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Comme nous l’avons vu, l’identité respective de BlackPills et de Studio + se construit également à travers celle de la télévision. Nous pouvons affirmer que BlackPills est le produit éditorial revendiquant – de manière intentionnelle ou non – le plus sa filiation avec la télévision et ses genres. On observe notamment une distinction entre des programmes de stock et des programmes de flux (souvent interactifs), la création de RDV grâce aux notifications push pour les émissions de flux en live avec des déictiques précisant l’instantanéité (« maintenant », « tout de suite »...), une offre proposant des genres variés et empruntés à la télévision (talk-show, documentaires, séries...). Cette catégorisation montre la manière dont BlackPills emprunte à la télévision le genre qui reste « l’alpha et l’omega de la télévision210 ».

209 Xavier Thomann, « BlackPills, la plateforme de streaming qui ne rend pas accro »,TELERAMA, [disponible en

ligne : www.telerama.fr/television/blackpills-la-plateforme-de-streaming-qui-ne-rend-pas-accro,156100.php], publié le 4 mai 2017, consulté le 16 juillet 2018.

BlackPills communique d'ailleurs en employant le terme « votre nouvelle télévision » ou bien « The new TV » sur l'ensemble de ses supports de communication et sur l’ensemble des écrans sur lequel le produit éditorial se transpose (smartphone, tablette, ordinateur, téléviseur…)

Figure no. 38

Capture d’écran de la page d’accueil de BlackPills (www.blackpills.fr) sur lequelle on peut lire « The New TV » que l’on traduit par « La nouvelle télévision »

Pourtant, comme l’a affirmé Virginie Sonet lors de notre entretien, les contenus de BlackPills et Studio + ne sont pas des produits télévisées.

Ils sont produits et conçus initialement pour un autre support et un autre mode de distribution. Ils ne relèvent pas du modèle économique TV dominant - gratuit avec financement publicitaires – et les audiences ne sont pas synchrones…Les critères ne sont pas tous réunis pour en faire des contenus proprement dits télévisés211.

Lors de notre entretien, Frédéric Jacquette a affirmé ne pas concevoir BlackPills comme une nouvelle télévision car selon lui, la télévision est un dispositif donnant accès à divers contenus différents. Dans ce cas-là, il ne faudrait pas communiquer en tant que « nouvelle télévision » mais en tant que « nouvelle chaîne de télévision212 » selon lui. La « nouvelle télévision » correspondrait davantage à Netflix. Cependant, il revient sur cette affirmation pour prendre position : « pour moi, ce n'est même pas de la télévision. C'est autre chose. C'est une nouvelle plateforme crée par des gens qui ne venaient même pas de la

télévision213 ». Cette dénomination par « autre chose » montre que la caractérisation du produit n’est pas encore tout à fait clair, d’où la nécessité d’avoir recours à des objets connus et reconnus afin de se construire en tant que média et pour légitimer l’offre éditoriale. Le produit se construit par rapport à et en référence à la télévision pour dessiner les contours de sa future identité propre.

Il paraît rapidement évident que la stratégie d’imitation n’est pas totalement opérante et qu’il est nécessaire d’écrire “autrement”, de penser une autre forme de navigation [...], d’autres formats, d’autres modes de repérages [...], bref, de considérer le web comme un espace de publication et de médiation à part entière, dont il faut connaître et reconnaître la spécificité214.

A travers les productions BlackPills, qui sont des productions

audiovisuelles numériques conçues pour une diffusion sur le web, on observe le même processus que la filiation entre les web-séries et la télévision déjà décrite par François Jost.

La télévision reste une référence, qu’elle soit un but ou un repoussoir et, pour les webséries ouvertement fictionnelles, elle reste aussi bien comme langage que comme lieu de production le critère de la réussite215

Nous pouvons affirmer que les productions BlackPills et Studio + répondent aux mêmes critères : les codes de la télévision sont utilisés par l’acteur médiatique soit pour se démarquer soit pour se légitimer vis-à-vis du récepteur, c’est-à-dire son potentiel public.

A ce titre, il est intéressant de noter la manière dont la série Amnésia (2017) est présentée en référence à la série « Engrenages » et à son actrice principale, une série à succès diffusée sur Canal +.

212 Entretien personnel avec Frédéric Jacquette, Annexe 2 213 Ibid.

214 Marie Despres-Lonnet, Dominique Cotte. « Nouvelles formes éditoriales en ligne. » , Communication et langages,

vol. 1, no. 154, 2007, pp. 118-119

215 François Jost. « Webséries, séries TV : allers-retours. Des narrations en transit ». Télévision, vol. 1, no. 5, 2014, p.

Figure no. 39

Capture d’écran de la plateforme Studio + sur ordinateur présentant la série Engrenages dans un menu déroulant

Enfin, BlackPills et Studio + partagent un point commun avec la télévision : le fait de diffuser des contenus qui lui préexistent, c’est -à-dire en empruntant les genres ou bien en achetant des contenus d'ores et déjà produits pour un autre média afin de le distribuer.

N'oublions pas, toutefois, que la télévision est ess entiellement un outil de diffusion de documents qui lui préexistent et qu'elle s'insère comme telle dans une tradition générique qui la précède et la dépasse216.

Il en est de même pour BlackPills et Studio +. Comme nous l'avons vu, ces deux produits se construisent en tant qu'outil de diffusion de contenus les ayant pré-éxistés : les séries, les talkshows, les documentaires...