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1 Les principes de l’évaluation médico-économique

1.5 Quels effets de santé mesurer ?

Dans une analyse d’efficience, le RDCR généré met en perspective les coûts de deux stratégies par rapport à leurs bénéfices, représentés par des effets de santé dans le cas des ACE (coût par unité de santé gagnée) et ACU (coût par QALY gagné).

Les ressources du système de soin sont limitées, et toutes les technologies de santé qui aspirent à une prise en charge par la collectivité ne peuvent pas rentrer dans le panier des produits remboursés. Devant cet impératif de sélectionner les médicaments les plus efficients, une difficulté émerge, celle de rendre comparable les différents produits. Comment choisir entre un anti-hypertenseur diminuant la pression artérielle de 180/120 mmHG à 140/90, un anti-diabétique ramenant la glycémie à son taux normal, et un anti-cancéreux améliorant de 2 ans l’espérance de vie ?

▪ Via l’ACE (paramètre efficacité) : Pour comparer des stratégies provenant de différentes aires thérapeutiques, une première approche peut être de représenter le bénéfice par le gain en année de vie. Il s’agit d’un critère simple, universel, mais qui occulte une composante importante du bénéfice clinique qu’un produit peut apporter : la qualité de vie. En se limitant au gain en année de vie, une molécule n’ayant aucun effet sur l’espérance de vie des patients, mais améliorant grandement leur qualité de vie, ne démontrerait aucun intérêt.

▪ Via l’ACU (paramètre utilité) : L’analyse coût-utilité répond à ces limites en proposant un critère composite : le gain en année de vie pondérée par la qualité, ou Quality-Adjusted Life Years (QALY).

Le QALY prend aujourd’hui une place prépondérante dans l’évaluation médico-économique et le choix des traitements les plus efficients. La plupart des agences HTA demandent aux laboratoires sollicitant un remboursement de présenter les deux

33 analyses, mais c’est le coût par QALY, généré par l’ACU, qui est le principal critère de décision.

1.5.1 Comment générer un QALY ?

Un QALY intègre deux aspects des bénéfices attendus d’un traitement : la survie et la qualité de vie.

QALY = année de vie x qualité de vie

Un QALY correspond à une année de vie passée en parfaite santé. En revanche, un an passé avec une qualité de vie moyenne (disons à 50% de l’optimale) correspond à 0,5 QALY (soit 6 mois en parfaite santé).

1.5.1.1 L’utilité

Pour représenter la qualité de vie à travers une unité, et ainsi générer un QALY, on utilise la notion d’utilité (expliquant le terme d’analyse coût-utilité). Une utilité de 1 correspond à une parfaite santé, alors qu’une utilité de 0 représente le décès. Pour associer des utilités propres à des états de santé, des techniques d’élicitation de préférences sont employées : des entretiens sont organisés avec des patients pour leur demander, schématiquement, de noter un état de santé (e.g. « bon état général mais présence de céphalée régulière ») entre 0 et 1. Il est à noter que certains états de santé sont associés à des utilités négatives, ce qui implique des états « pires que la mort » (19).

1.5.1.2 L’EQ-5D

Le questionnaire de qualité de vie de référence utilisé en évaluation médico-économique est l’EuroQol 5 Dimensions (EQ-5D) (20). Applicable quelle que soit l’aire

34 thérapeutique du traitement, il permet d’évaluer la qualité de vie des patients à travers 5 dimensions : mobilité, autonomie, activités courantes, douleur ou gêne, anxiété ou dépression.

A chacune de ces dimensions, le patient se voit proposer trois niveaux de réponse (EQ-5D-3L) : 1/ aucun problème, 2/ présence de problèmes, 3/ problèmes importants.

Une autre version, plus récente, propose d’améliorer la sensibilité des réponses en proposant 5 niveaux (EQ-5D-5L) : 1/ aucun problème, 2/ problèmes légers, 3/

problèmes modérés, 4/ problèmes sévères, 5/ incapacité.

Dans sa version originale à 3 niveaux (EQ-5D-3L), le questionnaire permet d’identifier 253 états de santé (53), allant de 11111 (aucun problème dans les 5 dimensions) à 33333 (problèmes importants dans les 5 dimensions).

Ce questionnaire est régulièrement administré aux patients inclus dans un essai clinique pour suivre l’évolution de leur qualité de vie, et générer des utilités utilisées dans une ACU.

1.5.1.3 Des utilités « pays-spécifiques »

Pour convertir les réponses aux questionnaire EQ-5D en utilité, la plupart des pays a développé sa propre matrice de pondération (21). Le principe sous-jacent est que les préférences des populations varient selon les pays. Les habitants d’un pays A peuvent donner à l’anxiété un poids important sur la qualité de vie, tandis que ceux d’un pays B peuvent plutôt présenter une forte aversion à la douleur physique (Tableau IV).

Plusieurs études ont mis en évidence l’impact important des matrices de pondération

« pays-spécifique » sur les scores d’utilité (22) (23).

35 Tableau IV – Utilités « pays-spécifiques »

Mobilité Autonomie

1.5.2 La critique des QALYs

L’utilisation prépondérante du QALY comme mesure d’effet de santé n’échappe pas à la critique.

1.5.2.1 Des limites techniques

Des auteurs ont d’abord mis en évidence ses limites sur le plan technique, lorsqu’il s’agit notamment de refléter la qualité de vie des patients dans des conditions spécifiques ou particulières, telles que :

▪ La pédiatrie, où les enfants éprouvent des difficutés à exprimer leur qualité de vie

▪ Les maladies rares, où le faible nombre de données remet en cause la fiabilité statistique des résultats

▪ Les maladies psychiatriques, où l’EQ-5D pourrait ne pas être suffisamment sensible (24)

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▪ Les soins palliatifs, où le concept de qualité de vie est vague et les cinq dimensions de l’EQ-5D sont parfois considérées comme inadaptées au contexte palliatif (25)

▪ Les cancers à un stade avancé, où les méthodes d’élicitation des préférences des patients (pour associer une utilité à un état de santé) pourraient ne pas être appropriées dans le contexte de la fin de vie (26)

1.5.2.2 Un critère qui se limite aux patients

Un autre aspect sujet à critique est l’absence de prise en compte de l’impact de l’intervention sur la qualité de vie de l’entourage des patients (27). Elargir la perspective des résultats de santé aux aidants dans l’analyse médico-économique est une solution suggérée par certains auteurs (28). Un instrument spécifique, le CarerQol-7D, a été développé pour mesurer l’effet des soins informels sur la qualité de vie de l’entourage du patient (29). Il reste très peu utilisé de nos jours dans les analyses médico-économiques.

1.5.2.3 Des critiques philosophiques

Enfin, une critique d’ordre philosophique et éthique a été adressée par des auteurs, reprochant aux QALYs son caractère utilitariste. Pour John Harris, philosophe britannique de bioéthique, considérer que la vie d’une personne ayant 20 ans d’espérance de vie ait le double de valeur que celle d’une personne n’ayant que 10 ans à vivre reflète un aspect discriminatoire vis-à-vis des personnes âgées (30).

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