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Une considération essentielle pour déterminer la valeur de la post-édition en tant que pratique est l’effort que celle-ci implique, en particulier par rapport à la tra-duction humaine. Par conséquent, la manière dont l’effort de PE peut être mesuré, comment il se place par rapport à l’effort de traduction, et comment l’effort peut être réduit, sont des questions fondamentales pour la recherche en PE. Une grande par-tie de l’intérêt suscité dans le domaine, en particulier du côté de l’industrie, porte sur le potentiel de réduction du temps - et donc des coûts - grâce à la post-édition (Koponen, 2016).

Le temps de PE, soit le temps consacré à la correction des traductions automatiques, peut être perçu comme l’aspect le plus visible et le plus important d’un point de vue économique de l’effort de post-édition (Krings, 2001), mais il ne reflète qu’une partie de cet effort. Le temps de post-édition est déterminé par l’effort technique nécessaire pour les frappes au clavier et les clics de souris utilisés pour effectuer les corrections nécessaires, ainsi que par l’effort cognitif déployé pour détecter d’abord les erreurs et planifier les corrections. Ces trois dimensions, bien distinctes mais liées entre elles, constituent les aspects temporels, techniques et cognitifs de l’effort, tels que définis par Krings (2001) et que nous allons voir plus en détail dans la suite.

Effort temporel

Puisque la dimension temporelle de l’effort de PE est importante pour les contextes pratiques, le temps de PE a été un indicateur d’effort couramment utilisé. Dans la pratique, il est généralement le facteur déterminant pour savoir si la PE est rentable, et le temps de PE est souvent examiné par rapport au temps de traduction, en com-parant si l’utilisation de la PE entraîne un plus grand nombre de mots traduits dans un intervalle de temps donné (Plitt et Masselot, 2010). Cependant, la collecte de don-nées temporelles fiables n’est pas nécessairement facile dans les contextes de travail concrets : les outils spécialisés pour la collecte de données temporelles peuvent faire défaut, et les auto-évaluations des traducteurs ou des post-éditeurs peuvent ne pas être suffisamment détaillées (Moran et al., 2014).

Effort technique

L’effort technique de post-édition concerne les opérations physiques qui doivent être effectuées sur la traduction automatique pour corriger toute erreur ou défaut.

Cela comprend les suppressions, les insertions et les déplacements (Krings, 2001).

L’effort technique peut être mesuré par le nombre de frappes utilisées pour produire la traduction finale. En examinant le processus de PE à partir des frappes enregis-trées parkeylogging, on obtient des indications sur l’effort technique. La mesure des frappes utilisées par le post-éditeur nous indique l’effort de frappe nécessaire pour effectuer les corrections (Carl et al., 2011).

Une autre approche pour mesurer l’effort technique consiste à comparer la TA et sa version post éditée au moyen de métriques de distance d’édition telles que le HTER, afin de déterminer le nombre et le type de modifications apportées par le post-éditeur. Bien que le HTER reflète l’effort de PE dans une certaine mesure, des divergences entre les scores HTER et l’effort de PE ont été observées (Koponen et al., 2019).

Effort cognitif

L’effort cognitif de post-édition concerne le type et la portée des processus cognitifs qui doivent être activés afin de combler une déficience donnée dans une traduction automatique (Koponen, 2016). Il est à souligner que l’effort cognitif de post-édition ne peut être observé directement et que, parmi les trois dimensions de l’effort de PE,

Krings (2001) considère l’aspect cognitif comme le facteur prépondérant qui déter-mine l’effort de PE.

Une des premières approches pour mesurer l’effort de PE, notamment l’aspect cog-nitif, a fait appel au protocole Think Aloud, dans lequel les post-éditeurs rendent compte verbalement de leurs actions lors du processus de PE. Bien que la méthode Think Aloudait été largement utilisée dans la recherche portant sur le processus de traduction, certaines faiblesses ont été constatées. Penser à haute voix ne peut que capturer la partie consciente du traitement cognitif, et a pour effet de ralentir le pro-cessus et potentiellement même de modifier le traitement cognitif en cause (O’Brien, 2005).

Les pauses observées dans les données de keylogging lors de la PE ont attiré l’at-tention comme un moyen d’identifier les problèmes potentiels et, par conséquent, l’effort cognitif. Englund Dimitrova (2005) affirme que grâce aukeyloggingil serait possible de suivre des tendances concernant les pauses, la segmentation et les ré-visions, et donc de faire certaines inférences sur les processus cognitifs. Ce type de données permet de suivre, dans une certaine mesure, le moment où une décision est prise et de déterminer s’il y a des problèmes associés à celle-ci. De même, O’Brien (2005) présente une analyse de données qui montre une corrélation entre certains éléments du texte source identifiés comme potentiellement difficiles et les pauses, ce qui suggère une augmentation de l’effort cognitif.

Le développement de la technologie de suivi oculaire a rendu possible l’utilisation des données relatives au regard pour mesurer aussi l’effort cognitif. L’hypothèse sous-jacente veut que les mouvements des yeux reflètent les processus cérébraux pendant la lecture, et que l’endroit où le regard du lecteur se fixe indique le point focal de l’attention (Hyönä, 1995). En outre, les fixations de longue durée ou la sur-venance de multiples fixations au même endroit - par exemple, un mot - sont présu-mées indiquer une augmentation de l’effort cognitif (Carl et al., 2011).

Le but de la collecte de données pour mesurer l’effort de PE consiste, non seulement à déterminer la rentabilité de la PE, mais aussi à trouver des moyens de réduire cet effort. Identifier comment certaines caractéristiques spécifiques du source texte et de la TA influencent l’effort de PE pourrait aider à créer des solutions techniques pour réduire l’effort (Koponen, 2016).