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Chapitre 1 : État de l’art

II. Synthèse et émission des COVB par les plantes

3. Emissions de COVB par les plantes

3. Emissions de COVB par les plantes

Les plantes émettent des COVB dans l’atmosphère pour répondre à différents types de besoins (physiologique, communication, réponse à un stress, etc.) (Figure 1 - 4).

Figure 1 - 4. Localisation et fonction des émissions de terpénoïdes avec un nb d’atomes de carbone ≤ C15 (flèches bleues) et > C15 (flèches rouges)(Tholl, 2015).

a. Voies d’émission

Il existe différentes voies d’émissions possibles pour les plantes : la voie stomatique, la diffusion cuticulaire, l’émission générée à la destruction ou à l’endommagement de la matrice végétale.

1) La voie stomatique

Les stomates sont des pores présents dans l’épiderme des organes supérieurs des plantes. Leur ouverture est régulée par l’activité physiologique de la plante et certains paramètres de l’environnement extérieur, tels que la lumière ou la température. Ces pores permettent, via leur ouverture/fermeture, le contrôle des échanges gazeux de la plante. Ils jouent un rôle

primordial dans l’apport de CO2 pour la photosynthèse ainsi que la circulation d’eau dans la

plante en contrôlant l’évapotranspiration. Ces échanges gazeux sont décrits par la conductance stomatique exprimée généralement en nmol m-2 s-1. Elle représente la quantité d’un composé gazeux qui diffuse par voie stomatique pour les composés dont la constante de

40 majoritairement présents dans l’eau circulant dans la plante. Leurs gradients de pression partielle (ΔP) entre l’intérieur de la cavité sous stomatique et l’air ambiant ne sont alors pas suffisamment élevés pour contrebalancer la fermeture du stomate lorsque la plante limite l’évapotranspiration et la conductance stomatique décroît alors. Pour les composés dont la constante de Henry est supérieure et/ou peu/non soluble, comme les terpènes, la diminution de la conductance stomatique est contrebalancée par le gradient de pression (ΔP), dépendant de la pression partielle du composé dans la cavité sous stomatique et de la pression partielle du composé dans l’air ambiant (Grote et Niinemets, 2008).

2) Les voies non stomatiques

Les COVB peuvent également diffuser à travers la cuticule des plantes, soit la pellicule recouvrant et protégeant les tiges et les feuilles de l’arbre, et être émis dans l’atmosphère. Ce processus est plus lent que l’émission par voie stomatique (Guenther et al., 2000) et s’observe au niveau des trichromes glandulaires ou des cavités dédiées au stockage de résine. Ces cavités sont présentes chez les conifères tels que le pin maritime.

Les feux, la coupe des plantes ou leur dégradation sur le sols induisent l’ouverture à l’air libre de résine ou de zone de stockage des COVB (Guenther et al., 1995; Sindelarova et al., 2014). Ceux-ci peuvent alors s’évaporer progressivement dans l’air en fonction de la température ambiante.

b. Paramètres influençant l’émission

Les principaux paramètres influençant l’émission de COVB dans l’atmosphère sont : l’activité enzymatique, la capacité de stockage du composé par la plante, la lumière et la température (Figure 1 - 5) (Grote et Niinemets, 2008; Laothawornkitkul et al., 2009; Niinemets et al., 2004).

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Figure 1 - 5. Relation entre la capacité synthèse d'un COV (I) et son émission (E) (Grote et Niinemets, 2008)

La capacité de stockage d’un composé par une plante influence le facteur d’émission et sa

dépendance à l’activité enzymatique. Si la quantité de composé stocké est importante (cf. 1er

cas en haut de la Figure 1 - 5), l’émission est indépendante de la capacité de synthèse du composé. Elle dépend alors de la résistance du tissu de stockage à la diffusion du composé (gouvernée par la température). Les plantes telles que les Pinus, Abies (sapins), Eucalyptus et ceux de la famille des Rutaceae (famille contenant notamment les citronniers, les orangers et les pamplemoussiers) stockent les COVB dans des compartiments spécifiques (des cavités pour stocker de la résine, des glandes de stockage d’huiles ou des trichomes glandulaires). Les mono- et sesquiterpènes ainsi que les diterpènes sont les principaux composés volatils stockés dans ces compartiments.

Dans le cas de l’isoprène, la capacité de stockage n’est pas assez importante dans les plantes pour être indépendante de sa synthèse. Son émission est donc régie dans un premier temps par la température puis elle dépend de la capacité de synthèse de la plante. Comme vu précédemment, les précurseurs de la plupart des COVB émis dépendent de la photosynthèse et donc de l’irradiation solaire. Celle-ci influe donc sur le taux d’émission du composé. Par ailleurs, les enzymes ont une activité qui dépend de la température de la plante, avec une température optimale de travail. Au-delà de cette température, leur capacité de synthèse se

dégrade. Sans stockage, l’émission est régie par la capacité de synthèse de la plante (cf. 3éme

cas en haut de la Figure 1-5).

D’autres facteurs sont à prendre en compte pour une modélisation fine des émissions, comme l’âge de la feuille, la localisation de la feuille dans la canopée et la teneur atmosphérique en

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CO2 (son influence n’est pas encore totalement décrite). Par exemple, dans le cas d’une

augmentation de la concentration de CO2 dans l’air ambiant, la quantité d’isoprène émise

diminue (Grote et Niinemets, 2008; Niinemets et al., 2010; Sindelarova et al., 2014) alors que la quantité de monoterpènes et de sesquiterpènes augmente (Huang et al., 2018). Des études réalisées sur plusieurs plantes de la même espèce ont montré une forte variabilité entre les arbres, même au sein d’une même forêt (Hakola et al., 2017; Messina et al., 2016). Ces différences concernent à la fois les quantités de composés émis mais aussi l’émission ou non d’un composé. Cette disparité est également observée au niveau des branches d’un même arbre. Selon des études récentes, l’âge de l’arbre semble avoir une influence sur la composition et la quantité des émissions (Hakola et al., 2017; Laothawornkitkul et al., 2009; Niinemets et al., 2010, 2004). Les conditions météorologiques précédant la mesure peuvent avoir une influence non négligeable. Par exemple, dans le cas d’une forêt des pins Ponderosa (Pinus ponderosa L.) il a été constaté qu’à la suite d’une pluie, les arbres ont tendance à émettre de manière plus intense (Schade et al., 1999). Les infections par des parasites peuvent conduire à l’émission de composés spécifiques par la plante afin de se défendre directement (composés favorisant la fuite du parasite ou toxique pour lui) ou indirectement en attirant un prédateur naturel de ce dernier (Hakola et al., 2017; Laothawornkitkul et al., 2009; Tholl, 2006; Vranova et al., 2013). Par exemple, Nagnan et Clement (1990) ont montré que certains terpènes, comme le linalol, le bornylacétate, l’α-terpinéol ou encore l’α-pinène, étaient toxiques et utilisés par les pins maritimes dans la lutte contre les termites du genre

Reticulitermes présente en forêt des Landes.

c. Mesure des émissions

Considérant la variabilité des émissions des COVB par les plantes tant en terme quantitatif qu’en terme de composition, la mesure des émissions de COVB par les plantes est indispensable, afin d’améliorer nos connaissances de ces processus et leur représentation dans les modèles de chimie-transport atmosphérique.

Le Tableau 1 – 4 répertorie les concentrations (C), flux démissions (F) à l’échelle de la canopée et les taux démissions (E) déterminés dans plusieurs études réalisées en milieu ambiant ou en conditions contrôlées. La concentration des COVB est aussi un paramètre intégrateur qui résulte d’un ensemble de processus : émission, dépôt, réactivité photochimique, advection. Le terme de flux réfère à une mesure intégrative (par exemples, par les méthodes d’Eddy covariance, de gradient similaire (K-méthode) ou de Relaxed Eddy Accumulation (REA) (Park et al., 2014; Ruppert et al., 2006)), qui englobe la quantité de

43 COVB émise à l’échelle d’un écosystème entier. Les taux d’émissions représentent en revanche la quantité de COVB émise par une plante ou une partie de plante (branche, tronc,

feuille) par unité de matière sèche et unité de temps (généralement exprimée en µg gms−1 h-1).

Ils sont déterminés sur le terrain en conditions réelles ou en laboratoire dans des conditions contrôlés.

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Tableau 1 - 4. Niveaux moyens de (C) concentration moyennes (ppb), (E) taux d’émission moyens (µg 𝐠𝐦𝐬−𝟏 h-1) et (F) flux d’émissions moyens (nmol m-2 s-1) reportés dans la littérature. Pour chacun des paramètres, les valeurs des minima et maxima sont données entre parenthèses lorsqu’ils sont disponibles. Les valeurs négatives de flux indiquent un dépôt du composé associé à l’écosystème. LD : Limite de Détection. (Kammer, 2016)

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46 d. Paramétrisation des émissions dans les modèles

La paramétrisation des émissions est essentielle afin de représenter au mieux ces processus dans les modèles d’émissions. Les modèles d’émissions permettent ainsi de calculer des flux de COVB émis. Les flux de COVB émis calculés sont alors utilisés comme données d’entrée dans les modèles de chimie-transport, avec lesquels le rôle des COVB dans la production d’espèces secondaires tels que l’ozone ou les aérosols organiques secondaires peut éventuellement être estimé à différentes échelles spatiales et temporelles. Le modèle le plus utilisé est « Model of Emission of Gases and Aerosols from Nature (MEGAN) » (Guenther et al., 2000; Guenther, 2006; Niinemets et al., 2011; Sindelarova et al., 2014). Ce modèle est basé sur des relations empiriques décrivant l’évolution des émissions en fonction de la température et de l’ensoleillement. Ces relations sont décrites par un algorithme mathématique basé sur l’équation suivante (Guenther et al. 2000; Guenther et al. 1995; Guenther 1993; Guenther 2006) :

F = ER × S × γ II.E.2

Avec :

F (µg.grid cell-1. h-1) représente le flux d’un composé émis par l’écosystème dans une

cellule du modèle

ER (µg m-2.h-1) est le taux d’émission du composé pour l’écosystème considéré à 30°C

et à une intensité lumineuse de 1000µmol.m-2.s-1.

S est la surface de la cellule (m2)

γ est un facteur correctif permettant de prendre en compte les paramètres environnementaux (tels que l’intensité lumineuse et la température).

Le modèle a été régulièrement réactualisé depuis 1993 et la version utilisée actuellement est MEGAN v2.1 (Sindelarova et al., 2014). Cette paramétrisation est très dépendante de la qualité des données d’entrée.

L’amélioration des modèles d’émission, tels que MEGAN, est basée sur la comparaison (1) directe des flux d’émission calculés par les modèles à ceux mesurés sur le terrain ou (2) indirecte des concentrations déterminées à l’aide d’un modèle de chimie-transport, - intégrant les flux d’émissions calculés par le modèle d’émission mais aussi d’autres processus tels que le dépôt, les transformations physico-chimique, l’advection - , aux concentrations mesurées sur le terrain.

47 Plusieurs campagnes de mesures intensives récentes ont fait l’objet de comparaisons avec les résultats de modélisation : « Large-scale Biosphere-Atmopshere experiment - Cooperative LBA Airbone Regional Experiment » (LBA-CLAIRE) (Kuhn et al., 2007), « Community Atmosphere Biosphere Interactions Experiment » (CABINEX) (Kim et al., 2011), « Oxidants and Particle Photochemical Processes » (OP3) (Langford et al., 2010), « Southern Oxidant and Aerosol Study » (SOAS) (Sareen et al., 2016) afin de les valider. Sindelarova et al. (2014) comparent par exemple des flux obtenus par MEGAN v2.1 aux mesures de terrain de

LBA-CLAIRE en Amazonie et d’OP3à Bornéo. La comparaison des flux d’émissions mesurés pour

l’isoprène et les monoterpènes avec les résultats du modèle montre qu’en moyenne, les flux calculés sont supérieurs de 50% aux flux mesurés lors de la campagne LBA-CLAIRE. Par ailleurs, la différence d’approche entre le modèle MEGAN v2.1, intégrant que les flux nets sortant de la canopée et la mesure des flux d’émissions, intégrant les flux entrants et sortants de la canopée, génère de grandes différences dans le cas de mesure de flux négatifs (entrants), qui explique en partie la différence constatée entre le modèle et la mesure (Sindelarova et al., 2014). La moyenne journalière des émissions mesurées lors de la campagne OP3 à Bornéo est en bon accord pour les monoterpènes mais une surestimation d’un facteur 1,7 est obtenue pour le flux d’isoprène. En forêt amazonienne, la modélisation des émissions d’isoprène par MEGAN v2.1 représente bien les variabilité saisonnières des émissions d’isoprène (Sindelarova et al., 2014). Pour affiner les modèles, il faut fournir de nouvelles mesures d’émission des végétaux tant pour comparer les modèles que pour obtenir des données d’entrée plus exhaustives. Ces mesures sont de mieux en mieux maîtrisées aujourd’hui (Sindelarova et al., 2014).

e. Les émissions en France

Selon Simon et al. (2006), la part des émissions biogéniques dans le bilan total en COV est moins importante en France qu’à l’échelle globale (50 % contre 90 %). Par ailleurs, cette part reste importante et encore mal décrite dans les modèles comme vu précédemment. Dans leur étude ciblée sur la région méditerranéenne, Simon et al. (2006) montrent que les COVB émis sont constitués à 50 % de monoterpènes, 27 % d’isoprène et 17 % de COVO. Les proportions des différentes espèces de COVB varient fortement selon les régions françaises et en partie selon le climat considéré. Le territoire français peut ainsi être caractérisé par 8 climats différents (Joly et al., 2010) et pour lesquels les émissions des COVB sont différentes. Alors que l’étude d’Oderbolz et al. (2013), concernant l’ensemble de l’Europe, conclut à une

48 d’émissions de COVB en France. Cette différence peut s’expliquer par le fait que la région méditerranéenne possède une activité agricole relativement peu importante par rapport à d’autres régions françaises. Or, les terpénoïdes contribuent à seulement 39% du total des COVB émissions agricoles, contre 61% pour les COVO (Karl et al., 2009). De plus, la région méditerranéenne est dominée en peuplement par des arbres émetteurs de monoterpènes, ce qui peut aussi expliquer les proportions déterminées dans l’étude de Simon et al. (2006).