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ELEMENTS DE LA STRUCTURE DE LA FISCALITE FRANÇAISE

Chapitre introductif

ELEMENTS DE LA STRUCTURE DE LA FISCALITE FRANÇAISE

Chapitre introductif

Qu’est-ce que l’équité en matière de fiscalité ? L’équité en matière fiscale est atteinte lorsque les prélèvements obligatoires sont adaptés aux capacités des contribuables à les acquitter. Un système fiscal équitable traite les contribuables avec justice, c’est-à-dire que la charge fiscale qu’ils doivent supporter est proportionnée à leurs capacités contributives, et que les prestations financées par l’impôt sont accordées à ceux qui en ont le plus besoin.

La question de l’équité ne se pose pas que pour les particuliers. Elle vaut également pour les entreprises. Par exemple, les grandes entreprises, ou les firmes multinationales (FMN), se trouvent parfois très avantagées par le système fiscal en comparaison avec les petites et moyennes entreprises et celles qui n’ont pas de présence en dehors du territoire français, ce qui peut être considéré comme inéquitable.

123 Citation attribuée à Albert Einstein par Leo Mattersdorf, son comptable, dans Time

138 Typologie de l’équité. L’équité recouvre plusieurs aspects, dont les prémisses ont été énoncées par Aristote dans Éthique à Nicomaque.

L

L’’ééqquuiittéévveerrttiiccaalle, tout d’abord, implique que la charge fiscale soit répartie e

de façon juste entre des contribuables dont les niveaux de revenus et de patrimoine sont différents. Autrement dit, le système fiscal doit tenir compte des inégalités de ressources entre les contribuables soumis aux mêmes impôts.

L

L’’ééqquuiittéé hhoorriizzoonnttaalle, ensuite, consiste à appliquer des pressions fiscales e

différentes à des personnes qui ont des caractéristiques différentes (en termes de situation familiale ou de handicap par exemple). Ainsi, un système fiscal équitable taxera proportionnellement moins et fournira plus de prestations sociales à un couple avec plusieurs enfants qu’à une personne célibataire.

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unniiqquueeddééffiinniittiioonn ddeell’’ééqquuiittéé ffiissccaalle. L’équité est une notion protéiforme, e

qui répond à plusieurs acceptions. Aussi un système fiscal ne peut-il jamais être parfaitement équitable ou, à l’inverse, totalement inique. La réalité est le plus souvent nuancée et se situe à mi-chemin entre ces deux extrêmes. Certains aspects de la fiscalité peuvent être équitables, d’autre beaucoup moins. Ceci vaut pour le cas français. Nous nous efforcerons de mettre en exergue les situations dans lesquelles l’impôt est équitable, mais aussi de signaliser et d’analyser les éléments inéquitables qui le composent, de relever les difficultés qui contrarient la recherche d’équité, et de formuler dans la mesure du possible des recommandations pour accroître l’équité fiscale.

139 Pourquoi l’équité est-elle nécessaire ?

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Laannéécceessssiittééddeell’’ééqquuiittééccoonnssttiittuueeuunneeooppiinniioonnaanncciieennnne. Dès le XVIIIe siècle, e

Adam Smith124 affirmait, dans la première des quatre maximes qu’énonce

la partie de son ouvrage consacrée à l’impôt et aux dépenses publiques, que « Les sujets d’un État doivent contribuer au soutien du gouvernement, chacun, le plus possible, en proportion de ses facultés. »

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Leeffaaiittddeessoouummeettttrreeuunnssyyssttèèmmeeffiissccaallààuunniimmppéérraattiiffdd’’ééqquuiittééeessttaauussssiiuunn c

chhooiixxppoolliittiiqquuee, ce qui donne de la force à cet impératif. Les objectifs d’un système fiscal sont le résultat de décisions politiques, et plus largement de l’histoire de chaque pays, des choix de société globalement partagés par ses citoyens et exprimés par leurs suffrages, ainsi que de la tradition d’action politique qui y prévaut. Benjamin Disraeli125, lorsqu’il était

ministre des finances du Royaume-Uni, affirma : « En matière d’impôt, il faut tenir compte des mœurs du peuple, au moins autant que des principes de la science126. »

La plupart des pays développés à économie de marché (PDEM) cherchent à atteindre, à des degrés différents, un objectif d’équité, et sont soucieux de l’efficacité de leur système fiscal. Le cas français, sur lequel notre étude se focalisera, est toutefois éminemment singulier. La France se distingue en effet par une forte présence de l’État. Contrairement aux pays anglo- saxons par exemple, où l’initiative privée est valorisée et où le rôle de l’État est soigneusement contenu et parfois considéré avec méfiance, la France

124SMITH Adam, Richesse sur la nature et les causes de la richesse des nations, Des Impôts,

livre V, chapitre II, 2ème section, 1776.

125 Commons Hansard, Commons Debates, Commons Sitting of 30 April 1852, Series 3, Vol.

121, cc9-88.

Disponible sur http://hansard.millbanksystems.com/commons/1852/apr/30/ways-and- means-the-budget

126 « In questions of finance, the feelings of the people must be considered as well as the

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accorde traditionnellement un rôle étendu à l’État et lui assigne de nombreuses missions, tant dans la sphère économique que dans le domaine social.

Dans tous les cas, l’exemple français se prête bien à une étude de l’équité de sa fiscalité. Effectivement, porter un jugement sur le caractère plus ou moins équitable d’un système fiscal, pointer les obstacles qui se dressent face à son équité et proposer des solutions pour la renforcer n’a de sens que si le système fiscal en question érige l’équité comme objectif à atteindre. Mesurer l’équité de la fiscalité d’une nation dont le législateur ne se soucierait pas d’équité et n’utiliserait pas l’outil fiscal à cette fin ne serait pas d’une grande utilité et aurait peu de sens.

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l’’eeffffiiccaacciittéé.. Les contribuables sont sensibles à l’équité, et sont d’autant plus portés à remplir spontanément leurs obligations fiscales qu’ils ont le sentiment de percevoir un « juste retour » en contrepartie des prélèvements qu’ils versent127. Une fiscalité équitable procure aux

contribuables un sentiment de justice, et les rend plus enclins à consentir spontanément au paiement de l’impôt et à comprendre sa nécessité, et les pousse à être moins tentés de se livrer à des pratiques d’évitement de l’impôt.

Un impôt inéquitable est, au contraire, plus difficilement acceptable. S’il génère des situations d’injustice, des réticences peuvent se faire jour. Un exemple peut être trouvé dans l’histoire britannique récente. En 1990 a été introduite, en Grande-Bretagne, la Community Charge, plus couramment appelée poll tax. Il s’agissait d’une capitation, c’est-à-dire d’un prélèvement par tête, applicable en l’espèce à chaque adulte. Son montant était forfaitaire et son taux proportionnel. Ce prélèvement n’était donc pas

127Conseil des prélèvements obligatoires, La fraude aux prélèvements obligatoires et son

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modulé en fonction des ressources des contribuables. Il pénalisait, en conséquence, les foyers les plus modestes. Considéré comme injuste par une grande partie de la population, ce dispositif se heurta à un rejet massif, qui prit la forme d’un boycott accompagné d’émeutes, dont le point culminant fut atteint le 31 mars 1990 – soit quelques jours avant l’entrée en vigueur de la poll tax – avec le soulèvement de Trafalgar Square, à Londres128. La mesure a finalement été retirée, entrainant accessoirement

dans sa chute le gouvernement de l’époque, dirigé par Margaret Thatcher. Si l’équité est propice à l’acceptation de l’impôt, il se trouve que ce consentement à l’impôt renforce son efficacité. En effet, un impôt que les contribuables acceptent et donc acquittent fournira des recettes plus importantes aux finances publiques. En outre, le coût qu’occasionne le contrôle du respect par les contribuables de leurs obligations fiscales sera moindre. Plus qu’une comptabilité, il existe donc une synergie entre la recherche d’équité et l’objectif d’efficacité.

Historiquement, la recherche d’une fiscalité équitable s’est manifestée dès l’après-guerre. C’est à l’orée de la Seconde Guerre mondiale que la recherche de l’équité a été érigée en axe structurant de la fiscalité française.

Par exemple, le décret du 9 décembre 1948129, qui institua notamment

l’IRPP, obéissait déjà en partie à une volonté d’introduire plus d’équité dans l’imposition des particuliers. Dès sa création, l’IRPP a en effet été doté d’éléments de progressivité, que l’on retrouve dans les deux composantes de cet impôt, à savoir la taxe proportionnelle et la surtaxe progressive. La taxe proportionnelle, d’une part, n’était pas véritablement proportionnelle malgré son nom, puisqu’elle prévoyait des taux différents en fonction des

128 GROSS, David M., 99 Tactics of Successful Tax Resistance Campaigns, CreateSpace

Independent Publishing Platform, 2014.

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catégories de revenus, des décotes et, surtout, un taux plus faible (9%) pour la partie des revenus inférieure à cent mille francs. La surtaxe progressive, d’autre part, avait pour mission, selon l’exposé des motifs du décret qui l’institue, « d’ajuster la charge fiscale à la capacité contributive de chacun, cela par le jeu de l’abattement à la base, du quotient familial et du taux progressif130 » Elle s’appliquait au revenu global, qu’elle imposait

selon un barème progressif de neuf tranches s’échelonnant de 0% à 60% (voire à 77% pour les personnes célibataires). Elle se singularisait par un dispositif dont l’esprit perdure encore aujourd'hui : le quotient familial. Quelque trois décennies plus tard, c’est à nouveau une volonté d’équité qui a justifié la création d’un impôt sur le patrimoine frappant les particuliers qui possèdent un patrimoine important. Cet impôt sur les hauts patrimoines a été introduit en France en 1981131. Il s’agissait de l’impôt sur

les grandes fortunes (IGF). Cet impôt était chargé d’une symbolique politique très forte. Sa création s’inscrivait dans une volonté de justice sociale et fiscale. Son histoire fut toutefois très mouvementée. Ce prélèvement a fait l’objet d’une vive controverse dès sa création. Il fut supprimé en 1986, à la faveur de l’alternance politique. Tout comme sa création, cette première suppression était un geste largement symbolique, car les exonérations étaient si nombreuses que l’IGF ne concernait qu’un très petit nombre de contribuables. Mais dès 1989, un impôt similaire fut rétabli, quoique sous un nom différent : l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Les caractéristiques de l’ISF, en termes d’assiette et d’exonérations, étaient sensiblement les mêmes que pour l’IGF. Mais sa justification était nouvelle, puisque son produit était destiné au financement d’un nouveau revenu de transfert, créé en faveur de l’équité et de la réduction des inégalités : le revenu minimum d'insertion (RMI).

130 Exposé des motifs du décret n° 48-1986 du 9 décembre 1948, qui porte réforme fiscale

des impôts directs, des impôts indirects, des droits d'enregistrement et des droits de mutation (JORF du 1 janvier 1949 p. 60).

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Seront étudiés successivement :

Chapitre 1 – Les limites de la progressivité et de la redistribution du

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