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Chapitre 1 : Sources des gaz traces atmosphériques dans les principaux

1.3. Emissions des gaz traces dans les écosystèmes africains

1.3.1. Emissions liées aux feux de biomasse

En Afrique, les feux de végétation jouent un rôle central dans la chimie de l’atmosphère tropicale et subtropicale et, selon Lacaux et al. (1993), représentent 57% du total des combustions de biomasse en zone tropicale (49% des feux de savane et de 8% des incendies de forêt). Les feux de savane sont responsables de plus de 90% de la biomasse totale brulée en Afrique, contrairement à ce qui se passe en Amérique du Sud et Asie du Sud, où les incendies de forêt sont plus importants (Delmas et al., 1991). Les feux de biomasse ont lieu en Afrique durant les saisons sèches (figure 1.6), de mi-Novembre à Mars dans l’hémisphère Nord, de mi-Juin à Octobre dans l’hémisphère Sud (Hao et Liu, 1994 ; Marenco et al., 1990 ; Giglio et al., 2006 ; Ito et al., 2007). Les processus responsables d’émissions de composés liés à la combustion de biomasse sont :

- les feux de brousse pendant la saison sèche pour nettoyer la savane et renouveler les pâturages. Plus de 70% des zones de savanes africaines sont potentiellement soumises au feu chaque année (Delmas et al., 2005).

- la déforestation ou défrichement pour l’extension de l’agriculture ; elle est fréquente dans les zones forestières et les savanes humides qui sont appropriées à l’exploitation agricole.

- l’utilisation intensive du bois ou du charbon de bois comme source d’énergie (cuisine, chauffage…).

L'ensemble de ces feux constitue une source importante de gaz traces et de particules en suspension libérés dans l'atmosphère, ainsi ils ont un impact important dans les

27 changements globaux, notamment en termes d’émissions atmosphériques de gaz à effet de serre (Liousse et al., 1996). L’intensité des émissions liées aux feux dépend notamment de la quantité de biomasse brûlée : elle est maximale pour la savane guinéenne (ou humide) et minimale pour la savane sahélienne.

Figure 1.6 : Pixels de feux au-dessus (des fenêtres) de l’Afrique du Nord (NAfr) et de

l’Afrique du Sud (SAfr) respectivement en janvier et juillet 2007. La barre en couleur indique pour chaque pixel de feu le nombre de feux actifs identifiés. (source : Amraoui et al., 2010).

Les principaux produits de feux de biomasse qui nous intéressent dans cette étude sont : NOx, NH3, SO2 et indirectement O3 à travers ses précurseurs (CO, CH4, COV). L’azote initialement présent dans la biomasse brûlée est volatilisé sous forme de NO, NO2, N2O, NH3, HCN et de nitrates et nitrites organiques et en majeure partie (60 à 70%) sous forme d’azote moléculaire N2 (Crutzen et Andreae, 1990 ; Crutzen et al., 1990, Kulbusch et al., 1991). On peut aussi observer des émissions de NO3- et NH4+ particulaires (Andreae et al., 1988; Lacaux et al., 1993). Les composés du soufre SO2 et OCS proviennent des amino-acides soufrés protéiniques, qui constituent 50 à 90% de la teneur en soufre de la plante (Turnet et Lambert, 1980). Le reste du soufre se trouve sous forme de sulfate, dont la majeure partie s’incorpore aux cendres, une faible partie est émise sous forme particulaire. Les feux de biomasse

28 contribuent en grande partie aux émissions globales de CO, COV et NOx (les précurseurs d’ozone). Les fumées des feux de biomasse peuvent être transportées loin des sources et essentiellement au dessus de l’océan Atlantique pour ce qui concerne les feux d’Afrique de l’Ouest. Dans ces panaches de fumées, de fortes concentrations d’ozone ont été observées. Les travaux de Marufu et al. (2000) suggèrent que l’Afrique est la région du monde où les émissions des feux de biomasse affecte le plus l’ozone troposphérique à l’échelle globale. L’analyse des données MOZAIC récoltées au dessus des aéroports du Golfe de Guinée (Sauvage et al., 2005) montre que la concentration d’ozone est maximum durant la saison sèche avec des valeurs maximales entre 60 et 80 ppb vers 750-700 hPa. Ces maxima d’ozone sont liés au transport par le flux d’Harmattan des émissions issues des feux de biomasse. En ce qui concerne les oxydes d’azote (NOx), les feux de biomasse en Afrique rejettent entre 2 et 7,6 Tg(N) par an (Crutzen et Andreae, 1990 ; Andreae, 1988). Ces émissions sont l’équivalent de 10 à 30% de celles de NO issues de combustibles fossiles, et elles sont comparables aux émissions biogéniques par les sols (5 à 15 TgN/an). Jaeglé et al. (2004) ont aussi montré que les émissions des NOx issues des combustions de biomasse (3,8 TgN/an) sont comparables à celles issues des sols (3,3 TgN/an) à l’échelle de l’ensemble du continent africain.

La variabilité interannuelle des feux est grande et diffère selon les types de brûlage. En effet, la quantité de biomasse brûlée dépend non seulement du type de végétation et de la quantité de matière brûlée mais aussi de facteurs météorologiques tels que les sécheresses intenses, et les activités humaines.

Dans la plupart des inventaires globaux et régionaux (Hao et Liu, 1994 ; GEIA ; EDGAR ; Liousse et al., 1996 ; Cooke et Wilson, 1996 ; Van der Werf et al., 2006, 2008 ; Liousse et al., 2010 ; Mieville et al., 2010), la construction des inventaires de feux de biomasse est basée sur une approche « bottom-up », selon la formule générale :

E(X) = M * EF(X)

Avec E, les émissions de gaz ou aérosols (en g), M, la quantité de biomasse brûlée (en kg) et EF, le facteur d’émission de l’espèce X (en g/kg de matière sèche) dont on calcule les émissions.

De nombreuses incertitudes subsistent encore sur le calcul de telles émissions (Liousse et al., 2010 ; Mieville et al., 2010), et c’est en Afrique que les écarts sont les moindres (Mieville et al., 2010). Pour les facteurs d’émissions, de nombreuses études expérimentales ont fourni des valeurs de facteurs d’émissions selon le type de végétation brûlée (Michel et al., 2005 ;

29 Liousse et al., 2004 ; Andreae and Merlet, 2001). Cependant, certains écosystèmes demeurent encore peu caractérisés (par exemple, la végétation méditerranéenne). Des études d’inter comparaisons entre plusieurs inventaires ont eu lieu ces 3 dernières années (Granier et al., 2010 ; Stroppiana et al., 2010, Tummon et al., 2010) pour tester les incertitudes liées à la détermination de quantité de biomasse brûlée (M). La quantité de biomasse est calculée en tenant compte de la surface brûlée (A), de la densité de biomasse (B), de la fraction de biomasse au-dessus de la surface du sol (α) et de l’efficacité de brûlage (β), selon la relation :

M = A * B * α * β

L’estimation du paramètre A (surface brûlée) a été améliorée dans les années 1995 par l’utilisation de données satellites, qualitativement à l’aide de cartes de pixels de feux issues des données des radiomètres ATSR (ESA) et AVHRR (Advanced Very High Resolution Radiometer) (Cooke et al., 1996), puis quantitativement par l’utilisation des cartes de surfaces brûlées (Ito and Penner, 2005 ; Michel et al., 2005, Boschetti et al., 2004 ; Hyer et Reid, 2009).

Le choix du paramètre B (densité de biomasse) est également sources d’incertitudes, peu de mesures étant disponibles. Généralement on a recours à des cartes de classes de végétation et à leur paramètres associés (densité de biomasse, efficacité de brûlage…), comme par exemple les cartes UMD (Hansen et al., 2000) et GLC2000 (Bartholomé and Belwarfd, 2005). Il existe une autre approche (Van der Werf et al., 2006) qui utilise le concept de végétation dynamique pour réduire les incertitudes. Des études d’inter comparaison sont en cours pour évaluer (ou comparer) les deux approches. Enfin, une nouvelle approche, encore en cours de développement, permet de réduire les incertitudes sur la détermination des quantités de biomasse brûlée à partir des données satellites de FRP (Fire Radiative Power). Cette dernière fournit une information sur l’activité des grands feux visibles par satellite, directement corrélée à la quantité de biomasse brûlée (Roberts et al., 2005 ; Wooster et al., 2005).

Notons que pour l’Afrique, il a été montré par différentes études de modélisation, utilisant les données d’entrée des différents inventaires des feux de biomasse, que l’inventaire AMMABB (AMMA Biomass Burning) développé à partir des données L3JRC et de la carte GLC pour les années 2000-2006 (Liousse et al., 2010) donnait des résultats satisfaisants par rapport à d’autres inventaires existants (Tummon et al., 2010 ; Barret et al., 2010 ; Jason et al., 2010 ; Liousse et al., 2010).

Dans le chapitre 5 de ce manuscrit, pour le bilan émission-dépôt de l’azote atmosphérique, nous allons calculer les émissions de NOx et de NH3 par les combustions de

30 biomasse à partir des données satellites des surfaces brûlées (L3JRC) (Liousse et al., 2010), dérivées des données du capteur végétation SPOT-VGT et de la carte de végétation GLC (Global Land Cover).