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Concernant le diagnostic précoce des troubles du langage ou des troubles de la communication, certains outils accessibles aux orthophonistes existent déjà. Nous les présentons en Annexe 1. Pourtant, face aux jeunes enfants, l’orthophoniste se retrouve souvent désemparé. Ainsi, rares sont les outils permettant d’évaluer de manière complète le langage oral chez le tout-petit. Quant à la communication, s’ils sont plus nombreux, ils sont également très chers et nécessitent souvent une formation. Ils sont alors peu utilisés par les professionnels libéraux. De plus, les outils existants sont généralement plus utiles pour déterminer l’éventuelle présence d’un trouble que pour poser un diagnostic précis. En effet, la comparaison des résultats de l’enfant à la norme nous permet d’objectiver la sévérité du déficit, mais ne nous indique que peu de choses sur la nature du trouble causant les difficultés. Enfin, s’il existe des grilles analytiques et des tests normés, il semblerait qu’aucun outil ne rassemble ces différentes méthodologies d’évaluation. Comme l’exprime Marie- Thérèse Le Normand : « La pratique orthophonique s’orientant actuellement vers une

prise en charge très précoce, la nécessité d’outils adaptés à l’évaluation du langage oral d’enfants d’âge préscolaire s’impose de plus en plus. »

Nous avons donc voulu créer un outil fonctionnel le plus exhaustif possible, rassemblant tous les marqueurs pouvant permettre de poser précocement un diagnostic différentiel entre Trouble du Spectre Autistique, Dysphasie et Retard de langage sévère. Pour cela, nous avons choisi d’allier les différents types d’évaluation existants. Ainsi, notre grille fera appel à l’anamnèse, à l’observation clinique en situations libres ou semi-dirigées et à des épreuves normées tirées de tests préexistants. Elle est à destination des orthophonistes uniquement.

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1) De l’élaboration de la grille

a. Des critères discriminants

Nous avons commencé par rassembler, pour chaque profil diagnostic, les marqueurs observables selon la littérature, les recherches récentes et l’expérience clinique de divers orthophonistes. Nous avons ensuite classé ces items par grands champs : Développement de l’enfant, Communication et interaction sociale, Parole, Langage, Capacités cognitives et autres.

Pour chacune de ces compétences, nous avons proposé différents types de réponses en fonction de l’évaluation. Ainsi, de nombreux items appellent une réponse en « oui » ou « non », il s’agit de ceux visant à évaluer la présence ou l’absence d’un comportement. Les items normés, eux, invitent l’orthophoniste à cocher « pathologique » ou « normal » en fonction des résultats aux épreuves étalonnées. Enfin, quelques items réclameront des réponses plus spécifiques comprenant une date ou une qualification particulière.

A chacune de ces réponses, nous avons attribué les lettres correspondant aux pathologies comprenant ces critères. Nous nous sommes alors rendu compte que certains critères se retrouvaient dans les trois pathologies, ce qui signifie qu’ils n’auraient pas permis d’aider au diagnostic différentiel. Nous parlerons de critères « non-déterminants ». Ainsi, dans ces critères non-déterminants, nous avons éliminé des éléments de la partie de « Développement de l’enfant » comme le bavage, les antécédents de troubles du langage (qui apparaissent dans la grille mais ne comportent pas de « lettre profil »), le retard psychomoteur et l’immaturité affective, possibles quelle que soit la pathologie. Au niveau de la partie « Communication et interaction sociale », tous les items envisagés ont été conservés, car ils peuvent tous permettre de différencier les enfants TSA des autres enfants. Concernant la « Parole », nous avions d’abord envisagé de proposer de coter l’aide par la répétition en « Oui » ou « Non », cependant, nous avons réalisé que si l’aggravation par la répétition peut indiquer une dysphasie, le fait que la répétition aide ou n’aide pas ne permet pas d’orienter le diagnostic différentiel.

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De la même manière, dans la partie « Langage », nous avons retiré la présence des items « pseudo-bégaiement » et « dénomination » ainsi que le type de conduites d’approche utilisées par l’enfant. Enfin, dans la partie « Capacités cognitives et autres », nous avons jugé que l’empan mnésique envers, d’abord envisagé, ne correspondait pas à notre tranche d’âge, nous l’avons donc supprimé.

Cet outil a donc pour but de poser un diagnostic différentiel chez un sujet que l’on sait pathologique, et non d’évaluer la présence éventuelle d’une pathologie chez un enfant. Certaines épreuves devront donc sûrement être ajoutées au bilan, afin de bien évaluer tous les champs du langage et de la communication.

b. Cotation

A partir de ces marqueurs, nous avons établi des « profils diagnostiques », chaque profil correspondant à une lettre. L’orthophoniste, lorsqu’il a fini de coter la grille, comptabilise le nombre de « a », de « b » et de « c » correspondant aux résultats de l’enfant, afin de voir à quel profil diagnostique l’enfant correspond.

Nous souhaitions au départ fixer un minimum de points indispensables pour pouvoir poser une orientation diagnostique. Chaque enfant devait alors avoir au moins 40 points dans un des trois profils pour que l’orientation diagnostique puisse être envisagée. Cependant, ce minimum a été abandonné car il empêchait tout diagnostic pour les enfants sans langage, les parties « parole » et « langage » pouvant alors à peine être cotées. A l’origine, nous pensions également exiger que le profil majoritaire dépasse d’au moins 10 points les résultats des autres profils. Nous avons également renoncé à cette contrainte car elle gênait des diagnostics qui se sont avérés cohérent, or, nous nous sommes aperçus que notre grille ne présentait aucun « faux positif ». En effet, parmi tous les enfants pour lesquels nous avons pu établir un profil diagnostic, celui-ci est toujours cohérent avec le diagnostic original. Nous avons donc choisi d’éliminer cette précaution qui nous est apparue comme superflue. Nous maintenons cependant un minimum de 5 points de différence car le diagnostic ne doit pas dépendre de trop peu d’items.

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Le profil « a » correspond aux Troubles du Spectre Autistique, le profil « b » correspond à la Dysphasie et le profil « c » correspond aux Retards de langage oral.

Nous avons, pendant un temps, envisagé d’affecter des coefficients à certains items, en fonction de la fréquence du marqueur visé dans la population concernée. Par exemple, si 80% des dysphasiques présentent des difficultés au niveau des praxies bucco-faciales (PBF) mais seulement 40% ont des dissociations automatico- volontaires (DAV), le coefficient aurait pu être de 8 pour les praxies et de 4 pour les DAV. Ce qui signifie que l’orthophoniste aurait compté 8b pour un enfant présentant des difficultés au niveau des PBF, et 4a pour un enfant présentant des DAV. Malheureusement, ces coefficients n’ont pas pu être mis en place faute de données fiables concernant la prévalence de ces marqueurs dans une population pathologique.

c. Modes d’évaluation

Au niveau de la présentation de la grille, en face de chaque item se trouve le mode d’évaluation. « A » signifie que la question sera à poser aux parents lors de l’anamnèse, « OC » signifie que le praticien devra, pendant la séance, observer l’enfant afin de reconnaître la présence ou l’absence d’un comportement, et « T » signifie que l’item nécessite une épreuve normée pour être coté. Dans ce dernier cas, le thérapeute doit se reporter au livret de passation qui liste les épreuves existantes permettant d’évaluer la fonction visée. L’orthophoniste devra alors choisir parmi ces épreuves une de celle qu’il aura à disposition et la faire passer à l’enfant, en se référant aux consignes et à la cotation de ladite épreuve. Il reportera ensuite si, selon ce test, l’enfant est considéré comme pathologique pour la fonction évaluée. Dans l’éventualité où le praticien n’aurait aucun des tests proposés, il est invité à ne pas coter l’item. Enfin, il arrive de rencontrer dans la grille, en modalité d’évaluation, les lettres « LP ». Celles-ci signifient qu’une consigne est donnée dans le livret de passation.

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2) Au livret de passation

La rédaction du livret de passation s’est faite après avoir élaboré la grille. Nous avons répertorié, parmi tous les items, ceux qui pouvaient nécessiter une explication, une définition, une consigne ou qui renvoyaient à un test préexistant. Nous avons donc défini ces items et avons fourni, quand nécessaire, quelques rappels théoriques, et nous avons listé, pour les items exigeant une évaluation normée, tous les bilans et tests permettant d’évaluer la fonction concernée. Pour cela, nous avons parcouru tous les bilans et tests concernant la communication et le langage chez les enfants correspondant à notre tranche d’âge, et nous avons répertorié, dans chacun de ces tests ou bilans, les épreuves permettant d’évaluer une des fonctions présentes dans notre grille. Nous avons ensuite précisé pour chaque item les bilans comprenant une épreuve correspondante, et l’intitulé de cette épreuve dans le bilan.

Ce n’est qu’après avoir rédigé ce que nous appelons le « corps » du livret de passation que nous nous sommes attelés à la rédaction de son introduction. Après quelques brefs rappels théoriques sur les connaissances actuelles et sur les pathologies étudiées, nous avons expliqué pourquoi nous avons choisi de créer cet outil, et avons explicité son mode de fonctionnement.

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