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CHAPITRE 1 : PROPOSITION D’UN CADRE CONCEPTUEL DE LA PROXIMITE

1. Genèse du concept de proximité

1.2.2. En économie

En économie, les travaux sur les milieux innovateurs et les districts industriels, dès la fin des années 70 introduisent la notion de relations localisées comme fondement de la compétitivité territoriale, même s’ils n’avancent pas explicitement la notion de proximité (Becattini et Rullani, 1995). L’économie géographique la mobilise également, parfois de façon implicite, parfois de façon explicite en analysant la dynamique des forces d’agglomération, versus celles de dispersion. Elle est par contre mobilisée de façon explicite par le groupe de recherche « Dynamiques de proximité » fondé au début des années 90 (Bellet et alli., 1998; Gilly et Torre, 2000). En 1993, le numéro spécial de la Revue d’Economie Régionale et Urbaine consacré aux économies de proximité est souvent considéré comme le point de départ de ce groupe de recherche. Dans ce courant, la notion de proximité est introduite 1- soit par l’approche territoriale : la proximité apparait alors comme un facteur de compétitivité. Le territoire définit l’espace de la proximité (la proximité est un effet de l’existence historique du territoire) ou est défini par lui, économiquement ou institutionnellement (le territoire est un effet des relations de proximité, économiques ou institutionnelles). Ce courant ignore les effets négatifs de la proximité, ou les traite de façon secondaire. 2-Soit la proximité est une dimension possible de la coordination entre

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agents économiques. Elle constitue un élément explicatif de la distribution spatiale des agents et de son évolution, en fonction de leurs besoins de coordination.

Les économistes sont les premiers à concevoir la proximité comme un concept multifacette, proposant dès lors une approche multiforme de la proximité. Rallet (2002) rappelle en effet que la proximité est multiple, et ne se résume pas à une notion de distance. Il y a une proximité géographique certes mais également une proximité relationnelle, technologique, cognitive, affective, cette pluralité étant essentielle pour pouvoir penser son rôle dans l’organisation spatiale. C’est ce qui l’amène à parler d’économie des proximités et non de l’économie de proximité.

Cherchant à qualifier ces composantes de la proximité, les économistes établissent un consensus autour de la distinction entre proximité géographique et organisationnelle. Les divergences portent alors sur les dénominations et les sous-catégories de cette seconde forme de proximité. La proximité géographique se rapporte à la distance physique entre les acteurs. Elle présente à la fois un caractère objectif (distance parcourue, coûts de transports) (Rallet et Torre, 2005) et subjectif dans le sens où elle dépend « du jugement porté par les individus sur la distance qui les sépare » (Bouba-Olga et alli., 2008). La proximité non géographique est quant à elle qualifiée de proximité organisée (Gilly et Torre, 2000; Kirat et Lung, 1995; Rallet et Torre, 2005), ou plus récemment de proximité socio-économique (Bouba-Olga et alli., 2008). Par proximité organisée, Rallet et Torre (2005) entendent « la capacité qu’offre une organisation de faire interagir ses membres, l’organisation désignant ici tout ensemble structuré de relations, formelles ou informelles ». Deux formes de proximité organisée sont identifiées (Gilly et Torre, 2000 ; Rallet et

Torre, 2005) : la proximité d’appartenance et la proximité de similitude. La logique

d’appartenance renvoie à l’interaction entre acteurs qui peut être facilitée par des règles communes, des routines. De l’autre côté, la logique de similitude correspond à un lien créé par le partage d’un même système de représentations et de croyances.

Cet effort intéressant de précision et de définition des différentes formes de la proximité réalisé par les économistes mêlant approches comportementale et cognitive est curieusement peu repris dans les travaux récents en marketing Business to Business. C’est par contre le cas dans les travaux portant sur le comportement des consommateurs, qui sans faire état de la littérature en économie, s’attachent eux aussi à prendre en considération le point de vue des acteurs de la relation dans leur perception de cette proximité, et à en définir les différentes facettes.

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L’analyse des relations particuliers-fournisseur

1.3.

La littérature relative à la proximité perçue dans le cas de relations clients-fournisseurs s’accorde sur la nécessité d’aller au-delà d’une approche comportementale de la proximité pour prendre en considération la dimension affective. Toutefois, des désaccords subsistent sur deux éléments : 1- le caractère uni ou multi forme de la proximité, 2- la nature des formes de proximité perçue.

1.3.1. Une approche comportementale et affective

Pour les auteurs travaillant sur l’analyse des relations clients-fournisseurs il est nécessaire de prendre en compte, non seulement la dimension économique de la relation mais aussi la dimension sociale, car ce sont les liens sociaux forts qui vont permettre d’inscrire la relation dans le temps (Dampérat, 2006). Il est donc essentiel d’intégrer à l’analyse les aspects affectifs qui existent entre les participants à l’échange. Ils s’appuient pour cela sur les travaux de Czepiel, (1990) pour qui la relation client-entreprise se définit comme «la reconnaissance mutuelle d’un statut spécial entre les partenaires de l’échange» (Dampérat, 2006 ; Barnes 1997).

Pour parler de relations de proximité, la relation doit donc être mutuellement perçue comme existante par les deux parties. Elle doit aller au-delà de contacts occasionnels et être reconnue comme ayant un statut spécial (Barnes, 1997 ; Dampérat, 2006). La majorité des travaux privilégient dès lors une autoévaluation de la proximité de la relation, entendue par Salerno (2001) comme « le sentiment que l’organisation, le personnel ou la marque se comportent comme le ferait un ami, et sont proches du client ».

Si Dampérat (2006) partage cette nécessité d’intégrer à l’analyse les aspects affectifs qui existent entre les participants à l’échange, elle est la seule à accorder explicitement de l’attention aux efforts mis en œuvre par les entreprises pour maintenir les circuits de communication ouverts avec le client. La fréquence des interactions et leur nature doivent, selon elle, être prises en compte car elles permettent d’accroitre la qualité de la relation et donc la proximité perçue. Pour Barnes (1997) toutefois, la meilleure définition de ce qu’est une relation de proximité doit provenir des partenaires de l’échange eux-mêmes, basée sur leur propre évaluation subjective de la proximité de la relation. Au travers d’études qualitatives menées par l’auteur, Barnes montre en effet que les contacts des clients avec l’organisation doivent contenir autre chose que les simples transactions. Des items tels que « je ne les ai jamais entendus », « je n’ai jamais parlé à quelqu’un » « pour moi ils sont juste une facture » montrent qu’il n’y a pas de relation de proximité. Le concept de proximité désigne alors un degré de liaison communautaire, plutôt qu’un degré d'interaction

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ou de dépendance en soi. Par exemple, une entreprise et un client peuvent avoir des interactions fréquentes et compter les uns sur les autres fortement pour un bénéfice mutuel. Toutefois, si les deux parties gardent leurs intérêts et leur identité strictement séparés, alors, bien qu'ils aient une relation d'affaires étroite, ils ne se sentent pas "proches" les uns aux autres, dans le sens de la bienveillance désintéressée. Dans cette perspective, le fait de « se sentir proche » réfère à un sentiment subjectif de fusion avec l’identité et les intérêts de l’autre (Barnes, 1997 ; Liu, 2011). C’est dans cette double approche comportementale et affective que nos travaux s’inscrivent considérant que les liens structurels qui peuvent se créer entre un consommateur et un point de vente ne suffisent pas à créer une relation de proximité et qu’il est nécessaire de prendre en compte les sentiments, les émotions qui constituent cette relation.

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