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Le commentaire de Bh¯askara a, en partie, pour objectif d’´eclaicir tout ce que le trait´e ne dit pas explicitement. Ceci requiert de pr´eciser la signification du vocabulaire technique employ´e et son usage. La concision du trait´e n´ecessite

un choix rigoureux de chacun des mots qu’un vers emploie. Toutefois, les termes adopt´es sont parfois ambigus parce qu’ils sont travaill´es par l’ellipse que la r´edaction de la r`egle requiert. En discutant par la glose de l’emploi d’un mot donn´e pour d´esigner un objet pr´ecis, le commentaire de Bh¯askara ´elabore des d´efinitions et des caract´erisations des objets et op´erations math- ´ematiques que le trait´e examine. La signification de la plupart des termes employ´es par ¯Aryabhat.a est pr´ecis´ee, en g´en´eral, par le commentateur `a l’aide d’un synonyme. De temps en temps le commentaire fait des descrip- tions. Celles-ci peuvent ˆetre visuelles (en g´eom´etrie), mais elles peuvent ´egalement s’´elaborer `a partir d’un d´ebat mis en sc`ene qui discute du nom port´e par un objet. Bh¯askara distingue alors des sous-cat´egories d’objets portant le mˆeme nom. Ce travail d´ebouche souvent sur une signification technique allou´ee au nom analys´e.

Nous avons not´e l’aspect frappant des continuelles analyses et discus- sions grammaticales qui forment le commentaire g´en´eral de chaque com- mentaire de vers. Nous avons ´egalement soulign´e leur fonction premi`ere : l’´eclaircissement syntaxique du vers. Nous allons ici mettre en ´evidence une autre fonction. Si une d´efinition math´ematique est l’association d’un nom technique `a un objet math´ematique d´elimit´e avec pr´ecision, alors, la mise en sc`ene d’une discussion grammaticale est la mani`ere la plus courante qu’emploie ce commentaire pour ´elaborer et justifier une d´efinition math´e- matique.

Les deux probl`emes sur lesquels portent des discussions grammaticales sont :

• La correction du terme utilis´e par ¯Aryabhat.a dans sa fonction d’´etiquetage d’un objet math´ematique donn´e;

• L’argumentation en faveur d’un sens technique, g´en´eralement effectu´e en opposant le trait´e (´s¯astra) et le monde (loka) ou des sens conven- tionnels `a des ´etymologies grammaticales.

Afin de justifier et illustrer notre propos, nous allons examiner deux cas particuliers : la d´efinition du carr´e g´eom´etrique et celle de la base du triangle. Puis nous d´ecrirons de mani`ere plus g´en´erale ce travail `a la fois textuel et math´ematique du commentaire.

1 Nommer : le nom et l’objet qui poss`ede le nom

L’objet g´eom´etrique et l’op´eration arithm´etique affubl´es du nom de carr´e (varga) sont d´efinis dans la premi`ere moiti´e du vers 3 (p. 47, ligne 17) :

AB 2.3ab/ vargah. samacatura´srah. phalam. ca sadr.´sadvayasya sam. vargah./ Un carr´e est un ´equi-quadrilat`ere ainsi que le fruit qui est le pro-

duit des deux mˆemes|

Bh¯askara commence par donner des synonymes du terme varga (idem, ligne 16) :

vargah. karan.¯ı kr.tih. vargan.¯a y¯avakaran.am-iti pary¯ay¯ah./ Varga, karan.¯ı, kr.ti, vargan.¯a, y¯avakaran.a sont des synonymes.

Il analyse ensuite le compos´e sama-catur-a´sra (lit. ´egal-quatre-c´Zt´es, un ´equi-quadrilat`ere). Une discussion suit, qui met tr`es clairement en lumi`ere la relation que le mot utilis´e entretient avec l’objet qu’il nomme (idem, lignes 19-22) :

samacatura´sra-ks.etravi´ses.ah. sam. j˜n¯ı, vargah. sam. j˜n¯a/ atra sam. j˜ni- sam. j˜nayor abhedena upac¯aren.a ucyate ‘vargah. samacatura´srah.’

iti/ yath¯a ’m¯am. sapin.d.o devadattah.’ iti/ anyath¯atra y¯av¯an samacatura´sraks.etravi´ses.ah. tasya sarvasya anis.t.asya api vargasam. j˜n¯aprasa ˙ngah./

Ce qui porte le nom est un genre de champ ´equi-quadrilat`ere. Ici, parce que la coutume ne distingue pas ce qui porte le nom du nom, il a ´et´e dit : un carr´e est un ´equi-quadrilat`ere . Comme hdans l’expressioni Devadatta est un amas de chair”. Si ce n’´etait pas le cas, ici, tant qu’il s’agit d’un genre de champ ´equi- quadrilat`ere, il serait possible hd’attribueri le nom de carr´e” `a tous ces hchampsi, mˆeme lorsqu’hils sonti ind´esirables.

Ce passage est une justification linguistique de l’usage du mot : selon Bh¯askara, c’est par convention qu’un tel objet est ainsi ´etiquett´e. Une telle discussion est n´ecessaire, parce que des objets qui ont quatre c´Zt´es ´egaux ne sont pas toujours des carr´es. C’est ce que Bh¯askara discute par la suite (p. 47, lignes 22-23, p.48, lignes 2-3) :

kva anyatra anis.t.asya samacatura´sraks.etravi´ses.asya vargasam. j˜n¯aprasa ˙ngah. ? ucyate- asamakarn.asya samacatura´sraks.etravi´ses.asya asya (parilekhah. 1)/ dvisamatrya´sraks.etrasya samunnatavadavasthitasy¯asya (parilekhah. 2)/

Quand, dans cet autre cas, est-il possible que le nom de carr´e hsoit port´ei par un genre d’´equi-quadrilat`ere ind´esirable ?

Ceci est dit- Ce genre d’´equi-quadrilat`ere-ci dont les di- agonales sont in´egales porte hce nomi (figure 1)47

, et ce hchamp form´e dei deux champs ´equi-trilat`eres dispos´es comme s’ils avaient ´et´e soulev´es porte hce nomi (figure 2).

Cette remarque est suivie par ce que nous pouvons interpr´eter comme une caract´erisation du carr´e : un champ ayant quatre c´Zt´es ´egaux, dont l’aire est un c´Zt´e ´elev´e au carr´e ou, de mani`ere ´equivalente, un champ avec quatre c´Zt´es ´egaux et dont les diagonales sont ´egales. D’apr`es Bh¯askara, la caract´erisation qu’adopte ¯Aryabhat.a pr´ecise que l’aire d’un tel quadrilat`ere est le carr´e d’un c´Zt´e. Le commentateur la reformule, quant `a lui, en carac- t´erisant le carr´e `a partir de ses diagonales. Les deux phrases o`u il effectue cette reformulation peuvent ´egalement ˆetre interpr´et´ees comme deux anal- yses diff´erentes du compos´e sama-catur-a´sra. L’analyse grammaticale et la d´efinition ne sont pas s´epar´ees. Dans le cas de la premi`ere phrase (p. 48, ligne 6) :

vargah. samakarn.asamacatura´sraks.etravi´ses.a iti/

Un carr´e est ainsi un genre de champ ´equi-diagonales-´equi-quadrilat`ere Le compos´e est ici compris comme une forme concise, ´elid´ee d’un compos´e plus long, qui mentionne le fait que les diagonales sont ´egales.

Dans la seconde phrase (idem, lignes 6-7) :

athav¯a tulyasa ˙nkhy¯abhy¯am. karn.¯abhy¯am upalaks.itasyaiva samacatura´sraks.etravi´ses.asya vargasam. j˜n¯a jij˜n¯asyate/

Ou peut-ˆetre que le nom de carr´e” est reconnu pour un genre de champ ´equi-quadrilat`ere caract´eris´e effectivement par le fait que ses deux diagonales ont la mˆeme valeur.

C’est l’usage du terme varga qui, par convention ou, dans les termes de Bh¯askara, par tradition restreindrait la signification du compos´e.

Bh¯askara de cette mani`ere d´efinit le carr´e en donnant un sens technique au compos´e sama-catur-a´sra. Pour ce faire, il est pass´e par un examen de

47Les figures auxquelles il est fait r´ef´erence ici sont celles de l’´edition sanskrite, repro-

ce qui n’est pas un carr´e. Dans le passage qui suit il donne une d´efinition de ce qu’est un terme technique, s’´ecartant ainsi d’un discours strictement math´ematique. Le terme technique aurait une signification dans le trait´e, qui peut s’´ecarter de celle que donnerait une analyse ´etymologique ou gram- maticale. Cette remarque est suivie, d’une autre affirmation : le sens tech- nique du terme sama-catur-a´sra serait celui qui est entendu couramment, et s’opposerait `a celui qui naˆıt d’une analyse grammaticale (p. 48, lignes 7-9)

kutah. ? n¯anis.t.¯arthatv¯ac ch¯astrapravr.tteh./ athav¯a naiva loke evam ¯ak¯aravi´sis.t.asya samacatura´sraks.etrasya samacatura´srasam. j˜n¯a susiddh¯a/

hQuestioni Pourquoi ?

Parce que l’utilisation hd’un moti dans le trait´e n’a pas l’´etat d’avoir un sens ind´esirable. Ou peut-ˆetre parce que, dans le monde, ´egalement, le nom d’ ´equi-quadrilat`ere” n’a pas ´et´e cor- rectement ´etabli pour un ´equi-quadrilat`ere caract´eris´e par de telles formes htelles que celles des figures 1 et 2i.

Plusieurs niveaux d’acception du sens d’un mot sont distingu´es ici. L’un est courant, l’autre provient d’une analyse grammaticale, l’autre encore est produit au sein du trait´e et a une acception conventionnelle. Ces trois niveaux peuvent se contredire ou ˆetre en accord.

Bh¯askara, dans ce passage, oscille sans cesse entre explication `a car- act`ere math´ematique et explication non math´ematique, chaque ´etape du raisonnement ´etant soulign´ee par la mise en sc`ene d’une question. Nous avons ainsi un bel exemple de comment une analyse math´ematique peut se tisser avec une analyse linguistique. Ce passage souligne, par ailleurs, les diff´erentes ´etapes que peut suivre le processus de d´efinition dans un com- mentaire :

• Des synonymes des mots employ´es dans le vers sont fournis;

• Une discussion sur le sens technique qu’il faut donner au mot est men´ee. C’est ici que l’objet ´etiquet´e est d´efini, ceci passe par une caract´erisation de ce qu’il n’est pas;

• Les divers proc´ed´es par lesquels on peut d´eterminer le signifiant d’un signifi´e sont analys´es : une analyse ´etymologique/grammaticale, l’usage, ou une convention qui ´elabore un sens technique.

Une argumentation, justifiant le nom employ´e dans le trait´e, est ´elabor´ee pour chacun de ces proc´ed´es.

2 Termes techniques : sens conventionnels et ´etymologies Le mˆeme processus consistant `a d´eterminer de quelle mani`ere un mot ou un compos´e employ´e dans le vers se rapporte `a l’objet qu’il d´esigne se trouve dans le commentaire de la premi`ere moiti´e du vers 6. Ce dernier donne la r`egle suivante (p. 54 ligne 54) :

tribhujasya phala´sar¯ıram. samadalakot.¯ıbhuj¯ardhasam. vargah./ La grandeur de l’aire d’un trilat`ere est le produit de la moiti´e de la base (bhuj¯a) avec la perpendiculaire (samadalakot.¯ı)|

Dans ce passage Bh¯askara discute du sens de deux mots, celui employ´e pour la base, bhuj¯a, et celui employ´e pour la perpendiculaire, sama-dala-kot.¯ı. Dans les deux cas Bh¯askara retient une signification technique. Si pour bhuj¯a il restreint la signification du mot, pour sama-dala-kot.¯ı il argumente pour une extension de la signification de ce terme.

Au-del`a de la d´efinition qu’il construit `a travers ces discussions, Bh¯askara, en fait, ´etend la situation propos´ee par ¯Aryabhat.a dans le vers.

En ce qui concerne le terme bhuj¯a, Bh¯askara commence par nous en fournir une liste de synonymes, que nous avons d´ej`a donn´ee en exemple, plus haut (p. 55, lignes 1-2) :

bhuj¯a b¯ahuh. p¯ar´svam iti pary¯ay¯ah./

Bhuj¯a, b¯ahu et p¯ar´sva sont des synonymes.

Plus tard dans le commentaire g´en´eral il explique comment ce terme, qui signifie g´en´eralement c´Zt´e (comme dans tri-bhuja, trilat`ere; catur-bhuja quadrilat`ere), doit ˆetre compris ici dans un sens plus restreint (p. 55, lignes 10-13) :

ath¯atra bhuj¯a´sabdena bhuj¯a b¯ahuh. p¯ar´svam iti s¯am¯anyena tray¯an.¯am. p¯ar´sv¯an.¯am. pratipattau prasakt¯ay¯am. vi´sis.t.¯a eva bhuj¯a parigr.hyate, bhuj¯asamj˜nit¯a/ s¯am¯anyacodan¯a´s ca vi´ses.e ’vatis.t.hanta” iti /

Maintenant, dans ce cas, bien qu’il soit possible d’accepter, au moyen du mot bhuj¯a, les trois c´Zt´es (p¯ar´sva) en g´en´eral, puisqu’hil a ´et´e pr´ecis´e quei bhuj¯a, b¯ahu et p¯ar´sva sont hdes synonymesi, seulement un c´Zt´e (bhuj¯a) sp´ecifique est choisi. Il est apell´e bhuj¯a. hIl a ´et´e diti

Ce qui m`ene `a la g´en´eralit´e repose dans la particularit´e”.

Le dernier aphorisme cit´e est `a entendre, dans ce cas, comme justifiant l’attribution d’un sens plus restreint pour bhuj¯a. En effet, si dans un triangle ´equilateral, n’importe quel c´Zt´e peut ˆetre pris pour base, dans le cas plus g´en´eral d’un triangle quelconque, il faut arbitrairement fixer l’un des c´Zt´es, que l’on nommera base . Ainsi cette construction d’un nouveau sens pour bhuj¯a participe `a une extension de la port´ee du vers d’ ¯Aryabhat.a.

Bh¯askara consolide cette justification en ayant recours `a une argumen- tation grammaticale (lignes 13-15) :

atra gan.ite bhuj¯a´sabdah. aun.¯adikah. pratipattavyah., anyath¯a hi bhuj¯anyubjau p¯an.y-upat¯apayoh.” [as.t.¯adhy¯ay¯ı, 7. 3. 61] iti bhuj¯a´sabdasya p¯an.¯av arthe nip¯atitattv¯at ks.etrap¯ar´sve na labhy- ate/

Ici, en math´ematiques, le mot bhuj¯a doit ˆetre accept´e comme un Un.¯adi48

.

Car sinon, hselon le vers de P¯an.inii

hLes motsi bhuj¯a et nyubja utilis´es dans les sens de bras et de maladie hont des formes irr´eguli`eresi” As.t.¯adhy¯ay¯ı, 7. 3. 61.

Puisque le mot bhuj¯a hprisi dans le sens de bras” est donn´e h sans analyse comme une forme irr´eguli`ere par P¯an.inii (nip¯atitatv¯at), il n’est pas accept´e havec le sensi de c´Zt´e.

Si nous avons bien compris ce passage un peu obscur, le terme bhuj¯a est cit´e dans la grammaire de P¯an.ini avec le sens de bras 49

. Ce terme, par ailleurs, a une acception technique et g´en´erale en math´ematique, celui du c´Zt´e d’un champ. Cette signification n’est pas mentionn´ee par P¯an.ini, ni

48Un mot dont l’´etymologie ne peut pas se comprendre par la grammaire de P¯

an.ini.

49

an.ini pr´ecise qu’il faut accepter la forme de ce mot sans en chercher une d´erivation ´etymologique. Toutefois ce n’est pas ce point qui int´eresse Bh¯askara ici.

celle plus sp´ecifique de la base d’un triangle. On doit donc inclure ces deux sens dans la liste des termes qui ne peuvent ˆetre expliqu´es avec l’As.t.¯adhyay¯ı. Il s’agit peut-ˆetre ici d’une simple remarque ´erudite du commentateur.

La signification du terme sama-dala-kot.¯ı est ´elabor´ee par le biais d’une discussion sur l’analyse du compos´e. En effet, litt´eralement le compos´e d´esigne une m´ediatrice et, en ce sens, le calcul d´ecrit dans le vers se r´e- duit alors aux triangle ´equilat´eraux et isoc`eles (p. 55, lignes 5-7) :

atra kecit– same dale yasy¯ah. seyam. samadal¯a, samadal¯a c¯asau kot.¯ı ca samadalakot.¯ıti varn.ayante/ tes.¯am. samadvisamtrya´sraks.etrayor eva phalasiddhih. na vis.amatrya´sraks.etrasya/

Sur ce point certains expliquent–

‘sama-dala (´egale-partie) est un bahuvrih¯ı (signifiant : ce dont les deux parties sont ´egales ou m´ediane ). Sama-dala-kot.¯ı est un karmadh¯araya (signifiant : ce dont les deux parties sont ´egales, m´ediane et qui est un c´Zt´e ´erig´e ou une perpendiculaire ).’

Pour ceux-l`a l’aire est ´etablie seulement pour ces champs tri- lat`eres qui sont soit ´equi-hlat´erauxi soit isoc`eles, non pas pour des champs trilat`eres in´egaux.

Ainsi par une glose grammaticale, ce compos´e se comprend comme d´esignant la m´ediatrice (ce qui est `a la fois une m´ediane et une perpendiculaire), ce qui restreint le champ d’application de la r`egle.

Pour permettre l’extension de la proc´edure `a un cas quelconque, Bh¯askara propose de comprendre que le compos´e signifie, par convention, perpendic- ulaire50

(lignes 7-8) :

asm¯akam. punah. samadalakot.¯ıty anen¯avalambakavyutpatty¯a bru- vat¯am. tray¯an.¯am api phal¯anayanam. siddham/

En revanche, pour nous qui expliquons hl’expressioni samadalakot.¯ı” par l’acception courante (vyutpatti) hde ce moti en tant que per- pendiculaire , le calcul des aires des trois htypes de champi est ´etabli.

Pour d´efendre cette option il a recours `a un argument grammatical :

50Pr´ecisons que Bh¯askara emploi le terme perpendiculaire (avalambaka) et non pas le

terme hauteur (¯ay¯ama). Ce dernier mot est utilis´e en revanche pour d´esigner les hauteurs du trap`eze par ¯Aryabhat.a. Il signifie ´etymologiquement ”longueur” et est utilis´e ainsi pour qualifier la longueur d’un rectangle. Se rapporter au glossaire `a la fin de la traduction.

athav¯a ye vyutpattim. kurvanti tes.¯am api tray¯an.¯am trya´sraks.etr¯an.¯am. phal¯anayanam. siddham eva/ kutah. ? ‘r¯ud.hes.u kriy¯a vyutpat- tikarm¯arth¯a n¯arthakriy¯a’ iti/

Et ´egalement pour ceux qui produisent une d´erivation grammat- icale (vyutpatti) le calcul de l’aire des trois champs trilat`eres est pr´ecis´ement ´etabli.

Pourquoi ?

‘r¯ud.hes.u kriy¯a vyutpattikarm¯arth¯a n¯arthakriy¯a’ iti/ Dans hles cas dei sens conventionnels, l’action dont le but est d’effectuer une d´erivation grammaticale est inutile”.

En d’autres termes, faire l’analyse grammaticale pour d´eriver le sens d’un mot, lorsque celui-ci a ´et´e attribu´e par convention, n’as pas de sens. Cet usage du terme vyutpatti51

avec deux sens diff´erents a ´et´e analys´e par P.-S. Filliozat dans [p. 43; Filliozat-Mazars1985] :

Cette affirmation d’une non-correspondance entre sens ´etymologique et sens conventionnel est courante. Il est int´eressant de noter que Bh¯askara la fait dans un vocabulaire inhabituel pour son ´epoque. Il emploie, en effet, le mot vyutpatti. Ce mot a deux sens, celui de sam. sk¯ara apprˆet d’un mot par les r`egles de gram- maire et ´saktij˜n¯ana, connaissance du pouvoir d’expression des mots , c’est-`a-dire connaissance qu’un locuteur a de la langue qu’il parle. L’emploi de vyutpatti dans ces deux sens, ici, c’est- `

a-dire au d´ebut du VIIe si`ecle, est peut-ˆetre un des plus anciens que nous connaissons.

Dans ce passage, de nouveau, nous avons vu comment les diff´erentes ´etapes du processus de d´efinition impliquent de :

• Donner des synonymes;

• Discuter du nom que porte un objet sp´ecifique;

• Accepter un sens conventionnel et non pas un sens ´etymologique; • Donner un sens technique, soit en restreignant la port´ee d’un nom,

soit en l’´elargissant.

51Ce terme est distinct de celui employ´e afin de rendre compte de l’´etymologie d’un mot,

3 Analyser des mots et cat´egoriser

Nous avons jusqu’`a pr´esent examin´e des cas sp´ecifiques o`u Bh¯askara s’´ecarte du sens premier d’un mot. Mais ce n’est pas toujours le cas.

Des discussions sur la signification d’un mot peuvent servir de point d’appui `a une d´efinition, sans pour autant n´ecessiter une restriction ou un ´elargissement de son sens. Ainsi sont d´ecrites dans le commentaire de la premi`ere moiti´e du vers 7, deux analyses du compos´e sama-parin.¯aha. Selon Bh¯askara, la premi`ere moiti´e du vers 7 calcule l’aire d’un cercle uniforme (sama-vr.tta `a distinguer du cercle allong´e (¯ayata-vr.tta l’ellipse) : c’est le produit de la moiti´e de la circonf´erence uniforme (sama-parin.¯aha) et du rayon. Bh¯askara donne une interpr´etation du compos´e puis critique une autre analyse de celui-ci (p. 60; lignes 6-9) :

sama´s c¯asau parin.¯aha´s ca samaparin.¯ahah., tasy¯ardham. / anye punar anyath¯a vigraham. kurvanti– samah. parin.¯aho yasya ks.trasya tat samaparin.¯aham. , tasy¯ardham iti/ tes.¯am. ks.etraphal¯ardhasya

grahan.am. pr¯apnoti, anyap¯ad¯ardhena samaparin.¯aha´sabdena ks.etr¯abhidh¯an¯at/ Sama-parin.¯aha est un karmadh¯araya (signifiant ce qui est une

circonf´erence et est uniforme). Sa moiti´e. D’autres, toutefois, analysent le compos´e d’une autre mani`ere- ‘Sama-parin.¯aha est un bahuvr¯ıhi auquel le mot champ devrait ˆetre suppl´e´e (signifi- ant ainsi : un hchampi ayant une circonf´erence uniforme). Sa moiti´e.’

Pour ceux-l`a h`a tort, de l’expression moiti´e i suit la connais- sance de la moiti´e de l’aire, parce qu’avec l’autre moiti´e du quart de vers, c’est-`a-dire avec le mot sama-parin.¯aha, ils nomment un champ.

La critique de cette analyse grammaticale du compos´e sama-parin.¯aha renvoi `a une d´efinition du cercle distingu´e du disque. En effet, pour Bh¯askara,