• Aucun résultat trouvé

Une enfance à la campagne

Charles Blanc et ses contributions herpétologiques : hommage d’un élève

1. Une enfance à la campagne

Charles1 Pierre Blanc est né le 4 août 1933 dans la ferme de ses grands-parents paternels située dans un petit hameau de trois habitations, les Carres, isolé dans une partie éloignée de la commune savoyarde de Thénésol (73). Seule commune de ce nom en France, peuplée de 250 à 300 habitants, elle est bordée par une grande forêt installée sur un verrou glaciaire, le Tal. L’empreinte des glaciers y est encore très présente : par exemple, les maisons sont construites avec des murs épais, en pierres erratiques supportant des toits à l’architecture typique, couverts de chaume. Les espaces réservés aux personnes ne sont parfois séparés de ceux attribués aux animaux domestiques (un cheval ou un mulet, quelques vaches, des moutons, voire une chèvre) que par une cloison souvent percée d’une porte de communication. Le père de Charles, François Eugène Blanc, né le 26 juin 1897, est « double actif » : cultivateur et métallurgiste aux Aciéries Électriques d’Ugine. Il exerce les fonctions de maire de la commune de Thénésol de 1927 à 1935 (c’est alors qu’il se lie d’amitié avec Jean Moulin, sous-préfet d’Albertville). Il devient à nouveau maire de 1953 à 1956 au décès de Maurice Bourguignon. La mère de C. Blanc, Alice Charles (Fig. 2), née le 17 Mars 1908, est agricultrice. Charles a une sœur, Marie Constance, née le 2 mai 1936.

Figure 2 : Charles, âgé de quelques mois, sur les genoux de sa mère, lors du mariage de sa tante aux Carres.

Figure 2: Charles, a few months old, on his mother’s lap, at the wedding of his aunt in Les Carres.

1 Prénom usuel souligné.

Jusqu’à ce que Charles soit âgé de six ans (Fig. 3), sa mère est accaparée par les innombrables travaux d’une petite ferme où rien n’est mécanisé, vivant selon la tradition montagnarde en quasi-autarcie. C’est surtout sa grand-mère paternelle qui s’occupe de lui.

Elle a conservé de sa jeunesse comme aide-cuisinière à Paris, l’habitude d’agrémenter ses plats d’épices rares en Savoie à l’époque, comme la noix muscade, la vanille, les clous de girofle, des parfums que Charles retrouvera bien plus tard, avec attendrissement, pendant ses nombreux séjours sous les tropiques.

Figure 3 : Charles (six ans) et sa sœur Marie Constance (trois ans) dans le jardin de la ferme de leurs grands-parents, dans le hameau des Carres près de la chambre où ils sont nés.

Figure 3: Charles (six years old) and his sister Marie Constance (three years old) in the garden of their grandparents’ farm, in the hamlet of Les Carres near the room where they were born.

Vers six ans, Charles a la chance d’entrer en cours d’année, à Pâques, dans une classe traditionnelle, unique, accueillant les élèves du cours préparatoire au certificat d’études. La possibilité de suivre les cours destinés à des élèves plus âgés lui a ainsi permis d’accéder en classe de sixième, juste assez tôt pour continuer ses études au Cours Complémentaire d’Ugine.

La ferme exploitée par ses parents est isolée, dépourvue d’électricité, avec quelques animaux domestiques. Après la classe, le rôle de Charles consiste à les maintenir dans les parcelles de prés, petites, nombreuses et non clôturées. Il passe ainsi de longues heures à examiner les nombreuses espèces de plantes et de petits animaux, oiseaux, insectes, araignées… et observe avec passion leur comportement. Et surtout s’adonne à la lecture.

Heureusement, la bibliothèque scolaire est bien fournie, parfois de livres surprenants eu égard à son âge, comme « Croix gammée contre caducée », « L’esclavage en Afrique du Nord », ou encore « Les voyages de Savorgnan de Brazza ».

Charles profite de ses loisirs de petit berger pour exercer sa mémoire : c’est avec tendresse pour son enfance qu’il se remémore les péripéties de l’exploration de Savorgnan lorsqu’il loge, à l’occasion d’une mission bien des années plus tard, dans une petite case au pied du Mont Brazza, falaise escarpée au centre du Gabon, ou qu’il descend à son tour, en pirogue, l’Ogooué.

Lorsqu’arrive l’automne, Charles grimpe aux arbres et les dépouille de leurs rameaux afin d’en faire des fagots feuillus qui constituent la nourriture hivernale, fort appréciée, des moutons et chèvres. Selon les traditions sylvo-pastorales de cette époque révolue, le foin peut être réservé aux vaches laitières et, de plus, les nombreuses ripisylves régulièrement rabattues n’empiètent pas sur les herbages qui sont alors intégralement fauchés manuellement.

À la nuit tombante, le bétail enfermé, Charles est encore chargé de préparer la lampe à acétylène pour éclairer sa mère qui, dans la cave obscure, écrème le lait de la traite précédente recueilli dans un pot spécial en grès, à large bord plat, désigné du nom mythique de graal !

Ses parents ne parlent qu’en un excellent savoyard, et Charles prend conscience de l’intérêt d’être bilingue pour bien acquérir une langue non maternelle. Les longues soirées d’hiver permettent aux voisins de se réunir pour accomplir, ensemble, de nombreux travaux au coin du feu : séparer les cerneaux de noix des débris de leur coquille, retirer les spathes enveloppant les épis de maïs, détacher les fibres des tiges de chanvre… [respectivement,

« gremailler », « débourrer » et « bloyer » en savoyard]. Ces réunions permettent aux anciens de raconter des histoires traditionnelles, d’entonner de vieilles chansons, et d’intégrer les jeunes générations. À cette époque, les loisirs se faisaient rares et les occasions de rencontrer d’autres personnes se limitaient à l’école et aux réunions de famille (Fig. 4).

Figure 4 : Charles à l'âge de sept ans, alors qu'il assiste au mariage de sa tante aux Carres.

Figure 4: Charles at the age of seven, while attending the wedding of his aunt in Les Carres.