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1- Le récepteur à l’EGF, la partie émergée de l’iceberg

1- 1) A la surface, sa famille : les récepteurs HER

a. Portrait de famille

Les récepteurs HER (Human Epithelial Receptors) ou ErbB sont une famille qui compte quatre protéines transmembranaires à activité tyrosine kinase intracellulaire (sauf ErbB3) dans laquelle chaque membre a son rôle à jouer.

EGFR (Epidermal Growth Factor Receptor), ou HER1, est activé par de nombreux ligands autocrines et paracrines dont les six plus importants sont l’EGF, HB-EGF (heparin binding EGF), le TGF-α (Transforming growth factor), les amphirégulines (AR), l’héreguline et la betacelluline. Le TGF-α et les amphirégulines sont les principaux ligands impliqués dans les mécanismes autocrines (Hynes NE & Lane HA, 2005). La figure 4 expose le schéma de liaison des ligands aux membres de la famille HER.L’expression et le rôle de HER1 seront détaillés dans les paragraphes qui suivent.

Figure 4 : Les récepteurs HER 1, 2, 3 et 4 et leurs ligands. AR : amphiréguline. BTC : bétacelluline. HB-EGF : heparin-binding EGF. EPR : épiréguline. NRG : neurégulines. Les tumeurs qui surexpriment HER2 montrent une homodimérisation et activation constitutive de celui-ci. Issu de Hynes NE et Lane HA (Nature reviews 2005).

En situation physiologique, la liaison des facteurs de croissance pour lesquels ils ont une affinité est suivie de leur dimérisation (hétéro ou homodimérisation) et provoque leur autophosphorylation. Cette dimérisation induit un changement de conformation qui se répercute au niveau intracellulaire et permet l’interaction avec des protéines adaptatrices. Leur activation déclenche une cascade de phosphorylations de protéines impliquées dans les voies de signalisation dépendantes des HER. Ces voies de signalisation intracellulaires sont les voies Ras/Raf/MAPK, PI3K/AKT, PLCγ et STATs qui comptent des effecteurs biologiques cytoplasmiques et nucléaires (Yarden & Sliwkowski, 2001). La figure 5 représente cette séquence d’évènement de façon schématique.

Figure 5 : Activation des voies de signalisation intracelllulaires par les récepteurs de la famille HER. A gauche est représentée la voie des MAP kinases, au centre la voie PI3K/AKT et à droite l’activation de la PLCγ1 et des STATs. Par Kruser TJ & Wheeler DL (2010)

Dans les cellules saines, ces différentes étapes sont régulées par des retro-contrôles négatifs et l’activité de phosphatases. Plus en amont, le premier niveau de régulation concerne le récepteur même puisqu’il est normalement soumis à une endocytose. L’intensité, la durée et la spécificité de la transduction du signal par les récepteurs tyrosine kinase peuvent en effet être régulées négativement par l’endocytose induite par le ligand. L’internalisation clathrine-dépendante provoque une ubiquitination du récepteur qui conduit à sa dégradation par le protéasome (Huang F et al, 2006).

HER2 n’a pas de ligands propres connus, il ne peut donc pas initier de signalisation intracellulaire induite par stimulation (Britten CD, 2004). Mais il est surtout décrit pour son rôle de pilier dans le réseau créé par les récepteurs HER, leurs ligands et les voies de signalisation qu’ils activent car il est le partenaire préférentiel des autres récepteurs de la famille (Bublil & Yarden, 2007). En revanche, il a été montré que présent en forte concentration, il peut s’autoactiver suite à une homodimérisation.

Dans les carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou, HER2 serait surexprimé dans 20 à 40% des cas. Mais l’amplification du gène codant pour HER2 n’est trouvée que dans 5 à 10% des cas (Bei R

et al, 2004). En 2007, une étude portant sur près de 90 échantillons de tumeurs des VADS suggère une valeur pronostique de HER2. Dans ce cadre, la surexpression de HER2 est corrélée à une diminution de la survie sans progression (Cavalot A et al, 2007). Ce résultat doit toutefois être considéré prudemment ; en effet pour une population de patients différente, la surexpression de HER2 a au contraire été associée à une amélioration de la survie (Tse GM et al, 2009). Aux vues de ces résultats contradictoires, il convient d’être attentif au sous-groupe de patients concernés (origine éthnique, grades et sites anatomiques) pour conclure sur l’impact de la surexpression de HER2 dans les carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou.

Par ailleurs ces travaux ont été menés au moyen d’une technique d’immuno-histochimie. Bien que communément utilisée pour l’évaluation du niveau d’expression de ce type de marqueur, cette méthode semi quantitative peut être soumise à une qualité variable des anticorps utilisés ou une absence de standardisation dans les protocoles expérimentaux. Cependant, l’amplification du gène codant pour HER2 ne corrélant pas à la surexpression de la protéine dans les carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou ; l’usage de la FISH (Fluorescent In Situ Hybridisation) pour évaluer le niveau d’expression de HER2 est exclue.

Si HER2 n’est pas actuellement identifié comme un marqueur indépendant dans les tumeurs épidermoïdes de la tête et du cou, il n’en est pas moins un acteur de la progression tumorale en tant

que partenaire le plus fréquent dans les héterodimères de cette famille de récepteurs.

HER3 peut lier l’heréguline, les neurégulines et les facteurs de différenciation neuronaux. La particularité de HER3 est qu’il est dépourvu d’activité tyrosine kinase intrinsèque (« kinase dead »), mais peut agir comme un amplificateur de l’activité de son partenaire de dimérisation notamment parce que sa structure intracellulaire contient plusieurs motifs pouvant interagir et activer la phosphatidylinositol-3-Kinase (Britten CD, 2004 - Voir figure 6). Outre la variabilité qu’introduit la technique d’immuno-histochimie elle-même, l’absence d’anticorps fiable dirigé contre cette protéine rend la quantification relative de HER3 problématique. Néanmoins, la surexpression de HER 3 est rapportée dans 20 à 80% des tumeurs cervico-faciales testées (Morgan S & Grandis J, 2009).

Figure 6 : Représentation schématique des principaux sites de phosphorylation des récepteurs HER et protéines associées. A noter : HER3 comporte 6 sites de couplage à l’unité p85 de la protéine PI3K, ce qui en fait le plus puissant activateur de la voie PI3K/AKT des récepteurs HER. (Hynes NE et Lane HA, 2005)

Enfin HER4 a pour ligands l’épiréguline, l’heréguline, les neurégulines et les facteurs de différenciation neu. HER4 est le membre de la famille dont le rôle dans les processus cancéreux est le moins bien connu. Son expression est mise en évidence dans 26 à 69% des cancers épidermoïdes de la tête et du cou mais il ne semble pas avoir de rôle significatif dans la progression tumoral, l’angiogenèse ou l’invasion (Morgan S & Grandis J, 2009). Le rôle de HER4 dans le cancer est en discussion. Sa contribution dans le développement neural, la plasticité neuronale et les systèmes nerveux est plus documentée ; avec semble-t-il, une implication dans la susceptibilité à la schizophrénie (Carmen Bichmeier et al, 2009, Chong VZ et al, 2008).

b. Un travail en famille

Les récepteurs HER fonctionnent donc en duo. La façon dont les couples se constituent est déterminée par la nature du ligand et la proximité physique entre les partenaires au sein de la membrane plasmique. La dynamique de ce pas de deux est bien décrite.

Les interactions entre membres de la famille HER se créent grâce à des changements de conformation du domaine extracellulaire qui est formé de quatre sous-domaines. Les sous-domaines I et III reconnaissent les motifs spécifiques du ligand. Le sous-domaine II est le « bras de dimérisation » et le IV est également impliqué dans la dimérisation (Linggi B & Carpenter G, 2006). Le récepteur non lié à un ligand est dans une conformation dite « enchaînée » selon un mécanisme d’auto-inhibition. Cette conformation résulte d’interactions moléculaires entre les sous-domaines III et IV qui masquent le bras de dimérisation (Voir représentation figure 7). Le ligand lève cette conformation, en libèrant le sous-domaine II, le rendant disponible pour une association. Il n’intervient pas dans la formation du dimère, sa liaison est nécessaire à la dimérisation mais pas suffisante (Bouyain S et al, 2005, Dawson JP et al, 2007).

Figure 7 : Schématisation de la structure des récepteurs HER. Domaine I: ectodomaine (violet). Domaine II : bras de dimérisation (vert). Domaines III (rouge) et IV (bleu). Ligand : jaune. D’après Bulbil EM et Yarden Y (2007).

HER2 qui n’a pas de possibilité de lier de facteurs de croissance, présente en fait une conformation qui d’emblée ressemble à la conformation activée des autres récepteurs. Cet état, ainsi que sa colocalisation avec les autres membres de la famille HER, dans des radeaux lipidiques au sein de la membrane plasmique, peuvent expliquer sa position de partenaire le plus fréquent (Nagy P et al, 2002). Avant que de plus amples travaux de biochimie structurale ne viennent éclaircir certains points, il était tentant d’expliquer l’état d’activation constitutive des récepteurs parfois observée dans les cancers par des altérations dans la conformation enchaînée.

Le variant III de l’EGFR en est un exemple : le récepteur se trouve tronqué d’une partie de son domaine de liaison au ligand. Ce variant très fréquemment trouvé dans le cancer du poumon non à petites cellules, est présent dans environ 40% des tumeurs épidermoïdes de la tête et du cou. Le variant III d’EGFR est activé de façon constitutive et induit une résistance au cisplatine et au cetuximab (Sok JC et al, 2006). Mais en 2007, le travail de Dawson et collègues a montré que des mutations dans les structures maintenant la conformation enchaînée ne suffisaient pas à produire une activation indépendante du ligand.

Les interactions entre membres de la famille HER, induites par la nature du ligand, sont déterminantes pour la cascade d’activations des protéines de la signalisation intracellulaire. A titre d’exemple, il a été montré que les homodimères d’EGFR pouvaient lier Shc, Cbl et Grb2 à leur domaine intracellulaire selon le site de phosphorylation, tandis qu’un hétérodimère EGFR-HER4 ne lie que Shc (Yarden & Sliwkowski, 2001 – Voir figure 6). De même, l’amplitude et la durée du signal intracellulaire activé par les dimères, sont conditionnées par la composition de ceux-ci. Elles sont notamment prolongées avec la présence de HER2, qui diminue le taux d’internalisation du complexe ligand-récepteur et favorise le recyclage (Britten CD, 2004), ou avec la présence de HER3 qui est l’activateur le plus efficace de la voie PI3K/AKT.

c. Du milieu extracellulaire au noyau

De même que le domaine extracellulaire est dans une conformation auto-inhibée, le site catalytique du récepteur est dans une conformation inactive. Les rapprochements qui s’opèrent lors de la dimérisation induisent une augmentation de la concentration locale en récepteurs qui est à l’origine d’une activation des kinases et leur autophosphorylation (Zhang X et al, 2005).

L’autophosphorylation offre alors un site « d’amarrage » aux protéines contenant des domaines SH2 (Src Homology 2) ou PTB (Phospho-Tyrosine Binding). Il s’agit de protéines adaptatrices telles que Grb2 (Growth Factor Bound-protein 2) permettant d’activer la voie des MAPK ou d’activer des

enzymes permettant de générer des seconds messagers comme PI3K ou PLCγ (Phospholipase Cγ). Ces associations physiques et les modifications de conformation sont l’événement qui déclenche une cascade de phosphorylation intracellulaire aboutissant à l’activation de facteurs de transcriptions comme cMyc ou Jun (Sweeney C et al, 2001).

En plus de ces voies de signalisation qui transmettront le signal extracellulaire de la membrane au noyau, un mécanisme de translocation nucléo-cytoplasmique des récepteurs HER a été mis en évidence. La localisation nucléaire d’EGFR a été démontrée dans différentes lignées cellulaires comme dans des échantillons de cancers oraux, de même que sa liaison au promoteur de la cycline D1 (Lin SY et al, 2001). Toutefois il semble que l’EGFR nucléaire requiert la présence de STAT3 pour cette liaison, stimulée par l’EGF in vitro. Les auteurs démontrent également l’activation de la transcription de la NO synthase inductible (iNOS) par EGFR nucléaire en présence de STAT3. Ce résultat est confirmé sur des échantillons de tumeurs du sein dont l’étude révèle une association de l’expression de iNOS à la diminution de la survie des patients dans cette cohorte (Lo HW et al, 2005). De la même façon, une corrélation du niveau élevé d’EGFR nucléaire avec un fort index de prolifération cellulaire et une absence de réponse clinique a été mise en évidence pour les tumeurs de la tête et du cou (Psyrri A et al, 2005).

Les mécanismes d’action d’EGFR nucléaire sont encore méconnus, posant de nombreuses questions : la liaison à l’ADN est-elle directe, les complexes impliquant STAT3 sont-ils formés dans le cytoplasme et cotransloqués, comment a lieu l’activation de la transcription par ces complexes…

En revanche, une séquence d’adressage nucléaire a été caractérisée dans la protéine EGFR par Lo et collaborateurs. La même étude démontre l’interaction d’EGFR, via cette séquence, avec les protéines du complexe d’importation nucléaire et avance l’existence d’un système de transport nucléo-cytoplasmique d’EGFR impliquant l’endosome (Lo HW et al, 2006).

1- 2) EGFR, le chef de famille.

a. Rôle et valeur pronostique dans les tumeurs de la tête et du cou

HER1, ou EGFR, est le mieux décrit des récepteurs de la famille, il a également un rôle déterminant dans les cancers car sa surexpression est commune dans les carcinomes de type épidermoïdes. Dans les carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou, elle a été mise en évidence dès 1993, ainsi que la surexpression du TGFα, suggérant une boucle d’activation autocrine qui, de plus, a un impact négatif sur la survie des patients (Grandis J & Tweardy DJ, 1993).

L’équipe de Dassonville conforte ces données, en montrant sur une cohorte d’une centaine de patients, que la surexpression d’EGFR représente un facteur pronostic indépendant corrélant à une survie sans progression et globale écourtées (Dassonville O et al, 1993). Ce résultat est confirmé plus tard par plusieurs études dont une de plus grande ampleur (155 échantillons de carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou de grade III et 113 de grade IV), qui classe, après marquage immuno histochimique et quantification automatisée, les patients en fonction de l’expression tumorale d’EGFR. Pour ceux dont elle était la plus élevée, la survie globale, la survie sans progression, mais également le contrôle loco-régional étaient tous trois significativement diminués (Ang KK et al, 2002, Hitt R et al, 2005). La fluorescence par hybridation in situ est une technique plus reproductible et qui peut être appliquée plus facilement à un usage clinique que l’immuno-histochimie (Images rapportées dans la figure 8). Or la valeur pronostique de l’amplification du gène EGFR mesurée par FISH a également été rapportée (Chung CH et al, 2006, Temam S et al, 2007).

Figure 8 : Images de fluorescence par hybridation in situ et de marquage immuno-histochimique d’EGFR dans des échantillons de carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou. analyses of head

and neck squamous cell carcinoma (HNSCC). La FISH montre (A) un nombre de copies d’EGFR

réduit, (C) un nombre normal de copies d’EGFR et, (E) une amplificationd’EGFR. (B, D, and F) Marquage de la protéine EGFR en IHC. Images réalisées et rapportées par Temam S et collaborateurs (2007).

La valeur pronostique d’une forte expression d’EGFR dans les tumeurs épidermoïdes de la tête et du cou explique sans doute la valeur pronostique de la présence d’EGFR dans le noyau, qui n’est qu’une localisation subcellulaire d’un récepteur présent en grande quantité. Si ce résultat ne représente pas une réelle avancée par rapport aux études précédentes, l’étude approfondie du lien entre EGFR nucléaire et l’expression de la cycline D1 et de la production de monoxyde d’azote devraient apporter des informations intéressantes pour la compréhension des rôles biologiques d’EGFR. En effet, la surexpression de la cycline D1 - qui contrôle le passage de la phase G1 à la phase S du cycle cellulaire - semble être un marqueur de radio-résistance (Milas L et al, 2002). Quant à l’induction d’expression de la NO synthase, elle pourrait jouer un rôle dans la promotion de l’angiogenèse et la progression tumorale du fait de la production de monoxyde d’azote, qui régule ces phénomènes (Jenkins DC et al 1995, Fukumura D et al, 1997).

De telles investigations sont d’autant plus pertinentes que le mauvais pronostic, en particulier un risque élevé de rechute, peut être lié au phénomène de radiorésistance qui est à l’origine d’un mauvais contrôle loco-régional. En effet, il a été montré in vivo qu’il existe une relation inverse entre la réponse à la radiothérapie et l’expression d’EGFR, du fait d’un faible taux d’apoptose induite par les radiations dans ces cellules. Par ailleurs, il est à noter qu’une phosphorylation du récepteur, qui évoque son activation, a pu être observée après radiothérapie au sein des tumeurs dont l’expression d’EGFR était la plus élevée (Akimoto T et al, 1999). De plus, des travaux suggèrent que l’expression d’EGFR est la cause de cette radio-résistance qui peut être levée par traitement avec un inhibiteur spécifique de l’EGFR : le C225 (Liang K et al, 2003, Milas L et al, 2004).

La chimiothérapie adjuvante dans le traitement des tumeurs épidermoïdes de la tête et du cou a pour but de favoriser le contrôle local et de diminuer le risque de récurrence. La surexpression du récepteur à l’EGF est donc montrée comme un mauvais pronostic pour la survie sans progression des patients, mais a également une valeur prédictive pour l’inefficacité de la radiothérapie. Ces données font d’EGFR une cible de choix en vue d’améliorer la prise en charge thérapeutique des carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou, qui le surexpriment.

b. Stratégies d’inhibition d’EGFR

Les agents anti-EGFR font partie des thérapies ciblées. Deux approches ont été développées pour inhiber de façon spécifique l’EGFR : l’utilisation d’agents biologiques, les anticorps monoclonaux et l’utilisation d’agents chimiques, les inhibiteurs de (l’activité) tyrosine kinase. Ces deux stratégies d’inhibition sont représentées dans la figure 9.

- Les anticorps monoclonaux

Au milieu des années 90 sortent les premières publications qui testent l’efficacité de l’anticorps monoclonal M225, élaboré par ImClone (Etats-Unis) pour cibler le récepteur à l’EGF. Cet anticorps murin se lie de façon spécifique à la partie extracellulaire du récepteur et empêche la fixation des ligands naturels et la phosphorylation du récepteur. Il est cependant vite amélioré, remplacé par le C225, un anticorps chimérique (dont la partie humaine représente 60% de l’immunoglobuline). L’anticorps chimérique est en effet mis au point pour diminuer les réactions immunogènes en vue d’une application clinique. Par ailleurs le C225 a une affinité plus importante pour EGFR que son équivalent murin (Goldstein NI et al, 1995). Entre 1995 et 2000, les essais précliniques in vitro et in vivo se multiplient, démontrant l’effet antitumoral de la molécule dans différents types tumoraux. Le C225 acquiert sa dénomination commune internationale : cetuximab (nom commercial Erbitux®). Les mécanismes d’action du cetuximab sont multiples, ils seront détaillés plus loin.

Figure 9 : Schématisation des stratégies d’inhibition des récepteurs HER. (Citri A et Yarden Y, 2006)

Depuis les enthousiasmants résultats précliniques et la mise sur le marché du cetuximab, d’autres anticorps monoclonaux ciblant EGFR sont apparus. L’industrie a notamment élaboré ces dernières années des anticorps monoclonaux 100% humanisés au moyen de procédés biologiques complexes (Phage-display, transgenèse). Parmi eux, deux anti-EGFR sont en pleine expansion : le panitumumab (une immunoglobuline de type 2 - Vectibix®, Amgen, Etats-Unis) et le zalutumumab (une immunoglobuline de type 1 – HuMax-EGFR®, GenMab, Pays-Bas).

En Europe, depuis décembre 2007, le panitumumab est indiqué en monothérapie pour les tumeurs colorectales métastatiques KRAS sauvages après échec des chimiothérapies standard. Le zalutumumab n’a pour l’instant qu’un statut équivalent de l’ATU aux Etats-Unis (« Fast track status »), pour le traitement des tumeurs épidermoïdes de la tête et du cou en cas d’impasse thérapeutique. In vitro et in vivo, le zalutumumab montre une plus grande efficacité à inhiber la prolifération cellulaire que le panitumumab (Schneider-Merck T et al, 2009).

La preuve d’une réelle différence clinique entre panitumumab et cetuximab n’a pas été apportée. Tout récemment l’équipe de Hecht a analysé de façon rétrospective l’efficacité du panitumumab sur deux études de phase II liées, réunissant 388 patients souffrant de cancer colorectal métastatique (Hecht et al, 2010). Les auteurs montrent que les résultats en terme de survie sont identiques à ceux obtenus sous cetuximab, par ailleurs le statut KRAS a la même valeur prédictive. Enfin, le niveau d’expression d’EGFR, tout comme pour le cetuximab, n’est pas corrélé à l’efficacité du traitement. Dans ce contexte, les résultats des essais de phase III actuellement conduits sur les tumeurs de la tête et du cou (voir tableau I) prévus pour 2012, sont très attendus.

Ces anticorps totalement humains (panitumumab et zalutumumab) visent à diminuer les phénomènes immunogènes pour prolonger la demie-vie des anti-EGFR dans l’organisme. Une réduction des manifestations cutanées (observées sous cetuximab) est également présagée. Cependant si l’éruption cutanée est un effet indésirable, elle est le seul marqueur prédictif de l’effet des thérapies anti-EGFR identifié jusqu’à présent. On peut dès lors s’interroger sur la pertinence de leur usage clinique en absence d’autres marqueurs d’efficacité.

De nouveaux anticorps monoclonaux dirigés contre EGFR continuent d’émerger. Parmi eux, l’anticorps chimérique Ch806 (Panousis C et al, 2005) a été testé dans une étude de phase I concluante. L’analyse de sa liaison à l’EGFR a établi qu’il reconnaît préférentiellement un épitope exposé uniquement par les récepteurs surexprimés mutants ou sauvages. Par ailleurs cette étude montre