le moi

mais qui est l’autre et qui suis-je moi qui es-tu dis-moi ton nom (2002, p. 107)

Le rythme phonique, dans le présent extrait, est engendré, à la fois, à partir d’une saisie auditive des voyelles et des consonnes et, également, par le biais des mélanges de timbres ou de sonorités mixtes. Dans les vers 1 et 2, la consonne d’attaque [Ʒ], en position initiale, à laquelle s’adjoint la voyelle antérieure arrondie [ə], connaît une régularité dans ses fréquences d’apparition. Par ailleurs, la combinaison de ces deux phonèmes qui, de part et d’autre, affichent un parallélisme binaire et formant le pronom personnel "je" pourrait s’identifier au sujet-parlant ou au locuteur-scripteur. Auprès de celui-ci, se postpose doublement le verbe "être" dont la conjugaison à la première personne du singulier donne la transcription phonétique [ʃկ] – une chuintante prédorso-palatale et une médio-palatale –.

Aussi, dans les vers 3, 4, 5 et 6, se dégage une pluralité phonique à travers trois catégories de lexèmes. D’abord, la préposition "entre" fait ressortir une voyelle nasale [ã], des consonnes occlusives apico-dentale [t] et apico-alvéolaire [R]. Ensuite, le pronom personnel "moi" combine une occlusive bilabiale [m] et une semi-voyelle sonante ou glide [w]. Enfin, la locution nominale neutre "l’autre" associe en son sein une consonne latérale [l], une voyelle postérieure arrondie [o] et aussi des consonnes occlusives apico-dentale [t] et apico-alvéolaire [R].

Cette affluence phonique, par sa diversité, donne l’impression d’une trame poétique où l’irrégularité des indices sonores expressifs provoque un trouble chez le sujet-parlant. Celui-ci, en effet, s’identifie lui-même à un "poème en spirales", à des "lianes", à des "pas de danse", à une suite de qualificatifs qui suppose une instabilité identitaire. Autrement perçu, le marquage des sonorités mixtes [Ʒəʃկ] dans le premier vers suit son cours sonore dans le second vers. Ce qui, au préalable, manifeste une certaine régularité phonétique. Pourtant, cette cadence, à partir du troisième vers, est brisée lorsque les combinaisons phoniques, dans les vers 3 et 4, connaissent une discordance dans la suite du discours poétique. L’élément phonique [ãtR] ne poursuit pas sa progression en [mw] et [lotR], mais plutôt en [lotR] et [mw], preuve d’une manifestation chiasmatique – inversion de l’ordre des termes – entrainant un effet d’entrecroisement. Un acte qui rompt, donc, partiellement la binarité parallèle sus-évoquée et suscite une saccade du continuum sonore. Par conséquent, l’euphonie en [mw] et [lotR] qui s’ensuit dans les deux derniers vers se caractérise par un entrechoquement phonique donnant l’impression d’un choc de sonorités, voire un entremêlement. Cet entremêlement se rapproche sémantiquement des lexèmes "spirales", "lianes" et "pas de danse" et sous-tend une idée de rétraction. En outre, le fonctionnement des données phoniques, tel que nous le constatons, suggère une sémantique rythmique acyclique d’où ressortent soit une identité sociale fragilisée soit une quête identitaire difficile, sûrement insatisfaite.

Le symbolisme phonétique qui se perçoit, dans le présent cas, découle donc d’une interaction de sons dont l’agencement et la mise en rapport avec bien d’autres entités discursives génèrent la signifiance d’un rythme fondé sur un recours aux signes vocalique et consonantique. À l’instar du rythme phonique, comment se produit le décryptage du rythme morphosyntaxique.

1.2. Le rythme morphosyntaxique

La conception morphosyntaxique développe une hypothèse de la perception sémantique, par laquelle l’analyse du discours poétique s’apparente, non aux calculs préconisés par les normes métriques, mais à la reconnaissance de formes et de fonds. Dans l’extrait de texte que nous convoquons infra, les éléments morphologique et syntaxique dégagent un processus de sémantisation particulier qu’il convient d’élucider :

Bagdad la belle ville secrète et vieille d’histoire je ne sais que pleurer

toutes nos libertés en souffrances et nos peaux qui tombent en lambeaux et nos cœurs qui coulent à flots

et nos raisons perdues infiniment

par-delà le désert confisqué par les armes (2004, p. 92.)

Du point de vue de la morphosyntaxe, le texte ci-dessus dénote sept (7) vers à structures distinctes. Les premier et dernier vers semblent orienter, dans une dynamique de différenciation, la quintessence sémantique de toute la trame. En effet, dans le vers d’entame, la structure phrastique propose un énoncé en quatre (4) temps :

Bagdad / la belle ville / secrète et / vieille d’histoire 1 2 3 4

Ici, "Bagdad", en tant que dénomination locative jouit d’une valorisation euphorique au moyen de l’accumulation ou du pullulement du nombre d’adjectifs : "belle", "secrète", "vieille". Cette construction induit, donc, une énumération plurale qui accentue le caractère, à la fois, paisible, resplendissante et mythique de "Bagdad" et que la conjonction de coordination "et" vient, en sus, intensifier avec ses effets de cumul.

Par contre, le vers final propose plutôt une structure ternaire délimitée, au début et à la fin, par des prépositions :

par-delà / le désert confisqué / par les armes 1 2 3

Dans le cas d’espèce, au lieu d’une accumulation similaire au vers d’entame, se perçoit une double insertion prépositionnelle – "par-delà" et "par" –. Ces prépositions

impliquent des connotations dysphoriques avec l’assertion singulière "désert confisqué" et l’énoncé pluriel "les armes". Par ailleurs, ces vers que nous pouvons, respectivement, caractériser de vers d’entame et de vers de chute enferment plusieurs actes langagiers qui manifestent la désuétude sociale sus-décrite.

En effet, dans le vers 4, le quantificateur absolu "toutes" joue un rôle important dans l’orientation du parcours discursif. Son marquage apparaît comme une prémisse mineure du dernier vers de la trame. De ce fait, il engendre un glissement dysphorique progressif dans une cadence régulière qui se poursuit jusqu’au vers 6. Ainsi, ces vers s’élaborent selon les modèles suivants :

Vers 3 : "toutes nos libertés en souffrance" (Quantificateur + Groupe Nominal Pluriel + Groupe Prépositionnel singulier)

Vers 4 : "et nos peaux qui tombent en lambeaux" (Conjonction de coordination + Groupe Nominal Pluriel + Groupe Prépositionnel pluriel)

Vers 5 : "et nos cœurs qui coulent à flots" (Conjonction de coordination + Groupe Nominal Pluriel + Groupe Prépositionnel pluriel)

Vers 6 : "et nos raisons perdues infiniment" (Conjonction de coordination + Groupe Nominal Pluriel + Adverbe exprimant l’infini)

Le vers 3, en plus, du quantificateur absolu sus-évoqué, implique la présence d’un groupe nominal pluriel et d’un groupe prépositionnel singulier. Les vers 4, 5, 6 sont élaborés presque sous des formes similaires. Seulement que le vers 6 s’achève par un adverbe, alors que les deux autres vers, par un groupe prépositionnel alliant la même structure. Il va, donc, sans dire que les procédés de formation de ces vers alternent une diversité d’éléments qui connaissent une variation à plusieurs niveaux. À l’évidence, ce type de système, dans la morphosyntaxe rythmique, rend compte d’une divergence dans la texture discursive et sous-tend, par ricochet, une instabilité à tous égards, une série d’opposition constante.

La perspective fonctionnelle de ces vers ci-dessus analysés suggère, par ailleurs, une progression thématique définie comme une tourmente infernale. Par conséquent, la véhémence descriptive qui y est construite, l’impétuosité irrésistible dont ces vers font preuve, la syntaxe portée vers une dysphorie évolutive évoque une société qui tombe

totalement en ruine. Laquelle ruine sous-tend probablement une cessation euphorique par faute de législation à même de garantir une intégrité territoriale ("nos libertés en souffrance"), un respect des droits humains ("nos peaux qui tombent en désuétude"). Encore, elle pourrait sous-tendre aussi la proscription d’une politique délétère ("nos raisons perdues") et d’une hypothèque "des armes". Le tout est sémantiquement amplifié par l’accumulation ou le flux de la coordination "et" qui, à chaque début de vers, augmente l’ampleur macabre s’esquissant dans le parcours discursif.

Le mouvement global de toute la trame (vers 2 au vers 6) contredit le vers initial et matérialise les composantes sémantiques du dernier vers. Ce qui confirme, dans ce contexte, l’idée d’un parallélisme dont les deux vecteurs se montrent divergents, antithétiques.

Les rythmes phonique et morphosyntaxique ont, donc, permis l’approche d’un symbolisme phonétique et d’une prosodie à caractère imprédictible. Par ailleurs, lesdits rythmes se forment, respectivement, à partir d’indices spécifiques tels les sonorités, la syntaxe, la morphologie des structures phrastiques. En outre, l’on remarqué que ces engendrements rythmiques peuvent se réaliser au moyen de plusieurs facteurs linguistiques. Lesquels, à la base d’une lecture souterraine du discours poétique, sont susceptibles de générer une analyse à divers niveaux dudit discours. Ainsi, tous ces phénomènes linguistiques, à travers leur interaction au sein de la trame poétique, sont liés à un mouvement d’imprédictibilité qui s’incruste dans une organisation rythmique fondée sur des décomptes approximativement réguliers des composantes phrastiques. À la suite des présentes réflexions menées sur le rythme, intéressons-nous, par ailleurs, au concept d’imaginaire errant.

2. De l’exploration des images à la dynamique imageante dans le discours poétique

Il est question, dans ce second point, de relever les indices poétiques qui justifient l’imaginaire errant dans l’univers discursif, en l’occurrence les images dont les mouvements incessants, les oscillations continuelles orientent notre saisie de la production rythmique.

2.1. Images poétiques et mobilité des images

Selon les acceptions les plus courantes, l’image s’apparente à une représentation figurée qui se présente sous une diversité formelle. Autrement perçu, l’image apparaît comme une illustration, une imitation, une reproduction, voire un modèle afférent à un être, une chose, un objet, etc. l’image s’inscrit, alors, dans une perspective de similarité où, de deux entités, se perçoit un caractère d’identité ou un rapport de ressemblance. Pour étayer cette relation de similitude, Pierre Reverdy suppose que

L’image est une création pure de l’esprit. Elle ne peut naître d’une comparaison mais d’un rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointaines et justes, plus l’image sera forte – plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique.56

Dans un premier temps, l’on remarque, ici, une conception spécifique de l’image que Reverdy assimile à une « création pure de l’esprit » et non à un surgissement imaginaire. L’image, dans un second temps, se présente alors comme un rapport mesuré par l’esprit, un rapport qui tient compte de l’intensité de l’éloignement. En somme, l’image, selon Reverdy, se distingue comme une liberté de l’esprit qui se confronte aux choses, aux faits du monde tout en situant leurs rapports de réciprocité, de proximité et leurs différences. Autrement, l’image va de pair avec tout ce qui véhicule une relation d’analogie. Dans cette logique, la distance entre les éléments comparés s’avère importante puisque c’est d’elle que dépend la force évocatrice de l’image. Ce qui conduit à la conclusion selon laquelle, plus une entité entretient un rapport de ressemblance qui se fait proche avec une autre et plus, l’intensité, le degré de signification qu’engendre l’image est persuasive.

Par ailleurs, en ce qui nous concerne, notamment la question de l’image dans le discours poétique, l’on constate que celle-ci découle de l’imagination – une faculté de concevoir par l’esprit –. Laquelle s’identifie à une activité créatrice qui s’appuie sur ladite image pour exprimer une pensée, un point de vue, une opinion sur un sujet donné. L’image joue, donc, un rôle primordial dans l’élaboration d’un discours poétique. Ce qui, par conséquent, conduit au fait qu’un discours poétique ne peut se concevoir sans images,

56

Pierre REVERDY, « L’image », in Self Defence et autres écrits sur l’art et la poésie, Revue Nord-Sud, Numéro 13, Paris, Flammarion, Mars 1918, pp. 73-74.

d’une part, et que lesdites images qu’il génère connotent toujours une expressivité, d’autre part.

En outre, abordant la question de l’image dans la poésie négro-africaine Gusine Gawdat Osman explique que : « si la dominante sémantique essentielle à toute poésie est l’image, à plus forte raison pour le négro-africain elle devient un aspect essentielle de la vie.57 » L’image, ici, s’assimile à une représentation qui est inhérente au discours poétique négro-africain. Elle en est l’essence même et le sert à tel point qu’elle coïncide avec lui et va jusqu’à devenir sa manifestation. Aimé Césaire, à cet effet, dira que

l’image […] relie l’objet, achevé en en montrant la face inconnue, d’accuser sa singularité, mais par la confrontation et la révélation de ses rapports, définit non plus son être, mais ses potentialités ; bref, le dote de sa transcendance fondamentale. C’est pourquoi il est très vrai de dire qu’elle est essentielle à la poésie.58

La pensée négro-africaine restitue toute sa charge signifiante à l’image poétique. Laquelle devient, de la sorte, une source de dynamisme qui évoque en procédant toujours du symbole, donc d’une pensée symbolique :

L’image qui est, donc en même temps symbole, possède plusieurs dimensions : d’abord elle suggère la chose par des analogies frappantes ébranlant par là tout le psychisme humain, ensuite elle explique l’univers à partir de correspondance et de signes, enfin elle éduque […] et […] réalise la chose […], par suite participe à son existence à tous les niveaux ontologiques et émotionnels.59

Toutes les sensations, les impressions les configurations affectives perçues dans un discours poétique se transmuent en images qui forment et reforment l’univers sont la conscience psychique du poète. En conséquence, l’image s’apparente, alors, à un procédé poétique, à une constante du parcours discursif grâce à la collocation, au rapprochement de mots plus ou moins éloignés. Et ce, dans une sorte de grille sémantique souvent explicite ou non.

57 Gusine Gawdat OSMAN, L’Afrique dans l’univers poétique de Léopold Sédar Senghor, Dakar, NEA, 1978, p. 87.

58

Aimé CÉSAIRE cité par Lylian KESTELOOT in « Aimé Césaire », Poètes d’aujourd’hui, N° 85, Paris, Seghers, 1961, p. 205.

Le discours poétique de Tanella Boni, celui qui nous sert de corpus ici, puisqu’il s’inscrit dans un cadre purement négro-africain, ne reste pas en marge d’une telle réalité, voire d’un tel mécanisme formel. En effet, les images qui en ressortent apparaissent sous forme de représentation. Laquelle nous oriente progressivement vers une pluralité d’horizons. Autrement dit, les images qui y sont découvertes s’apparentent à des mots-noyaux, des leitmotivs, des invariants sur lesquels se greffent, se modulent des séries d’éléments hétérogènes. Organisées selon leurs similitudes, ces séries d’éléments se rapportent toujours à l’invariant ou mot-noyau et font ressortir les réalités souterraines, cachées du parcours discursif :

Là-bas commence l’hiver

tu n’as pas vu la fin de l’automne les arbres n’ont plus de feuilles

seul le vent siffle et tourbillonne (2010, p. 26.)

L’image, dans cet extrait, est l’invariant que le locuteur-scripteur désigne comme une réalité rattachée à la nature, notamment « une alternance saisonnière ». Pour décrire ou représenter ladite alternance, le locuteur susmentionné se sert d’indices discursifs qui