Les symptômes de la maladie sont connus depuis plus de 3000 ans (dans les écrits égyptiens, puis chinois ou grecs), mais on a longtemps cru que la maladie était associée à des miasmes présents aux environs des zones marécageuses, d’où ses noms : malaria provenant de l’italien mala aria (littéralement « mauvais air ») ou paludisme en français, du latin paludis, marais.
En 1880, le français Charles Louis Alphonse Laveran découvre l’agent pathogène responsable du paludisme en observant au microscope, dans du sang de soldats souffrant de fièvres intermittentes, des filaments mobiles s’agitant autour d’un globule rouge (il s’agit de microgamètes mâles après exflagellation). La preuve de la transmission par le moustique a été apportée en 1897 par les travaux de l’anglais Ronald Ross. Il observa le développement du parasite dans les moustiques, et réussit la transmission expérimentale chez les oiseaux. Les travaux de ces deux chercheurs ont été récompensés par les prix Nobel de médecine de 1902 pour Ross et 1907 pour Laveran. En 1948, Short et Garnham décrivirent pour la première fois l’infection hépatique de Plasmodium vivax. Il faudra cependant attendre 1966 pour que cette étape soit démontrée chez P. falciparum, et donc que son cycle de développement complet soit connu.
La maladie est donc causée par un parasite du genre Plasmodium (protiste de l’embranchement des Apicomplexes) qui se transmet par l’intermédiaire de moustiques femelles du genre Anopheles (une soixantaine d’espèces peuvent être vecteurs). Il existe environ 150 espèces différentes de Plasmodium, qui infectent de nombreuses espèces de vertébrés. Quatre d’entre elles sont capables d’infecter l’homme : P. vivax, P. ovale, P. malariae et P. falciparum, ce dernier étant responsable de l’essentiel de la morbidité et de la mortalité liée au paludisme.
Figure 2 : Cycle de développement de Plasmodium falciparum
Lors du repas sanguin de l’anophèle, un sporozoïte est introduit dans la circulation sanguine et gagne le foie. Il pénètre dans un hépatocyte et s’y multiplie par schizogonie, ce processus aboutissant à la formation de milliers de mérozoïtes libérés par éclatement de la cellule hôte. Ces mérozoïtes envahissent à leur tour des érythrocytes, amorçant la deuxième phase de multiplication asexuée : le cycle érythrocytaire.
Trois stades successifs peuvent alors être observés : anneau, trophozoïte puis schizonte. Les schizontes donneront de nouveau mérozoïtes infectant, libérés par éclatement du globule rouge.
A partir de certains stades trophozoïtes se forment des gamétocytes males et femelles, qui pourront être ingérés par un nouveau moustique dans lequel aura lieu la fécondation (d’après S. Bonnefoy, Institut Pasteur).
B ‐ Données épidémiologique
Le paludisme est la maladie parasitaire la plus fréquente au monde. La maladie se rencontre dans plus d’une centaine de pays, et la récolte de données fiables reste difficile. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a estimé à 247 millions le nombre d’épisodes palustres en 2006. Toujours selon les estimations de l’OMS pour 2006, entre 610 000 et 1 212 000 personnes en sont décédées, dont 91 % en Afrique, et 85 % sont des enfants de moins de 5 ans (World Malaria Report 2008, OMS). Le paludisme touche essentiellement des régions pauvres et fortement peuplées, facteurs accentuant l’impact de la maladie. Environ 50 % de la population mondiale vit dans des zones impaludées. L’Afrique sub‐saharienne est la principale zone touchée, concentrant 60 % des cas de paludisme et 75 % des infections à P.
falciparum.
L’impact de la malaria a progressé dans le monde durant les années 80 et 90, mais le partenariat Roll Back Malaria, lancé conjointement en 1998 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le Programme des Nations‐Unies pour le Développement (PNUD), le Fond des Nations‐Unies pour l’Enfance (UNICEF) et la Banque Mondiale a pour objectif de faire reculer de moitié la mortalité et la morbidité imputables au paludisme d’ici à 2010 (rapport mondial sur le paludisme 2005, http://www.rollbackmalaria.org/wmr2005/).
C ‐ Cycle de développement de Plasmodium falciparum
Le cycle de développement du parasite est complexe et comporte plusieurs étapes dans chacun de ses hôtes (figure 2). La fécondation a lieu dans l’intestin du moustique, après un repas sanguin, par la rencontre du microgamète mâle, flagellé, et du macrogamète femelle. Le zygote diploïde devient un ookinète mobile, traverse la paroi du tube digestif et forme à sa face interne un oocyste. Après méiose et multiplication, de nombreux sporozoïtes sont libérés et migrent vers les glandes
salivaires, où ils pourront être inoculés à l’homme au cours d’un nouveau repas sanguin.
Chez l’homme, deux phases de multiplication asexuée ont lieu. La première a lieu dans les cellules du foie (cycle intra‐hépatique), directement après l’infection par un moustique. Les sporozoïtes introduits dans la circulation sanguine lors de la piqûre gagnent en environ 30 minutes le foie, pénètrent dans les hépatocytes et s’y multiplient par schizogonie, formant à la fin de ce cycle 2 000 à 40 000 mérozoïtes (Mikolajczak and Kappe, 2006). A la suite de cette multiplication végétative d’au moins 7 jours, les mérozoïtes sont libérés par éclatement de la cellule hôte. Cette période correspond chez le malade à la phase d’incubation. Les mérozoïtes gagnent alors la circulation sanguine et vont à leur tour infecter les érythrocytes. C’est la seconde phase de multiplication asexuée, le cycle érythrocytaire, qui est responsable des effets cliniques du paludisme.
En pénétrant dans l’érythrocyte, le parasite s’entoure d’une membrane, qui va délimiter la vacuole parasitophore dans laquelle il va se développer. Il prend d’abord la forme d’un anneau (stade ring, durant une douzaine d’heures) ; puis se différencie en trophozoïte dans lequel le métabolisme devient plus intense. Enfin, à 40h post‐ invasion, le parasite arrive au stade schizonte, correspondant à une phase rapide de synthèse d’ADN/ARN, pour former de 8 à 32 nouveaux mérozoïtes. Environ 48h post‐invasion, l’érythrocyte infecté finit par éclater, libérant ces mérozoïtes prêts à infecter de nouveaux globules rouges. Sous certaines conditions de stress, les mérozoïtes peuvent se différencier dans le globule rouge en gamétocytes mâles ou femelles, qui resteront dans la circulation et pourront être ingérés par un moustique femelle au cours d’un repas sanguin.
En pénétrant dans l’érythrocyte, Plasmodium se met à l’abri des mécanismes de défense humains, et peut accomplir son cycle de développement à l’abri des réactions du système immunitaire. En contrepartie, son environnement extracellulaire direct devient très particulier. Les concentrations ioniques et protéiques dans l’érythrocyte, tout comme le pH, sont différents de ceux du plasma. Le parasite est également
Figure 3 : Prévision de l’évolution des concentrations ioniques (Na+, K+) et du volume de l’érythrocyte au cours de l’infection d’après (Lew et al., 2003)
Ces prévisions sont issues du modèle Lew‐Bookchin. En haut, évolution des concentrations cytoplasmiques Na+ et K+ de l’érythrocyte au cours de l’infection. En Bas, évolution des volumes de l’érythrocyte infecté (IRBC), du cytoplasme de la cellule‐hôte (Host) et du parasite. Les volumes sont donnés par rapport au volume de l’érythrocyte au moment de l’invasion.
nécéssairement dépendant des flux traversant la membrane de sa cellule hôte, l’érythrocyte. Ceux‐ci doivent pouvoir lui apporter tous les éléments nécessaires à son développement, et permettre l’évacuation des déchets issus de son métabolisme.
Plasmodium doit donc interagir avec la cellule‐hôte pour que son environnement
extracellulaire direct lui permette de mener à terme son cycle de développement.