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2.3 Rhéologie des fluides à seuil disponibles

2.3.4 Emulsions huile/eau

a) Physicochimie des émulsions

Les émulsions sont composées de deux phases liquides, l’une étant dispersée sous forme de goutelettes dans la phase continue. Les plus communes sont les émulsions huile/eau, dans lesquelles l’huile dispersée est entourée d’un tensio-actif permettant sa stabilisation. Elles sont fabriquées en cisaillant fortement un mélange des deux phases, de manière à apporter l’énergie dW nécessaire à l’acroissement de surface dS de contact huile/eau (dW = σ.dS). Cet apport d’énergie augmente donc le nombre de micelles tout en diminuant leur taille. Leurs propriétés influent fortement sur le comportement rhéologique macroscopique de l’émulsion. Plusieurs régimes sont observés en fonction de leur concentration et de leur taille [30] :

- Le comportement en régime dilué de sphères en suspension a été étudié par Einstein et présente une viscosité newtonienne.

- Le régime concentré commence avec l’apparition d’interactions hydrodynamiques entre les micelles et s’étend jusqu’à l’arrangement de sphères à compacité maximale (≈ 74%). Plusieurs lois tentent de décrire le comportement rhéologique sur des plages variées de concentration. La formule d’Einstein peut être vue comme le premier ordre d’un développement limité et dont les termes suivants tiendraient compte de ces interactions. D’autres tentatives proposent des modèles de type Carreau.

- Le régime fortement concentré, également appelé "compressé", existe pour des concentra- tions supérieures à 74%. Ceci est rendu possible en déformant les sphères en polyhèdres. Le mélange se comporte comme un solide élastique en deçà de la contrainte seuil, qui varie exponentiellement avec la concentration en phase dispersée [31, 32].

Dans notre étude, nous utilisons une émulsion huile/eau industrielle : la mayonnaise. Sa concen- tration en huile est de 80%, elle fait donc partie des émulsions fortement concentrées. Nous avons veillé à ce que sa composition soit aussi simple que possible. Sa masse volumique est de 984, 5 ±0.1

kg/m3. [33] présente une technique pour diluer la mayonnaise sans mûrissement des micelles, ce

qui nous a permis d’observer au microscope la distribution de tailles de ces dernières (fig. 2.18). La majorité d’entre elles a un diamètre inférieur à 15µm, mais certaines ont probablement déjà

(a) Portion de la micrographie des micelles (b) Représentation en histogramme de la distribution de taille des micelles

Figure 2.18 – Distribution de taille des micelles de notre émulsion

coalescé. Les plus grandes mesurent moins de 40 µm de diamètre.

Il est intéressant de comparer le temps de relaxation élastique (inverse de la première fréquence propre) d’une goutelette avec la constante de temps de la décroissance en pression que nous impo- sons dans le montage expérimental. Oldroy [31] a estimé ce temps :

t = ηR

σ

(3 + 2λ)(16 + 19λ)

40(λ + 1) (2.11)

où λ est le rapport des viscosités dynamiques de la phase dispersée à la phase continue, η la viscosité de la phase continue, σ la tension interfaciale entre les deux phases et R le rayon des

micelles. Nous avons t de l’ordre de 10-5 s. L’élasticité qui lui est associée ne se manifestera que

dans le cas des écoulements élongationnels ou instationnaires.

b) Mesures

Les propriétés rhéologiques de la mayonnaise ont été mesurées avec le rhéomètre cône-plan. L’émulsion que nous achetons contient de l’air sous forme de microbulles (c’est une triple émulsion huile-air/eau). Ces dernières étant déformables, elles ajoutent une composante élastique au fluide qui nous est préjudiciable. Nous les retirons en plaçant sous vide l’intégralité du fluide qui sert à

Figure2.19 – Modules de stockage (symboles noirs) et de perte (symboles blancs) de l’émulsion.

 : avant dégazagge, • : dégazée sans eau, N : dégazée avec adjonction préalable d’eau

l’expérience à l’intérieur d’un dessiccateur. Afin de faciliter leur évacuation, nous baissons tempo- rairement la viscosité en ajoutant de l’eau. La mise sous vide dure deux jours et évapore l’excédent d’eau que nous avons introduit préalablement. Les résultats en termes de module de stockage et de perte après chaque étape sont présentés fig. 2.19. L’adjonction d’eau et le dégazage permettent de réduire de 47% le module de stockage sans modifier le module de perte.

Le rhéogramme est mesuré pour une rampe de contrainte croissante et immédiatement suivie d’une rampe décroissante. La fig 2.20 montre qu’il n’y pas de modification significative et par conséquent l’effet de la thixotropie est négligeable.

Sur la figure 2.21, on peut voir le rhéogramme mesuré avec le rhéomètre cône-plan et celui me- suré à l’aide du capillaire en utilisant la formule de Rabinovtich-Mooney (2.10). Or, comme nous connaissons la nature de la loi rhéologique du fluide (de type Herschel-Bulkley), nous avons préféré utiliser l’expression théorique du noyau 2.2 pour déterminer les trois paramètres qui définissent la loi de comportement de ce fluide. Cette façon de procéder s’avère très proche du rhéogramme mesuré par cône-plan. En effet, la formule de Rabinovtich-Mooney, qui permet de mesurer les

Figure 2.20 – Rhéogramme de l’émulsion avec mesure de thixotropie

Rh. cap. Rh. cap.

Rh. cône-plan Rab. Mooney régression du kernel

τ0 (Pa) 64.7 49.0 47.03

k (Pa.sn) 2.22 4.52 6.63

n (-) 0.821 0.647 0.573

Table 2.3 – Paramètres de la loi rhéologique d’une même émulsion, acquis de trois manière

différentes

contraintes à la paroi, ne traduit pas exactement la nature des déformations au coeur de l’écou- lement dans le capillaire (qui est non-contrôlable car le fluide est non-newtonien). Les paramètres issus de la mesure expérimentale directe du kernel seront retenus pour l’inversion de l’équation de Volterra. Leurs valeurs numériques sont résumées dans le tableau 2.3. En conclusion, sous réserve de connaître le type de loi rhéologique qu suit le fluide, nous pouvons nous contenter d’une mesure de la relation débit-perte de charge pour caractériser ce fluide.

Figure 2.21 – Comparaison des rhéogrammes d’une même émulsion, obtenus de différentes ma- nières

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