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ELECTROACTIVITE D’ISOLATS ANAEROBIES

V.1. Introduction

Dans le chapitre précédent, les résultats obtenus en voltammétrie cyclique avec les isolats aérobies facultatifs des biofilms électroactifs du terreau permettent de penser que les bactéries responsables du transfert des électrons à l’électrode à partir de l’oxydation de l’acétate étaient probablement anaérobies strictes. A la suite de ces observations, une nouvelle campagne d’isolement sur milieux sélectifs, cette fois en conditions anaérobies, a été menée. Dans ce cas, deux milieux contenant du Fe(III) comme accepteur d’électrons et de l’éthanol comme donneur d’électrons ont été utilisés. Pour ces milieux, seules changent la nature et la concentration des composés minéraux (se reporter au chapitre 2, paragraphe II.6.7. de ce manuscrit). Ils ont été choisis pour deux raisons :

- l’approche moléculaire (culture-indépendante) a montré une prédominance de bactéries ferriréductrices avec une importante majorité de bactéries appartenant au genre Pelobacter, puis des bactéries du genre Geobacter.

- leur composition est inspirée d’un milieu précédemment défini pour étudier des micro-organismes issus de sédiments anaérobies capables d’oxyder l’acétate et d’autres acides gras à courte chaîne en CO2 en utilisant simultanément du Fe(III) comme unique accepteur d’électrons (Lonergan et al., 1996). Par la suite, les bactéries de cette étude appartenant à la famille des Geobacteraceae se sont avérées capables d’utiliser une électrode comme accepteur d’électrons (Bond et al., 2002 ; Bond et Lovley, 2003).

Dans un premier temps, la mise en culture du biofilm sur ces nouveaux milieux a permis d’obtenir un consortium bactérien. Par la suite, 25 isolats ont été cultivés séparément. Parmi ces isolats, 19 ont été identifiés comme étant des souches de Geobacter bremensis. Ce résultat ne correspond pas à la proportion révélée par la méthode culture-indépendante non sélective, il semberait que le milieu utilisé a favorisé la croissance de Geobacter bremensis par rapport à Pelobacter spp.. Jusqu’à présent il n’a d’ailleurs pas été possible de formuler un milieu permettant de cultiver des isolats du genre Pelobacter.

Les études en culture pure initiées par ces résultats se sont alors portées sur :

- plusieurs souches de Geobacter bremensis directement isolées des biofilms électroactifs du terreau,

- la souche commerciale Pelobacter venetianus DSM 2395 (souche voisine des Pelobacter spp. du terreau).

La vérification de l’électroactivité de ces bactéries a été effectuée en chronoampérométrie en oxydation (les résultats obtenus avec les différentes souches de Geobacter bremensis font l’objet d’une publication) et en réduction. En oxydation, les deux techniques électrochimiques, chronoampérométrie et voltammétrie cyclique ont été utilisées en parallèle. Cette fois, afin d’évaluer l’électroactivité du biofilm réel et non plus simplement celle de cellules bactériennes adhérées sur la surface de l’électrode, les voltammétries cycliques ont été réalisées in situ dans le réacteur, pendant la chronoampérométrie, avec l’électrode de travail utilisée pour la chronoampérométrie.

V.2. Electroactivité des cultures pures en conditions d’oxydation

V.2.1. Résultats obtenus avec les souches Geobacter bremensis

L’obtention d’isolats anaérobies issus des biofilms du terreau a initié une nouvelle série de chronoampérométries ayant pour objectifs de reproduire les phénomènes observés dans le terreau et d’optimiser les conditions mises en œuvre en réacteur afin d’obtenir les densités de courant les plus élevées possible. Tous les essais ont été effectués à 0.50 V vs Ag/AgCl, en absence de Fe(III)-acide nitrilotriacétique afin de contraindre les bactéries à utiliser l’électrode comme accepteur d’électrons. Plusieurs étapes successives comprenant l’évolution de l’étude du consortium bactérien aux isolats et l’optimisation des conditions opératoires (milieu de culture, matériau d’électrode et apport en nutriments) ont permis d’améliorer à chaque fois les densités de courant. Les résultats obtenus dans ce cadre sont présentés dans la publication "Electrochemically active strains of Geobacter bremensis isolated from electrochemically active biofilm". Cette publication étant en cours de préparation, le texte à suivre présente uniquement les résultats issus de ce travail et ne détaille pas les résultats des approches culture-indépendante et culture-dépendante évoqués dans ce chapitre qui ont été obtenus au LEMiR. Ainsi, les tests électrochimiques menés avec le consortium bactérien et une souche commerciale de Pelobacter venetianus sont introduits sans que ces deux inoculums aient été définis dans la publication. Cet aspect sera ajouté ultérieurement, lorsque la partie traitant de la microbiologie des biofilms électroactifs du

Les premiers essais ont été réalisés avec le consortium bactérien, montrant des densités de courant maximales de 99 mA/m2 avec une électrode de DSA® et 656 mA/m2 avec une électrode de graphite. Ces valeurs ont été multipliées au minimum par 3 dans des conditions d’essai similaires mais avec les cultures pures d’isolats Geobacter bremensis. Ces résultats ont donc mis en évidence l’efficacité accrue des isolats pris individuellement et par conséquent il semble qu’il n’y ait pas d’interactions de type synergie entre ces différentes bactéries.

Des contraintes de temps nous ont forcé à limiter les essais, 4 isolats parmi les 19 obtenus ont donc été choisis pour mener les premiers tests en culture pure. Ces isolats ont été cultivés à partir de biofilms prélevés sur des électrodes différentes (mais formés dans le même batch de terreau) et sur deux milieux différents (milieux A et C). A l’issue de ces essais, 2 isolats ont été retenus pour poursuivre l’optimisation des conditions opératoires : G. bremensis souche E et G. bremensis souche B. Ces deux isolats ont été choisis car ils présentaient des profils ERIC-PCR différents (Enterobacterial Repetitive Intergenic Consensus, méthode qui permet de caractériser des souches bactériennes en amplifiant des séquences d’ADN répétitives), indiquant qu’ils représentaient deux souches différentes. Les deux souches retenues ont donné les densités de courants les plus élevées pour leur profil respectif. A partir de cette étape, l’étude de la souche commerciale G. bremensis DSM 12179 a été ajoutée au programme d’essais afin d’évaluer si la caractéristique d’électroactivité était spécifique aux isolats.

Par la suite, avec ces trois souches, la définition des conditions optimales s’est poursuivie selon les étapes suivantes :

- choix du milieu de culture (résultats non présentés dans la publication) : les deux milieux, A et C, utilisés pour les isolements ont été testés. Les meilleures densités de courant ont été obtenues dans le milieu A. A titre d’exemple, avec l’isolat G. bremensis E, 30 mA/m2 ont été obtenus avec le milieu C et 1403 mA/m2 avec le milieu A.

- choix du matériau d’électrode : des électrodes de DSA® et des électrodes de graphite ont été utilisées montrant une amélioration des densités de courant d’un facteur 2 à 20 avec le graphite selon la souche considérée.

- alimentation en continu en substrat : ce paramètre a permis de stabiliser la densité de courant à 1730 mA/m2 avec l’isolat G. bremensis E (électrode de graphite). Cette étude a montré pour la première fois la capacité d’isolats issus du terreau et identifiés comme des souches Geobacter bremensis à transférer des électrons à une électrode. Les

opératoires mais il est également apparu que l’efficacité du transfert électronique de la souche commerciale G. bremensis DSM 12179 était moindre comparée à celle des isolats. A titre d’exemple, avec une électrode de DSA®, une densité maximale de 1403 mA/m2 a été enregistrée avec la souche G. bremensis E alors que 100 mA/m2 ont été obtenus avec la souche commerciale dans les mêmes conditions. Ce résultat a confirmé l’intérêt de la démarche adoptée dans ce travail, soulignant l’importance d’étudier les bactéries directement isolées des biofilms électroactifs et non des bactéries proches de celles identifiées dans les biofilms, comme cela est le plus souvent reporté dans la littérature.

L’étude en chronoampérométrie a été réalisée au potentiel de 0.50 V vs Ag/AgCl afin de ne être limité par le transfert d’électrons entre les bactéries et l’électrode. Cependant, dans l’optique d’une éventuelle utilisation des isolats G. bremensis dans une PAC microbienne, il est apparu important d’évaluer la valeur du potentiel à partir de laquelle ces bactéries sont capables d’effectuer l’oxydation de l’éthanol. Ce paramètre a été déterminé par l’intermédiaire de voltammétries cycliques réalisées avec l’électrode utilisée pour la chronoampérométrie, à différents stades du développement du biofilm à sa surface. Ainsi, pour toutes les souches de G. bremensis (isolats et souche commerciale), que ce soit avec l’électrode de DSA® ou de graphite, un phénomène d’oxydation a été observé à partir d’un potentiel de 0.1 V vs Ag/AgCl.

Par ailleurs, les travaux menés dans le terreau puis avec les isolats des biofilms ont permis d’évaluer l’influence du potentiel sur le biofilm électroactif. Pour cela, des électrodes de contrôle (électrodes identiques mais non polarisées) ont été disposées à côté des électrodes polarisées à la fois dans le terreau au début de l’étude, puis dans les réacteurs anaérobies ensemencés avec les isolats. Des différences entre les électrodes polarisées et les électrodes non polarisées ont été relevées :

- en terme de diversité microbienne : l’approche culture-indépendante à partir des électrodes de DSA® enfouies dans le terreau a permis de montrer que la majorité des bactéries identifiées sur les électrodes polarisées ont été identifiées comme étant des Deltaproteobacteria affiliées aux genres Pelobacter et Geobacter, alors que la majorité des bactéries présentes sur les électrodes non polarisées ont été identifiées comme étant des Firmicutes (genre Bacillus) et des Gammaproteobacteria (genre Pseudomonas),