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PARTIE III LE DROIT DE PROPRIETE AU SERVICE DE L’INTERET GENERAL

Section 2 Démembrement et fractionnement du droit de propriété

B. Encadrement des loyers

Au Pay-Bas, la protection des locataires est très développée et a contribué à réduire le parc locatif privé qui ne dépasse pas 10%, en détournant les investisseurs privés de l’immobilier. Le marché immobilier hollandais se caractérise en effet par un encadrement très étroit des loyers. Chaque logement possède ainsi une valeur locative maximale, définie à travers un système de points qui tient compte de la surface et de la qualité d’équipement. Si le loyer proposé par le bailleur est supérieur au loyer maximal, le locataire peut saisir pendant les six premiers mois de sa location, une commission (Huurcommissie) qui reverra le loyer à la baisse. 90% des loyers hollandais sont régis par ce système.

§3. L’exemple américain des Community land trust

Les CLT sont des organisations non marchandes contrôlées par des coopérateurs qui possèdent et gèrent des propriétés au profit d’une communauté, dans le but notamment de permettre un accès au logement pérenne. La genèse des CLT remonte aux années 1960 : ce principe été alors conçu comme moyen de concrétisation de l’égalité civile formelle des afro- américains par la propriété foncière. L’idée a été reprise par la suite et la première CLT apparaît en 1969. Le modèle s’étend avant d’être reconnu au niveau fédéral en 1992 par le Housing and Community Development Act qui en fixe la définition. Les CLT se sont ensuite étendues à d’autres pays comme le Canada, le Kenya, le Royaume-Uni.

Chaque terme recouvre une signification bien précise. Ainsi Community fait référence au groupe coopératif aux aspirations démocratiques et à une coopération équitable. Land évoque la terre en tant que bien commun (Common) propriété de la Communauté. Trust rappelle la notion de confiance et la dimension non marchande à l’origine de ce projet, mais fonde aussi le système de partage de la propriété selon les principes de l’Equity que nous avons évoqués précédemment et qui sont présent dans le droit américains. Les CLT sont organisées autour de quelques principe clés : la séparation de la propriété du terrain et de la propriété bâtie ; l’accessibilité durable à un logement à un prix abordable, la gestion démocratique des transferts de la propriété. Les CLT appliquées au logement permettent de développer un habitat coopératif non spéculatif qui garantit aux membres de la communauté un logement à l’abri des avanies du marché immobilier.

Le mécanisme de fonctionnement est relativement simple. Dans un premier temps, la CLT acquiert un terrain dans le but d’en conserver la propriété à long terme. Les logements construits ou déjà existant sont ensuite vendus à des particuliers, ou à une coopérative d’habitation, ou une association à but non lucratif dédiée au soutien à la propriété de logements abordables. Il y a donc fractionnement de la propriété entre le foncier qui

157 appartient à la CLT et le logement à l’acheteur. Ce fractionnement implique la dissociation de la valeur liée à la propriété pleine et entière et le partage des droits et des bénéfices qui y sont rattachés.

Le but de la CLT étant à la fois la propriété pérenne du terrain et des baux à long terme pour les propriétaires des logements qui y sont construits, le bail prévoit le versement d’un loyer par ces derniers à la CLT en contrepartie de l’occupation du terrain.

La revente d’un logement suit le principe du trust, la fiducie prévue par le bail permettant à la CLT un droit de préemption sur le logement au profit de la Communauté. Le prix de vente exclut la valeur du terrain. Il se calcule avec le double objectif de garantir un retour sur investissement au propriétaire et un accès au logement équitable et abordable pour le nouvel acheteur. Le prix choisi est souvent celui du marché, ce qui permet au vendeur de récupérer la somme qu’il a investi plus une part de la valorisation de son logement définie dans le bail (25%). La CLT récupère sur la vente 5 à 10 % de la plus value pour ses frais de fonctionnement et utilise le reste au profit du nouvel acquéreur.

Comme le conclut Audrey Golluccio, chargée de mission au sein d’Habicoop, « la CLT remet le bien en vente sur le marché en retranchant du prix le coût du foncier initial ainsi que le reste de la plus-value engendrée par le bien. Ce mécanisme permet à un ménage de situation socio-économique similaire, voire inférieure, de racheter le bien. »707

Les CLT étaient à l’origine associatives. Depuis leur reconnaissance légale en 1992, elles sont mises en place par les collectivités territoriales elles-mêmes dans le but de répondre aux effets sociaux de la crise du logement. La loi de 1992 a ouvert le dispositif à des fonds publics fédéraux et étatiques tout en permettent une plus grande publicité auprès des banques qui développent désormais des prêts hypothécaires spécialisés dans les CLT. Les États Unis comptent aujourd’hui 190 CLT, présentes dans 33 états sur 50, et constituant un volume de 6.459 logements.

En Angleterre, le système moderne de CLT s’est développé sur la base du modèle américain depuis une dizaine d’années et compte près de 80 organisations. Les CLT y bénéficient également d’une reconnaissance légale que le Housing and Regeneration Act de 2008 est venu préciser en 2008.

Le Pays de Galle s’est également engagé en faveur des CLT en 2010. En Belgique, le mouvement CLT a pris de l’importance en signant une charte pour la création d’une CLT à Bruxelles : en 2011 a été créée l’ASBL CLT Bruxelles. Bref le modèle américain essaime un peu partout dans le monde, repris par les pouvoirs publics.

Cette tendance donne des idées en France où des projets d’habitats coopératifs non spéculatifs sous la forme de SCIC sont en cours de réalisation. Ainsi à Lyon, où l’agglomération a décidé de développer un projet de « faîtière du logement », soutenue par les acteurs de la société civile comme la Fondation Abbé Pierre ou la Fondation de France.

Nous venons de voir que de nombreuses conceptions du droit de propriété existente en dehors de la conception françaises et qui investissent des pistes intéressantes de réflexion au

707

Golluccio, Audrey. « Les Community land trust »[En ligne], In : HABICOOP, Février 2011, p.3 URL :

158 regard de la situation de mal logement que l’on connaît en France. Néanmoins, sauf à imaginer une annexion de la France par un de ces pays, ces systèmes de propriété ne s’imposent aucunement au droit de propriété français. Il n’en vas pas de même pour les traités internationaux que la France a signé comme nous allons le voir à présent.

Titre III -

La reconnaissance internationale du droit au logement

Le droit au logement s’est progressivement développé au niveau international par le biais de la reconnaissance des droits de l’homme et des droits économiques et sociaux essentiellement sous l’effet de trois instances supranationales : l’Organisation des nations unies (ONU) le Conseil de l’Europe et l’Union européenne (UE). Plusieurs traités ont ainsi été adopté dans ce cadre aussi bien au niveau intergouvernemental que communautaire qui ont permis de développer la reconnaissance du droit au logement dans le droit des pays signataires. Par ordre décroisant en termes de portée internationale figurent ainsi la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies ; la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH) et la Charte sociale européenne (CSE) du Conseil de l’Europe ; et enfin la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne. Au regard de la Constitution du 4 octobre 1958, ces textes ratifiés par la France ont valeur de traités internationaux dont l’article 55 prévoit la transcription dans le droit interne. Celui-ci énonce que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie.» Les traités internationaux se placent ainsi au dessus des lois dans la hiérarchie des normes et s’imposent à elles dans le droit interne aussi bien dans l’élaboration des lois postérieures à leur adoption que de manière rétroactives, obligeant à les réécrire conformément aux nouvelles dispositions. Les traités internationaux signés par la France occupent ainsi une place déterminante dans le droit interne susceptible d’influencer ses orientations voire de lui imposer des mutations sémantiques majeures. Marc Uhry et Thierry Viard notent cependant que « malheureusement, le droit international est ainsi approprié par les États que les traités portant sur les droits civils et politiques, et les traités commerciaux apparaissent comme sacrés, tandis que l’affirmation des droits sociaux reste réputée programmatique, c’est-à-dire une orientation sur le long terme n’engageant pas les États au-delà d’une obligation de moyens, jamais évaluée. »708

Au niveau international, ces traités ont une portée juridique plus ou moins prononcée et font ainsi l’objet d’un contrôle de leur application plus ou moins contraignant par des instances désignées à cet effet. Ainsi, le Comité des Nations Unies pour les Droits Economiques, Sociaux et Culturels, et le Comité des Droits Sociaux du Conseil de l’Europe apportent des clarifications sur la portée des droits sociaux sur la base respective de la DUDH et de la CSE

708 Uhry M., Viard T.. « Le Conseil de l’Europe épingle la France sur le droit au logement et le droit à la

protection contre la pauvreté » [En ligne], In : Pauvreté, dignité, droits de l’homme – Bruxelles : Ed. Centre pour l’Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme, 2008, p. 82

URL : http://www.luttepauvrete.be/publications/10ansaccord/10ansaccord_rapport_FR.pdf (consulté le 24.09.2012)

159 tandis que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) contribuent par leur jurisprudence respective sur la CESDH et la Charte des droits fondamentaux à garantir ainsi qu’à préciser contenu des normes que contiennent ces textes.

Section 1 - La DUDH et le Pacte international relatif aux droits

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