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Chapitre 4 : Phénomène de vieillissement des échantillons élaborés par voie sol-gel

C.3 Le procédé sol-gel

C.3.3 Elaboration des films minces

H C C O O C C H C O CH3 H3C H3C CH3 C3H7O

En résumé, grâce à l’utilisation de ce type de complexants, il est possible de contrôler chimiquement les propriétés rhéologiques des sols obtenus ainsi que les processus d’hydrolyse-condensation qu’ils subissent, ce qui permet d’optimiser la morphologie et la structure du matériau final. Il en résulte également une grande versatilité de mises en forme : gels monolithiques, poudres non agrégées et monodisperses, fibres ou encore films. C’est à l’élaboration des films minces que seront consacrés les prochains paragraphes.

C.3.3 Elaboration des films minces

C.3.3.a) introduction

Les matériaux luminescents élaborés sous formes de couches minces tels que le YAG dopé par des ions de terres-rares ont suscité de plus en plus d’intérêt ces dernières années en raison de leurs avantages vis-à-vis des poudres correspondantes : ils possèdent généralement une conductivité thermique supérieure et présentent une grande homogénéité de composition et une épaisseur uniforme avec une surface lisse. Ces caractéristiques sont particulièrement appréciées dans le domaine de la

254 W.C. LaCourse & S. Kim, Science of Ceramic Processing, Wiley & Sons, New York, 1986, pp.304-310 « Use of mixed titanium alkoxides for sol-gel processing »

visualisation puisqu’elles permettent l’utilisation de cellules (pixels) plus petites conduisant ainsi à une meilleure résolution198,255,256,257.

De nombreuses méthodes de dépôt ont donc été développées, que ce soit par voie chimique ou par voie physique2. Voici une liste non exhaustive des principales techniques employées :

 Les procédés de dépôt physique en phase vapeur qui regroupent le dépôt par évaporation assisté ou non d’un faisceau laser ou d’un canon à électrons (obtention de la vapeur métallique par effet thermique), la pulvérisation cathodique (obtention de la vapeur métallique par effet mécanique) et l’utilisation d’un arc cathodique sous basse pression (obtention de la vapeur métallique par les deux effets).

 Le dépôt chimique en phase vapeur (ou CVD pour Chemical Vapor Deposition): des précurseurs gazeux sont mis en contact avec un substrat chaud à la surface duquel ils réagissent de façon à former une couche mince.

 Les dépôts en phase liquide qui sont de deux types :

o le matériau à déposer est mis en contact à l’état liquide avec le substrat : techniques de trempage-retrait (ou “dip-coating”) et techniques d’enduction, centrifuge (ou “spin coating”) ou laminaire.

o le matériau est pulvérisé sur le substrat à l’aide d’un nébuliseur à ultrasons qui possède la capacité de générer un brouillard de microgouttelettes de taille micronique : technique de spray ou pulvérisation.

Les techniques d’élaboration des couches minces abordées lors de ces travaux de recherche ont été les techniques de “dip-coating” et de pulvérisation, c’est pourquoi nous décrirons plus en détails ces deux techniques dans les paragraphes suivants.

C.3.3.b) par dip-coating

La technique de « dip-coating » ou trempage-retrait permet d’élaborer des couches minces homogènes de très faibles épaisseurs. Elle consiste à tremper à vitesse constante un substrat dans un sol

255 J.Y. Choe, D. Ravichandran, S.M. Blomquist, D.C. Morton, K.W. Kirchner & coll., Appl. Phys. Lett. 78, pp.3800-3802 (2001) « Alkoxy sol-gel derived Y3–xAl5O12:Tbx thin films as efficient cathodoluminescent phosphors »

256 J.R. Lo, T.Y. Tseng, J.H. Tyan & C.M. Huang, Proceedings of the 9th International Vacuum Microelectronics Conference,

St-Petersbourg, Russie, Déc. 1996, pp.197-201 (1996) « Luminescent properties of sol-gel prepared Y3Al5O12:Tb thin films »

257 E.M. Rabinovich, J. Shmulovich, V. J. Fratello and N. J. Kopyov, Am. Ceram. Soc. Bull. 6, pp.1505-1509 (1987) « Sol-gel deposition of terbium(3+)-doped yttrium orthosilicate (Y2SiO5) cathodoluminescent layers »

stabilisé homogène et transparent, puis à le retirer également à vitesse constante. Les manipulations sont réalisées à l’aide d’un dispositif similaire à celui photographié à la figure 1-37.

Figure 1-37 : Dispositif expérimental utilisé pour la technique de dépôt par « dip-coating »

De nombreux paramètres conditionnent la qualité et l’épaisseur du dépôt réalisé. Tout d’abord, il est nécessaire de réaliser les dépôts sur un substrat de qualité, adapté aux manipulations envisagées. Ce substrat se présente généralement sous forme de plaques rectangulaires de format 75×25mm et d’épaisseur inférieure ou égale à 1 mm. Pour réaliser des couches de qualité optiquement guidantes, le substrat doit également posséder un indice de réfraction inférieur à celui du matériau que l’on souhaite déposer29. Son coefficient de dilatation doit être comparable à celui du matériau à déposer afin de limiter les effets de contraintes lors des traitements thermiques qui suivront les dépôts et ainsi éviter les craquelures voire la délamination si les films sont épais258.

Afin de garantir un dépôt sans impureté, sans poussière, d’épaisseur uniforme et dont l’adhérence sera la meilleure possible, il est indispensable de nettoyer le substrat avec grande précaution. On doit également s’assurer que la surface du substrat ne présente aucune rayure ni aspérité néfastes à l’utilisation des dépôts dans des applications optiques ou électroniques. Pour ce faire, chaque substrat est soumis à un protocole de nettoyage systématique à l’aide de produits de lavage adaptés. Il est ensuite

rincé à l’eau distillée et à l’éthanol anhydre puis séché et débarrassé des poussières résiduelles grâce au passage d’un papier optique imbibé d’éthanol anhydre.

Figure 1-38 : Processus de formation d’un film par trempage-retrait 222

D’autre part, le sol à déposer est filtré afin d’éliminer toute impureté. Il est ensuite placé dans un récipient de forme adaptée afin d’éviter les effets de bord. Une fois le substrat nettoyé et mis en place sur le porte-échantillon, on l’immerge dans le sol préalablement filtré. Les mécanismes et forces mis en jeu lors du dépôt du sol sur le substrat sont multiples et complexes et ont fait l’objet de diverses études222,259,260. Ils sont schématisés sur la figure 1-38.

Le substrat en mouvement entraîne une partie du sol au sein duquel les molécules de précurseurs sont diluées. Ces molécules se concentrent alors à la surface de la lame par drainage gravitationnel mais aussi par évaporation du solvant au contact de l’air. Le processus de polymérisation s’amorce alors et l’on a élaboration d’un réseau tridimensionnel en surface : un dépôt a été réalisé. La dernière étape consiste à réaliser un traitement thermique de cette couche mince. Ce traitement est indispensable à l’obtention d’un film de bonne qualité : il conduit à la densification complète du matériau et permet

259 L.E. Scriven, Mat. Res. Soc. Symp. Proc. 121, pp.717-729 (1988) « Physics and applications of dip-coating and spin-coating »

260 C.J. Brinker, A.J. Hurd, P.R. Schunk, G.C. Frye & C.S. Ashley, J. Non-Cryst. Solids 147-148, pp.424-436 (1992) « Review of sol-gel thin film formation »

d’établir les liaisons entre le dépôt et le substrat –M-O-M’- où M et M’ sont les ions métalliques du film et du substrat respectivement258. On utilise en général des substrats de quartz ou de verre dont la surface est riche en groupements silanols Si-OH.

L’épaisseur du film déposé est régie par la compétition existant entre les forces gravitationnelles, la tension de surface et la viscosité du sol. Si la vitesse de retrait du substrat et la viscosité sont faibles (ce qui est généralement le cas), l’épaisseur h du dépôt peut être calculée à l’aide de l’équation de Landau-Levich258,260 :

h=0,94 × (ηU0)2/3/[γLV1/6 × (ρg)1/2]

avec U0 : vitesse de retrait ; η : viscosité du sol ; γLV : tension de surface ; ρ :densité du sol et g :gravité

Quelles que soient les valeurs de U0 ou η, on a : h∝ ηn × U0m

Dans tous les cas, l’épaisseur est proportionnelle à la vitesse de retrait du substrat ainsi qu’à la viscosité du sol. Pour réaliser des films épais, il est donc possible de jouer sur ces paramètres. Toutefois, une épaisseur trop importante conduit, au moment du recuit, à un film de mauvaise qualité et même, si l’épaisseur est très grande, à une délamination258. Il existe une épaisseur critique au-delà de laquelle les contraintes mécaniques engendrées par le recuit sont trop fortes et conduisent à une détérioration du film. La valeur de cette épaisseur dépend principalement de la nature des précurseurs utilisés. Il est possible d’augmenter cette valeur critique ou de diminuer le risque de craquelures sur le film grâce à l’utilisation de modificateurs chimiques, notamment des agents chélatants tels que l’acétylacétone258,260,261.

Outre le fait de jouer sur les paramètres η et U0, une autre façon d’accroître l’épaisseur des films est de réaliser du « multi-couches » en exécutant de nombreux cycles trempage-retrait-traitement thermique. Le traitement thermique entre chaque couche est indispensable à l’obtention d’une couche homogène et dont l’adhérence est optimale.

Les films réalisés par cette technique sont généralement de haute qualité optique ce qui permet de les utiliser comme guides d’onde plans262,263, mais également comme films anti-reflets,

261 D.R. Uhlmann & G.P. Rajendran, Proceedings of the 3rd international conference on Ultrastructure processing of ceramics, glass and composites, Février 1987, San Diego; edited by J. D. Mackenzie, New York, 1988, pp.241-253 « Coating : a land of opportunity

for sol-gel chemistry »

262 G. Brusatin, M. Guglielmi, P. Innocenzi, A. Martucci, G. Battaglin, S. Pelli & G. Righini, J. Non-Cryst. Solids 220, pp.202-209 (1997) « Microstructural and optical properties of sol-gel silica-titania waveguides »

photochromiques, électrochromiques ou encore magnéto-optiques258,259,261,264. Le procotole utilisé trouve également ses applications dans le domaine de l’électronique (couches di-électriques ou ferro-électriques, films conducteurs électroniques ou ioniques ou encore films superconducteurs). Cette technique de dépôt est particulièrement adaptée aux substrats de grande surfaces et/ou de formes variées.

C.3.3.c) par spray

Cette technique est semblable à la technique de pulvérisation pyrolytique présentée page 77 réalisée à partir de solutions aqueuses. Dans le cas du sol-gel, on peut pulvériser un sol, un gel dilué ou encore une suspension de poudre ultrafine en solution. Les dépôts réalisés lors de ce travail de thèse ont été effectués à l’aide du dispositif expérimental présenté à la figure 1-39.

Figure 1-39 : Dispositif expérimental utilisé pour les dépôts par pulvérisation (spray)

Le sol est pulvérisé en fines gouttelettes sur un substrat placé sur une plaque chauffante afin d’éliminer le solvant en excès au fur et à mesure du dépôt. La solution est vaporisée à l’aide d’un nébuliseur ultrasonique commandé par un tranducteur piézoélectrique dont la fréquence est réglable (on contrôle en fait la puissance électrique transmise au transducteur). L’arrivée du sol vers la buse du

263Y.-C. Wu, S. Parola, O. Marty, M. Villanueva-Ibanez & J. Mugnier, Opt. Mater. 27, pp.1471-1479 (2005) « Structural characterizations and waveguiding properties of YAG thin films obtained by different sol–gel processes »

264 D.R. Uhlmann, T. Suratwala, K. Davidson, J.M. Boulton & G. Teowee, J. Non-Cryst. Solids 218, pp.113-122 (1997) « Sol-gel derived coatings on glass »

nébuliseur est effectuée sous pression (air comprimé) grâce à un pousse-seringue. Les mouvements de la buse permettant de procéder au dépôt sont contrôlés par ordinateur. Après réalisation du dépôt, une étape de densification par traitement thermique est également réalisée.

Un grand nombre de paramètres sont à optimiser dans ce procédé, et à adapter à chaque type de solution : la vitesse du pousse-seringues, le débit d’air comprimé, le diamètre de la buse, la fréquence de vibration du nébuliseur, la température de la plaque chauffante sur laquelle est posé le substrat ainsi que le trajet de la buse au-dessus du substrat.

Cette technique permet d’élaborer des films beaucoup plus épais (jusqu’à plusieurs microns) que le trempage-retrait tout en utilisant une quantité moins importante de sol car on travaille ici avec un sol plus dilué qu’en dip-coating. Toutefois, les films réalisés par cette technique sont opaques et présentent une adhérence moindre que ceux réalisés par trempage-retrait. Ils sont également plus rugueux et généralement moins homogènes.

Ce type de dépôt peut s’avérer très intéressant pour les applications en imagerie médicale ou pour des dalles scintillatrices.