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Effets théoriquement attendus des réformes fiscales

On peut maintenant utiliser ces modèles pour étudier quels effets attendre d’un alourdissement de la fiscalité sur le capital. Dans ce but, on va simplifier le barème fiscal T(y1, y2) en le linéarisant autour de la situation initiale du contribuable. On va

donc considérer que le barème fiscal prend la forme T(y1, y2) = τ1 y1+τ2 y2−R où

τ1et τ2 désignent les taux marginaux par rapport aux revenus du travail et aux reve-

nus du capital. R est une constante, que l’on appellera par la suite « démogrant », qui permet de tenir compte simplement de la progressivité (si R >0) ou de la régressivité (si R < 0) du système fiscal et de distinguer taux marginaux et taux moyens de taxa- tion. Aussi, les revenus après impôts sont donnés par c = (1−τ1)y1+ (1−τ2)y2+R.

Les conditions du premier ordre du programme du contribuable (1.1) prennent alors la forme : 1−τi = − Uyi Uc  (1−τ1)y1+ (1−τ2)y2+R | {z } =c , y1, y2   pour i=1, 2

A gauche de ces conditions du premier ordre figurent le taux marginal de rétention du revenu i = 1, 2, indiquant le gain en termes de revenus après impôts supplémentaire lorsque le revenu avant impôt i augmente d’un euro. Le membre de droite des condi- tions du premier ordre correspond au taux marginal de substitution entre le revenu avant impôts i et le revenu après impôts qui s’interprète donc comme le coût marginal en équivalent monétaire des efforts nécessaires pour augmenter le revenu i de un euro.

Réponses compensées.

Nous allons commencer par l’étude des effets d’une réforme fiscale qui va combi- ner à la fois une variation ∆τi du taux marginal τi et une variation : ∆R = yi ∆τi du

démogrant R de sorte que le montant d’impôts payés avec les niveaux de revenus ini- tiaux reste inchangé. De telles réformes fiscales sont qualifiées de réformes compensées et ont le mérite de n’affecter les conditions du premier ordre qu’à travers des effets sub- stitution indépendamment de tout effets de richesse. Les réponses compensées ∂yci

(1−τj),

avec i, j =1, 2 vérifient en toute généralité des propriétés importantes (cf. AnnexeA.1). D’une part, les réponses compensées croisées sont identiques :

∂y1c (1−τ2) = ∂y c 2 (1−τ1) ≷ 0

et d’autre part les réponses compensées directes sont positives :

∂yc1 (1−τ1) , ∂y c 2 (1−τ2) >0 Effets richesse

Les réformes fiscales sont très rarement des réformes compensées. C’est pourquoi on s’intéressera également aux effets richesse suite à des variations du démogrant sans variation des taux marginaux. Si les revenus sont des « biens normaux », alors une augmentation du démogrant doit conduire à une hausse du loisir et donc à une baisse des revenus du travail :

∂y1

∂R ≤0

Dans le modèle à deux périodes, une hausse du démogrant doit conduire à une hausse de la consommation aux deux périodes, et donc à une baisse de l’épargne qui conduit à une baisse des revenus du capital :

∂y2

∂R ≤0

Une augmentation du taux marginal i qui ne serait pas compensée induit donc des réponses qui vont combiner effets substitution et effets richesse, si bien que les réponses non compensées ∂yni

(1−τj) sont données par la relation de Slutsky (cf. Annexe

A.1) : ∂yni (1−τj) = ∂y c i (1−τj) +yj ∂yi ∂R Signe attendus des réponses

On peut à présent discuter quels sont les signes attendus pour les réponses à des réformes qui ne seraient pas ou partiellement compensées.

• Les réponses non compensées des revenus du capital à leur propre taux mar- ginal de rétention combinent des effets substitution positifs ∂yc2

(1−τ2) > 0 et des

effets revenus richesse ∂y2

∂R <0 d’où un signe attendu ambigu.

• Les réponses non compensées des revenus du travail à leur propre taux mar- ginal de rétention combinent des effets substitution positifs ∂yc1

(1−τ1) > 0 et des

effets richesse négatifs ∂y1

∂R ≤ 0. Toutefois, les effets richesse sur les revenus du

travail étant réputés empiriquement modérés (Gruber and Saez,2002), un signe positif reste l’option la plus vraisemblable.

• Les réponses non compensées des revenus du capital au taux marginal de ré- tention des revenus d’activité combineraient plusieurs effets de sens opposés. — Dans le modèle à deux périodes, une baisse du taux marginal de taxation

des revenus d’activité augmente le taux marginal de rétention 1−τ1 des

revenus d’activité, et donc les revenus d’activité, du moins lorsque lorsque les effets richesse sur le marché du travail sont négligeables. Cette hausse des revenus d’activité induit une hausse de l’épargne (à taux d’épargne constant) et donc des revenus du capital, ce qui conduirait à ∂y2

(1−τ1) > 0. L’annexe

A.2démontre d’ailleurs que les réponses compensées croisées sont positives

∂yc2

(1−τ1) >0 dans le modèle à deux périodes.

— Dans le modèle de redénomination des revenus, les travailleurs indépen- dants peuvent réagir à une baisse du taux marginal de taxation des revenus d’activité en redénommant une partie de leur rémunération sous forme de salaires (ce qui leur ouvre aussi des droits à la retraite) plutôt que des divi- dendes, ce qui conduirait à ∂y2

(1−τ1) <0<

∂y1

(1−τ1). A noter que ces comporte-

ments de redénomination des revenus iraient dans le sens d’une redénomi- nation en revenus du capital plutôt qu’en salaires en cas de hausse du taux marginal de taxation des revenus d’activité.

— Enfin, une baisse du taux marginal de taxation des revenus d’activité aug- mente directement la richesse en seconde période et donc la consommation de seconde période. L’épargne et donc les revenus du capital vont diminuer pour que cet effet richesse augmente également la consommation de pre- mière période. ce qui conduirait à ∂y2

(1−τ1) <0.

• Les réponses non compensées des revenus du travail au taux marginal de réten- tion des revenus du capital combineraient plusieurs effets de signes contradic- toires.

— Dans le modèle à deux périodes, une baisse du taux marginal de taxation des revenus du capital augmente le taux marginal de rétention 1−τ2 des

revenus du capital. Aussi, chaque unité d’épargne supplémentaire rapporte davantage. Par conséquent, une augmentation marginale des revenus du tra- vail en première période induit davantage de revenus en seconde période,

ce qui incite à augmenter l’offre de travail et conduit à ∂y1

(1−τ2) >0. L’annexe

A.2démontre d’ailleurs que les réponses compensées croisées sont positives dans le modèle à deux périodes ∂yc2

(1−τ1) >0.

— Dans le modèle de redénomination des revenus, les travailleurs indépen- dants peuvent réagir à une baisse du taux marginal de taxation des revenus du capital en redénommant une partie de leurs rémunération sous forme de dividendes plutôt que de salaires, ce qui conduirait à ∂y1

(1−τ2) < 0 <

∂y2

(1−τ2).

A noter que ces comportements de redénomination des revenus iraient dans le sens opposé en cas de baisse du taux marginal de rétention des revenus du capital.

— Enfin, une baisse du taux marginal de taxation des revenus du capital tend à augmenter les revenus, ce qui se répercute par effet richesse en hausse de la consommation de loisir, et donc à une baisse des revenus du travail , ce qui conduirait à ∂y1

(1−τ2) <0.

En conclusion, les différents effets théoriquement attendus sont résumés dans le tableau1.1:

Effets substitution Effets richesse Modèle à Redénomination

deux périodes des revenus

∂y1 (1−τ1) + + - ∂y2 (1−τ1) + - - ∂y1 (1−τ2) + - - ∂y2 (1−τ2) + + -

Tableau 1.1 – Les principaux mécanismes théoriques

I.3

Détermination du taux de taxe sur le capital rendant maximale les