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Energie d’activation de la croissance cristalline

CHAPITRE 4 : INFLUENCE DE LA DIFFUSION CHIMIQUE SUR LA CRISTALLISATION

2. Cristallisation et croissance cristalline dans le verre SBN68-18

2.2.4. Energie d’activation de la croissance cristalline

L’évolution de l’épaisseur de la couche cristallisée en fonction du temps étant linéaire, la pente des droites issues des ajustements permet d’associer une vitesse constante à la croissance de cette couche. Les vitesses calculées pour chaque température sont données dans le Tableau 13.

Température (°C) Temps d’incubation (min) U (µm/min)

700 203 ± 46 0,92 × 10−1± 0,45 × 10−1

800 0 2,37 × 10−1± 0,18 × 10−1

900 0 3,72 × 10−1± 0,42 × 10−1

Tableau 13 : Informations issues de l’ajustement des données (temps d’incubation et vitesse de croissance de la couche cristallisée, U).

Le logarithme de ces vitesses a ensuite été tracé dans un diagramme d’Arrhénius, illustré dans la Figure 36. Les points semblent s’aligner suivant une droite, ce qui signifie que le mécanisme responsable de la croissance peut être considéré comme unique entre 700 °C et 900 °C. Il est caractérisé par une énergie d’activation de 60 kJ.mol-1 ± 12 kJ.mol-1 qui est bien inférieure aux énergies requises pour amorcer l’écoulement visqueux (343 kJ.mol-1) ou encore les échanges diffusifs (273 kJ.mol-1) sur la même gamme de température. L’énergie d’activation de la croissance se rapproche davantage de celle de la conductivité ionique (85 kJ.mol-1) qui, rappelons-le, est assimilée à l’énergie nécessaire pour initier l’autodiffusion du sodium. La croissance cristalline semble donc, au premier abord, découplée de la viscosité et de la diffusion chimique. D’autres travaux conduisent à la même conclusion. Dans des verres alumino-silicates de calcium par exemple, Roskosz et ses collaborateurs [5] ont montré que pour des compositions conduisant à de la cristallisation incongruente11, l’énergie d’activation de la croissance cristalline est plus proche de l’énergie d’activation de l’autodiffusion du calcium que de celle des formateurs de réseau. De même, des énergies d’activation de la croissance proches de celle attribuée à l’autodiffusion des alcalins ont été déterminées pour la cristallisation de la cristobalite dans des verres borosilicates [20]. Il est important de souligner ici les différences entre les énergies d’activation mises en jeu au cours

11 La cristallisation est dite incongruente lorsque le cristal formé a une composition différente de celle du liquide parent. A l’inverse, si le cristal a la même composition que le liquide dont il est issu, la cristallisation est congruente.

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d’une cristallisation congruente ou incongruente. En effet, lorsque la cristallisation est congruente, l’énergie d’activation de la croissance se rapproche davantage de l’énergie d’activation de la viscosité [5] ce qui s’explique par le fait que, dans ce cas, la croissance ne nécessite pas de faire diffuser des espèces sur de grandes distances. Elle est alors contrôlée par la cinétique du réarrangement local des liaisons autour du cristal, elle-même limitée par la fréquence de rupture des liaisons les plus fortes, c’est à dire les liaisons Si-O, d’où le lien avec la viscosité.

Figure 36 : Tracé du logarithme de la vitesse de croissance de la couche cristallisée, U, en fonction de l’inverse de la température.

A retenir :

Dans cette section, nous avons suivi l’évolution, dans le temps, de l’épaisseur d’une couche cristallisée formée à l’interface entre deux verres de compositions identiques au cours de traitements thermiques réalisés entre 700 °C et 900 °C. Nous avons montré que pour les différentes températures considérées, l’épaisseur de la couche cristallisée évolue linéairement dans le temps. Les vitesses de croissance de ces couches ont été calculées et leur dépendance en température semble arrhénienne, ce qui suggère qu’un seul et même mécanisme de croissance s’opère entre 700 °C et 900 °C. Ce mécanisme a une énergie d’activation de 60 kJ.mol-1 ± 12 kJ.mol-1 qui se rapproche davantage de l’énergie d’activation de la conductivité ionique, et donc de l’autodiffusion du sodium, que de celles de la viscosité ou des échanges diffusifs. Nous rediscuterons de ce résultat dans la section 4 de ce chapitre.

0.84 0.87 0.90 0.93 0.96 0.99 1.02 1.05 -1.4 -1.2 -1.0 -0.8 -0.6 -0.4 -0.2 0.0 Lo g( Vitesse de cro issance ) ( µm/m in) 1000/T (K-1)

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Conséquences de la cristallisation sur la structure du verre

SBN68-18

Une fois le comportement à la cristallisation du verre SBN68-18 caractérisé, nous avons voulu suivre l’évolution structurale de ce verre dans les premiers instants de la cristallisation, en sondant par RMN haute température le noyau de l’isotope 11 du bore. Les analyses ont été effectuées en statique, à la température pour laquelle nous avons observé une fraction cristalline maximale, c’est à dire 800 °C. Cette température est supérieure à la température dite de coalescence (Figure 37), qui correspond au moment où les raies des unités 𝐵𝑂4− et

des unités 𝐵𝑂3 commencent à fusionner en une seule raie à cause de l’échange 𝐵𝑂4−/𝐵𝑂3

qui devient trop rapide par rapport à l’échelle de temps associée à la précession de Larmor de l’aimantation nucléaire. Au-dessus de la température de coalescence (autour de 600 °C dans notre cas), le spectre RMN est caractérisé par un seul pic, situé à la position moyenne des environnements chimiques. Dans notre cas, à 800 °C, la spéciation 𝐵𝑂3 étant la plus

probable – peu de 𝐵𝑂4−– on observe un pic dans la gamme des déplacements chimiques correspondants (Figure 37 et Figure 38).

Figure 37 : Evolution des spectres RMN du bore 11 avec la température. A 500 °C, les pics associés aux unités 𝐵𝑂4− (0 ppm) et 𝐵𝑂3 (entre 10 et 20 ppm) sont distincts. A 600 °C, les pics coalescent. A 650 °C, les pics ont coalescé, il ne reste plus qu’un pic à la position moyenne des environnements chimiques.

Lors des analyses, le verre a été progressivement monté en température. Un palier de 5 minutes a été réalisé tous les 50 °C entre 600 °C et 800 °C. A 800 °C, un spectre a été

500 °C 600 °C 650 °C

121

enregistré chaque minute au cours d’un palier de 7 minutes. Le chauffage laser permettant d’atteindre très rapidement les températures visées, dans ce qui suit, nous faisons l’hypothèse qu’à l’instant 𝑡 = 0, le verre est à 800 °C. La Figure 38 présente l’évolution du spectre RMN de11B au cours du palier. A l’instant 𝑡 = 0, ce spectre est constitué d’un unique pic asymétrique et centré autour de 8 ppm qui se dédouble dès la première minute du palier, avec la formation d’un nouveau pic autour de 12 ppm. L’intensité de ce pic augmente dans le temps, au détriment du deuxième pic. Compte-tenu de sa position (fréquences plus élevées), il peut être associé à la formation d’un sous-réseau dans lequel le bore se trouve dans un environnement contenant davantage de liaisons de type B-O-B.

La déconvolution des spectres RMN de 11B présentés dans la Figure 38 permet de déterminer une constante de temps associée à la formation de ce sous-réseau boraté à partir d’une loi exponentielle (Figure 39) :

%𝐵𝑂3𝐵 : Population de bore en coordinence 3 dans le pic à 8 ppm (%)

𝐴, 𝐵 : Paramètres d’ajustement (%) 𝑡 : Durée du palier (s)

𝜏 : Constante de temps du phénomène (s)

Cette constante de temps est approximativement de 820 s (car le palier n’a pas été atteint).

Figure 38 : Evolution, avec le temps, du spectre RMN 11B du verre SBN68-18 à 800 °C.

= 𝟎 𝒊

= 𝟏 𝒊

= 𝟐 𝒊

= 𝟑 𝒊

= 𝒊

= 𝒊

= 𝟔 𝒊

= 𝒊

Fréquence RMN

11

B (ppm)

B-O-Si

B-O-B

800 °C

%𝐵𝑂3𝐵 = 𝐴(1 − exp(− 𝑡 𝜏⁄ )) + 𝐵 (4.1)

122

Figure 39: a) Exemple de déconvolution du spectre RMN de 11B à 800 °C, après un palier de

7 minutes. Deux gaussiennes ont été utilisées : la gaussienne centrée à 12 ppm (BO3B)

correspond à du bore se trouvant dans un environnement boraté et la gaussienne centrée autour de 8 ppm (BO3A) correspond à du bore se trouvant dans un environnement davantage

silicaté. b) Résultats de la déconvolution pour les différents temps.

D’après nos précédents résultats, nous savons qu’à 800 °C, la cristobalite se forme dès les premiers instants du traitement thermique. Nous avons cependant voulu contrôler par DRX et MEB la présence de cristaux à l’issue du palier de 7 minutes. Pour cela, nous avons effectué un traitement thermique sur la même poudre (même granulométrie) que celle utilisée au cours des analyses RMN, en suivant le même cycle thermique. Le diffractogramme obtenu sur cet échantillon est présenté à la Figure 40.

𝟖𝟐𝟎

Expérience Simulation

Fréquence RMN

11

B (ppm)

Temps (s)

P

o

p

u

la

ti

o

n

(%

)

𝑩𝑶

𝟑𝑩

𝑩𝑶

𝟑𝑨

𝑩𝑶

𝟑𝑨

𝑩𝑶

𝟑𝑩

a)

b)

123

A retenir :

Figure 40 : Diffractogramme des Rayons X du verre SBN68-18 traité thermiquement à 800 °C pendant 7 minutes.

Ces résultats montrent qu’après un traitement thermique de 7 minutes à 800 °C, la quantité de cristobalite formée est supérieure à la limite de détection de la DRX. Nous pouvons ainsi supposer que la formation du sous-réseau boraté, mis en évidence par RMN, est une conséquence de la cristallisation de la cristobalite.

A retenir :

Ces analyses de RMN 11B effectuées à 800 °C ont permis de mettre en évidence l’apparition d’un sous-réseau boraté ayant une structure différente de celle du verre SBN68-18 et qui se forme de façon concomitante à la cristallisation de cristobalite. La mise en place de ce sous-réseau s’effectue en 15 minutes environ. De telles évolutions structurales suggèrent un phénomène de démixtion [125], ce qui sera discuté dans la partie 3.2.2. de ce chapitre.

10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 Cristobalite (PDF 00-039-1425)

Int

en

sité (

u.

a.)



124

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