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Chapitre 4 Approche expérimentale de l’association blé * luzerne

4.5 Impact de l’association sur l’élaboration du rendement du blé

4.6.4 Efficacité des techniques pour piloter l’équilibre entre compétition et

Dans le cadre de notre étude, nous avons testé une stratégie de gestion de la biomasse de la luzerne au cours du cycle cultural qui repose sur l’application d’un herbicide non létal à faible dose (¼ de dose), ceci dans le but de ralentir sa croissance sans forcement la détruire. Nous avons fait le choix de tester une seule dose de contrôle par association à certaines dates clés pour les deux années d’essai. Les résultats de l’évolution de la biomasse aérienne montrent la forte sensibilité de l’évolution des biomasses de luzerne, blé et adventices à ce contrôle. Le maintien de la croissance de la plante de couverture à des niveaux faibles s’avère nécessaire pour ne pas pénaliser la production du blé, ce qui en accord avec différents travaux (Teasdale, 1996 ; Abdin et al., 2000 ; Thorsted et al., 2006 ; Carof et al., 2007 a). Picard et al., (in press) obtiennent ainsi des réductions de 5% seulement du rendement du blé en association avec une fétuque en comparaison avec un blé cultivé seul lorsque la biomasse produite par la plante de couverture ne dépasse pas 1 à 2 t.ha-1 tout le long du cycle. White and Scott (1991), Teasdale et al. (2007) et Carof et al., (2007a) montrent aussi qu’en l’absence du contrôle chimique de la plante de couverture, cette dernière affecte le rendement de la culture de vente. Avec ce type de stratégie, on peut donc jouer sur la dynamique de croissance de la plante de couverture pour orienter la compétition vers les adventices et la réduire pour la plante commerciale (De Tourdonnet et al., 2008). La date de ce contrôle apparaît comme un élément clé de son efficacité. Au stade « 2 noeuds » (testée en 2008 et 2009), le contrôle parait trop tardif pour limiter efficacement la compétition par rapport au contrôle réalisé au stade « épi 1 cm » du blé (testé en 2009), qui a permis une réduction très satisfaisante de la biomasse de la luzerne (inférieure à 1.5 t.ha-1, à la récolte). Cela montre que pour une gestion efficace de la plante de couverture, il est nécessaire d’intervenir à des stades précoces du développement afin de réduire son effet compétitif sur le blé. Toutefois, cette biomasse doit être suffisante pour réduire la croissance des adventices. Dans les travaux réalisés par Hiltbrunner et al., 2007, les auteurs préconisent d’appliquer le contrôle avant le stade « épiaison » du blé. Gall, (2009) dans son étude réalisée sur l’association de plusieurs couverts végétaux avec le blé conduite, soit sur un pas de temps annuel ou pluriannuel dans un système avec travail du sol réduit, montre qu’il existe une valeur seuil du niveau de développement du couvert permettant un étouffement des adventices et une limitation de la compétition sur le blé. D’après cette étude, la valeur seuil peut être située à une quantité de matière sèche de la plante de couverture ne dépassant pas 1.5 t.ha-1 au stade « épi 1 cm » du blé. Pour notre situation, la

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importante (égale à 2 t.ha-1 pour les deux années), ce qui laisse supposer que la dose appliquée était probablement insuffisante pour une réduction efficace de cette biomasse. Nous estimons donc qu’il faudra adapter chaque dose d’herbicide non létal en fonction de la densité foliaire de la plante de couverture au moment de l’application afin de bien maîtriser ce couvert végétal.

Nous avons remarqué aussi que le contrôle tardif réalisé en première année d’essai a favorisé le développement des adventices. Cela peut être lié au rôle protecteur qu’à joué la luzerne au moment du contrôle. Christoffoleti et al., (2007) ont mis l’accent sur le fait que les espèces en association peuvent contribuer à réduire l’efficacité des traitements herbicides en interceptant une part de ce produit par le couvert via le phénomène d’adsorption, ce qui réduirait la lutte contre les adventices. Par ailleurs, la réduction de biomasse de luzerne consécutive au contrôle entraîne une plus grande disponibilité de la lumière pour les adventices, ce qui peut favoriser leur croissance.

Pour les deux dates de contrôles testées, aucune reprise de la croissance de luzerne n’a été observée en fin de cycle pour les deux années expérimentales. Cela confirme que l’application d’une seule date de contrôle à des doses plus faibles que les doses homologuées est suffisante. Toutefois, un effet d’étiolement de la luzerne a été observé en fin de cycle qui n’a eu aucune répercussion sur le blé.

Les résultats de ce travail expérimental sur le blé d’hiver associé à la luzerne dans les conditions de climat tempéré montrent que le contrôle du développement de la plante de couverture en début de croissance du blé est nécessaire dans le but de réduire l’intensité de la compétition sur la plante commerciale. D’autres études réalisées dans différents contextes pedo-climatiques, ont testé d’autres stratégies de conduite de l’association afin d’optimiser la productivité de la plante commerciale dans ces systèmes. Parmi les stratégies évoquées, le décalage des dates de semis des deux espèces a été testé par Brainard et al. (2004) en évaluant différentes dates de semis de la plante de couverture (10, 20, 30 jours) après le semis de la culture de vente. Le semis plus tardif de la plante de couverture permet de s’affranchir de l’effet compétitif exercé par la plante de couverture sur les ressources du milieu. Toutefois, Picard et al. (in press), soulève le problème de la réussite du semis et de la germination de la

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plante de couverture lorsqu’elle est installée en milieu du cycle à cause de la présence de la culture commerciale qui gène généralement le déroulement de ces opérations.

Dans notre situation, le semis plus tardif de la luzerne en 2009 par rapport à 2008, réalisé avant le semis du blé pour les deux années, a réduit significativement l’effet compétitif de la luzerne en début du cycle. Le même résultat a été obtenu par Hiltbrunner et al. (2007a) qui attribuent aussi la faible réduction du rendement du blé au rythme très faible de développement de la plante de couverture en début de cycle, ce qui a favorisé la croissance du blé surtout en début du cycle.

Hiltbrunner et al. (2007b) ont testé aussi une large gamme de densité de semis d’un blé d’hiver associé à un White clover afin d’identifier la densité optimale pour optimiser le tallage du blé, identifié comme le facteur majeur de réduction du rendement du blé lorsqu’il associé à une plante de couverture. Cette stratégie permet d’obtenir des rendements équivalents au système conduit avec une densité conventionnel en l’absence de plante de couverture. Cependant, les densités de semis très élevées défavorisent la capacité du blé à taller à cause de la compétition interspécifique. Afin d’optimiser la réussite de cette stratégie, les auteurs préconisent de contrôler la plante de couverture en association avec des variétés de blé caractérisé par un potentiel élevé de tallage.

L’insertion des plantes de couverture en association avec un blé nécessite un approfondissement des connaissances pour maîtriser le fonctionnement du système en optimisant sa conduite selon les conditions du milieu pour que ses performances agronomiques et environnementales soient assurées.

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