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PARTIE 3 : EVALUATION DE LA RESISTANCE AUX ANTHELMINTHIQUES DES STRONGLES

4. Discussion

4.1. Efficacité des anthelminthiques dans les quatre élevages étudiés

4.1.1. Mise en évidence de résistances aux benzimidazoles

L’objectif de cette étude était d’évaluer l’efficacité de trois anthelminthiques couramment utilisés dans quatre élevages ovins allaitants de Corrèze. Cependant, le faible nombre d’élevages étudiés ne permet pas d’estimer la prévalence réelle des résistances aux anthelminthiques dans cette région.

Les résultats obtenus suite au FECRT confirment une résistance aux benzimidazoles dans trois élevages sur les quatre testés (A, B et C), bien que les résultats obtenus dans l’élevage C soient à interpréter avec précaution en raison du faible nombre d’animaux par lot (2) retenus pour les calculs. Dans les élevages A et C, l’espèce majoritaire après traitement selon l’identification moléculaire est T. colubriformis (respectivement 94% et 85% des L3 ayant survécu), alors que la proportion de cette espèce avant traitement n’excédait pas 51% (respectivement 40 et 51%). T. colubriformis est ainsi identifiée comme l’espèce majoritairement résistante dans ces élevages après traitement avec le fenbendazole. Dans l’élevage B, les proportions des espèces ayant survécu au fenbendazole sont plus équilibrées (H. contortus : 26%, T. circumcincta : 50%, T. colubriformis : 24%) avec T. circumcincta majoritaire, ce qui est similaire aux résultats obtenus lors des précédentes enquêtes en France (Geurden et al. 2014). De plus, ces proportions relatives sont similaires aux

127 proportions avant traitement. Les trois espèces étudiées semblent donc présenter le même niveau de résistance aux benzimidazoles dans cet élevage.

Dans l’élevage D, la différence significative d’excrétion fécale entre les groupes contrôle et BZ d’une part, et IVM et MOX d’autre part, s’explique par une conduite d’élevage différente des lots, non-signalée par l’éleveur dans un premier temps. Il est évident que dans ce cas de figure, des coproscopies préliminaires auraient permis de constituer des lots homogènes en regard de l’excrétion fécale d’œufs de SGI. Cela n’a pas été effectué en raison du temps qu’aurait nécessité ces manipulations. Il est donc impossible d’interpréter précisément le FECRT dans cet élevage.

La généralisation des résistances aux BZ chez les petits ruminants est de plus en plus documentée en France (Geurden et al. 2014, Chartier et al. 2001), ce qui est en accord avec les résultats obtenus dans la présente étude. Le large spectre, le faible coût, la sécurité de traitement et l’autorisation de l’utilisation en lactation de certains BZ jusqu’en 2014 sont impliqués dans l’utilisation massive de ces molécules. De plus, des facteurs de risques ont été identifiés dans les élevages étudiés. Les productions de l’élevage A souffrant plus des infestations par D. lanceolatum que des strongyloses gastro-intestinales, le nétobimin est administré fréquemment aux animaux du cheptel en raison de son activité douvicide. Ceci impose une forte pression de sélection « par inadvertance » à la population de nématodes de cet élevage, à l’origine de la résistance observée. Concernant l’élevage B, le cheptel a été largement agrandi par un jeune éleveur reprenant l’exploitation familiale seulement quelques années avant l’étude. L’acquisition d’individus faisant partie à l’origine de divers troupeaux est un facteur de risque bien décrit d’introduction d’allèles de résistance. Dans cet élevage, bien que des mesures de quarantaines aient été mises en place, des traitements par des combinaisons d’anthelminthiques ne semblent pas avoir été effectués, comme il est désormais recommandé. Ceci pourrait être une des raisons du fort niveau de résistance identifié.

4.1.2. Suspicion de résistances aux lactones macrocycliques

Le FECR et l’intervalle de confiance à 95% du lot IVM de l’élevage B permettent l’identification d’un phénomène de résistance à l’ivermectine selon les critères de Coles et

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présent, été démontré en élevage ovin allaitant en France (Paraud et al. 2016). Bien que le nombre d’animaux par lot (9) et le niveau moyen d’excrétion des lots contrôles J0 (805 opg) et IVM J0 (794 opg) soient satisfaisants, les résultats du FECRT de ce lot doivent être interprétés avec précaution en regard de la très faible prévalence des résistances à cette famille d’anthelminthiques en France. En effet, il est parfois observé des incohérences entre les résultats de FECRT effectués sur des prélèvements de terrain et de FECRT réalisés sur des prélèvements d’animaux infestés expérimentalement.

Il est donc nécessaire de confirmer la suspicion de résistance émise dans notre étude en effectuant un test de contrôle d’efficacité de l’ivermectine. Ce test nécessite l’infestation expérimentale d’agneaux naïfs avec des L3 de la souche suspecte de résistance, puis la réalisation d’un bilan parasitaire 10 jours après traitement (voir Partie 2, 4.1.2.). Dans cet élevage, l’espèce éventuellement résistante à l’ivermectine serait T. circumcincta, majoritaire après traitement (87%) selon l’identification moléculaire mais comptant pour seulement la moitié des L3 avant traitement. Cette observation concorde avec les résultats de l’étude de Paraud dans laquelle l’espèce résistante à l’ivermectine et à la moxidectine était T. circumcincta (Paraud et al., 2016).

Si la résistance à l’ivermectine est confirmée chez T. circumcincta, des résistances à plusieurs familles d’anthelminthiques auront été mises en évidence dans cet élevage. Ces résistances pourraient être dues à plusieurs sous-populations de T. circumcincta, chacune résistante à une seule famille d’anthelminthique, ou à une unique population résistante simultanément à plusieurs familles d’anthelminthiques, soit un cas de multi-résistance. Les lots effectués dans cette étude ne permettent pas de répondre à cette question. L’identification du type de résistance nécessite la réalisation du FECRT sur un lot traité par des benzimidazoles en combinaison avec l’ivermectine. Si les allèles de résistances aux molécules sont portés distinctement par deux sous-populations, le FECR sera théoriquement supérieur à 95%, chaque molécule éliminant la population qui lui est sensible. En revanche, si les allèles de résistance aux deux molécules étudiées sont portés par une seule et même population, le FECR sera théoriquement inférieur à 95%.

Au Royaume-Uni, le seul FECRT permet l’identification de résistances aux lactones macrocycliques en élevage, en raison de la plus grande prévalence des résistances à cette famille de molécule. Il a été observé en Irlande 24% de résistance aux LM sur 1308 élevages étudiés (Keane et al. 2014), et les cas de multi-résistance dans ce pays sont aujourd’hui

129 préoccupants. La situation est différente en Italie où aucun cas de résistance aux LM n’a encore été découvert. Jusqu’à présent épargnés par ce type de résistance, les élevages français doivent aujourd’hui redoubler de vigilance en raison du premier cas décrit de résistance croisée ivermectine/moxidectine, et de la généralisation des résistances aux benzimidazoles.

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