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Jouer le jeu de la surveillance constante du CIO, des médias et de l’opinion publique

B. Emmanuel Macron, atout principal de la candidature Paris 2024 ?

Elu Président de la République le 7 mai 2017 puis entré en fonction une semaine après, Emmanuel Macron connaissait bien le dossier de candidature de la ville de Paris aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Alors Ministre de l’Economie sous le gouvernement de François Hollande, ce dernier avait bien préparé le terrain médiatique de la candidature parisienne (nous l’avons vu, son intervention en faveur d’un projet de candidature olympique en prime time sur TF1 le 6 novembre 2014 a joué un rôle prépondérant, politiquement et médiatiquement parlant). Il ne restait plus, en ce sens, qu’à Emmanuel Macron d’en assurer la continuité politique, en affichant son soutien dans la médiatisation de la candidature. Pour autant, la continuité politique va beaucoup plus loin avec lui en s’insinuant comme une forme de lobbying actif. Emmanuel Macron invitait à l’Elysée, quelques jours à peine après sa prise de fonctions, soit le 16 mai 2017, les membres du Comité d’évaluation du CIO dans le cadre de leur visite des futurs sites olympiques parisiens. L’omniprésence du Chef de l’Etat doit être questionnée au prisme de cet événement dans le dossier de candidature.

Les événements médiatiques construits autour de la candidature de Paris 2024, la célébration des Journées Olympiques notamment, les 23 et 24 juin 2017, sont une émanation, sur le terrain, des ambitions de la France dans le projet olympique. Il est question de marquer le coup, dans tous les sens du terme :

- Une organisation pharaonique où à été installée une piste d’athlétisme éphémère flottante sur la Seine.

- Mobiliser les moyens techniques et humains des fédérations sportives nationales olympiques - dont la Fédération Française de Tir à l’Arc qui disposait d’un pas de tir, éphémère lui aussi, en périphérie des Invalides - pour permettre à la population d’essayer un sport.

- Un dispositif médiatique important a été organisé afin de couvrir l’événement sur tous les supports de presse.

- La participation d’Emmanuel Macron à l’une des deux journées, s’étant lui-même prêté à une partie de tennis.

Emmanuel Macron effectue une partie de tennis lors des Journées Olympiques le 23 juin 2017 à Paris. Crédit photo : Alain Jocard / AFP

La photographie utilisée ci-dessus illustre particulièrement bien l’idée selon laquelle Emmanuel Macron est un atout médiatique de la candidature de Paris 2024. Le signal envoyé au CIO est fort : il montre le Président de la République, l’incarnation du sommet du pouvoir de l’Etat, en costume et en cravate, jouer une partie de tennis avec des sportifs. Pin’s Paris 2024 sur la veste, Emmanuel Macron fait une démonstration de lobbying rarement vue ailleurs, ni même du côté de la deuxième ville candidate, Los Angeles, qui ne bénéficie pas de la même implication physique ni de la même implication médiatique - l’absence pure et simple - de la part de son Président Donald Trump. Le contraste est saisissant à un deuxième niveau. Alors qu’Emmanuel Macron était tout juste entré en fonction, l’une de ses premières apparitions médiatiques est consacrée à la promotion du sport et de la candidature de Paris 2024. Atout ou opportunité, l’événement des Journées Olympiques devait se dérouler avec ou sans “l’intrusion” médiatique du Président de la République. Toujours est-il que l’équipe de campagne de Paris 2024 a su tirer profit de la posture d’un personnage qui montre l’exemple, au pouvoir politique fort et au sommet de sa popularité, pour que les yeux des observateurs - les médias, le CIO et l’opinion publique - se posent d’une manière bienveillante sur Paris 2024.

Cependant, l’entrée d’Emmanuel Macron en tant qu’acteur omniprésent de la candidature de Paris 2024 doit être mise en relief avec la volonté initiale du projet de candidature aux Jeux Olympiques et Paralympiques. Le rapport Keneo que nous avons mentionné dans notre étude dénonçait précisément “des politiques trop présents”93 dans les candidatures françaises précédentes : un paradoxe est immédiatement visible. Replacé dans un contexte temporel tout d’abord, le rapport Keneo datant de 2012 et l’élection présidentielle en 2017, la recommandation allait nécessairement être mise à l’épreuve d’un potentiel nouveau Chef de l’Etat dans le processus de médiatisation de la candidature. Avec Emmanuel Macron fraîchement élu et une bonne partie de son énergie mise dans sa promotion, la remise en cause de l’une des recommandations clés du rapport Keneo ne fait pas de doute. Le dispositif panoptique dont nous faisons usage dans le déroulement de notre analyse fait donc apparaître un nouvel acteur, médiatiquement encombrant si on l’inspecte avec la distanciation critique nécessaire et qui suppose pour le moins, du point de vue de la stratégie de communication de Paris 2024, un réajustement de sa campagne de mobilisation.

Interrogé quelques jours après les Journées Olympiques des 23 et 24 juin 2017, Tony Estanguet reprend mot pour mot les éléments de langage de la prise de la prise de parole d’Emmanuel Macron au sujet d’une candidature dite “européenne” de la France à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques. Il délivre par la même occasion un message qui assume pleinement l’implication du Président de la République dans le processus de la candidature :

“La présence d’Emmanuel Macron témoigne de notre unité. Toute la France est derrière notre candidature, qui est aussi celle de l’Europe. Elle est également un formidable gage de confiance dans le pouvoir du sport pour changer la société et la rendre meilleure, la transformer. Notre nouveau président est un compétiteur. Il veut remporter ce défi.” 94

93

Voir ANNEXE 1.

94

Le Temps, Tony Estanguet : “Le projet olympique de Paris est pensé et construit pour 2024 ” (En ligne) :

Dire que Tony Estanguet assume pleinement la présence et l’implication d’Emmanuel Macron dans le processus de candidature est la manifestation évidente d’un contrôle du discours, où les éléments de langage du politique, percutants en ce qu’ils placent la candidature de la France aux JOP de 2024 dans une dimension européenne ont été mis à profit dans le discours médiatique. Il s’agit de tenir une ligne narrative constante, malgré l’apparition d’un nouvel acteur très impliqué médiatiquement.

2. Être vu comme une “équipe” : la mise en scène

conjointe du sportif et du politique dans le dispositif