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3. Effets de la consommation de modafinil ou de méthylphénidate sur des

3.2. Effets observés à court terme

Le méthylphénidate

Mémoires et performances cognitives

Les conclusions des études concernant l’effet du méthylphénidate sur la cognition sont assez contrastées. Certains auteurs affirment qu’il augmente la mémoire (Repantis et al. 2010; Franke et al. 2017) tandis que d’autres nuancent ce résultat en évoquant un effet placébo (développé plus tard). Cependant, les techniques de neuroimagerie montrent que le méthylphénidate induit des changements de l’activité du cortex cingulaire antérieur. Ceci expliquerait un temps de réaction plus rapide à des tests cognitifs et un processus de décision changé. En effet, il augmenterait significativement la vigilance. La stimulation de l’attention n’a quant à elle pas été prouvée (Repantis et al. 2010; Franke et al. 2017).

Les éventuels effets sur la mémoire pourraient être attribués à des effets sur le cortex préfrontal (partie antérieure du lobe frontal), impliqué dans différentes fonctions cognitives comme le raisonnement, le langage ou la mémoire de travail. Des chercheurs ont testé le méthylphénidate sur des rats adultes à dose de 2,5mg/kg pendant 5 jours puis ont enregistré à l’aide d’électrodes l’activité des neurones du cortex frontal. Ils ont réitéré l’expérience 3 jours après. Dans les 2 cas c’est à dire à

court et moyen terme, l’expérience montre que le méthylphénidate excite

73 Les auteurs ont de plus conclu à une sensibilisation des récepteurs dopaminergiques et à une modification de l’activité basale des neurones avec une décharge augmentée pour la majorité des rats (Salek et al. 2012).

Enfin, une dernière étude teste la tâche d’apprentissage chez 19 sujets en moyenne âgés de 21 ans et en bonne santé ayant reçu soit 20mg de méthylphénidate soit un placébo. Deux stimulus, un visage et une scène, ont été présentés simultanément sur l'écran. Un de ces stimulus était associé à une récompense (smiley content vert) et l'autre à une punition (smiley triste rouge). Les sujets devaient apprendre ces associations, puis ensuite les prédire. Cent vingt images défilaient toutes les secondes. Les auteurs ont donc étudié les effets du méthylphénidate sur l'apprentissage de la récompense et la punition. Les résultats ont révélé que les effets du méthylphénidate varient selon la capacité de mémoire de travail : le méthylphénidate a amélioré l'apprentissage chez les sujets à mémoire de travail élevée, alors qu'il a diminué l'apprentissage de la récompense par rapport à la punition chez les sujets à faible mémoire de travail. Finalement, ces résultats pointent du doigt des différences individuelles concernant les effets cognitifs du méthylphénidate chez une population en bonne santé, bien que l’on puisse conclure qu’il n’induit aucun effet sur la capacité de la mémoire de travail elle-même. Toutefois, le méthylphénidate a entretenu des sentiments subjectifs de vigilance et d’effets positifs au fil du temps (Schaaf et al. 2013).

Humeur et anxiété

D’après plusieurs études, le méthylphénidate ne semble pas avoir d’effets sur l’humeur (Mommaerts et al. 2013; Repantis et al. 2010).

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Activité motrice

Il a été montré que le méthylphénidate exerce des effets sur le noyau caudé, impliqué dans les fonctions motrices car il contient bon nombre de cellules dopaminergiques. Son administration aigüe altère la locomotion : les rats traités avec une dose de 5 à 10mg/Kg de méthylphénidate avaient une activité locomotrice plus importante que les rats témoins. Ceci est non retrouvé pour de faibles doses (1mg/Kg). Avec des administrations chroniques (de 2 ou 10mg/kg), le rythme locomoteur diurne était aussi altéré (augmenté) suggérant un effet à long terme. (Claussen et al. 2012, Busardò et al. 2016).

Sommeil

Un enquête effectuée grâce au questionnaire PSQI (index de qualité du sommeil de Pittsburgh) sur près de 500 étudiants américains qui détournent des psychostimulants de leur usage médical dans un but d’amélioration cognitive a été réalisée en 2011 par Clegg-Kraynok, McBean, et Montgomery-Downs . Résultats : les utilisateurs ont une plus mauvaise qualité de sommeil, un sommeil perturbé et ont obtenu un score au questionnaire PSQI significativement plus mauvais que les non consommateurs. La conséquence potentielle est une augmentation de la somnolence diurne.

Effets secondaires

Ces médicaments n’ont pas toujours les effets escomptés et peuvent aussi induire des effets indésirables tels des manifestations cardiovasculaires, des insomnies, des psychoses et dépressions (Ragan, Bard, et Singh 2013). Le

75 méthylphénidate augmente la fréquence cardiaque et la pression artérielle et le risque d’effets secondaires psychiatriques (Brito 2015, Schaaf et al. 2013).

Effet placébo

Dans les conduites dopantes, le psychisme intervient et contribue à l’obtention de certains de ces effets. L’effet placébo joue certainement un rôle non négligeable. Le placébo, du latin « je plairai » est une substance inerte dépourvue d'effet pharmacologique qui est délivrée dans un contexte thérapeutique, et prescrite dans le but de « plaire au patient ». (Le moniteur des pharmacies 2017). Il s’agit donc ici d’évoquer les facultés du placébo plutôt que le placébo lui-même, puisque la substance détournée possède a priori des effets et donc n’est pas, par conséquent, un placébo. Toutefois, ces substances actives ont des effets attendus qui ne correspondent pas systématiquement à une efficacité réelle ou s’éloignant de leur efficacité originelle. On les considère alors comme des pseudo-placébos. L’efficacité du placébo serait de 35% environ. Elle pourrait s’expliquer selon une réaction conditionnée par une réduction de l’anxiété du consommateur pensant que la substance répond aux effets recherchés. Mais l’effet placébo n’est pas que psychologique (Laure, 2000). Il se traduit aussi par des manifestations physiologiques et mobilise les capacités naturelles du patient à aller mieux. Par exemple, lorsqu’un placébo est censé avoir un effet stimulant, la pression artérielle et la fréquence cardiaque augmentent (St Onge, 2013).

En 2004, Bray et al. ont testé le 20mg méthylphénidate ou un placébo chez des étudiants sains volontaires. Après avoir été privés de sommeil ils ont passé des tests cognitifs (verbaux, numériques…). Ces 2 groupes avaient des scores plus élevés que

76 le groupe contrôle ! Ainsi on ne peut pas dire que le méthylphénidate augmente les performances cognitives mais il apparaît que le mental joue un rôle important. Ce même résultat est confirmé par une autre étude : il n’y a pas de différences significatives aux tests cognitifs entre le groupe placébo et le groupe méthylphénidate (Mommaerts et al. 2013). Cependant, des différences importantes ont été trouvées entre les sujets qui pensent avoir reçu le méthylphénidate, et ceux qui pensent avoir reçu le placebo pour le test de mémoire. À trois minutes, une heure et un jour après avoir mémorisé dix listes de 20 mots, ceux qui supposent avoir reçu le méthylphénidate se sont souvenus respectivement de 54%, 58% et 54% des mots, alors que ceux qui supposent avoir reçu un placebo ne se rappellent respectivement que de 35%, 37% et 34% des mots. Conclusion : les étudiants qui supposent avoir reçu 20 mg de méthylphénidate ont un effet placebo qui améliore la consolidation de l'information dans une mémoire à long terme. Ceci est indépendant de tout effet pharmacologique du méthylphénidate, qui n'a eu aucun effet significatif sur la mémoire (Mommaerts et al. 2013).

L’effet placébo s’applique également pour le modafinil.

Le modafinil

Il n’y a aujourd’hui pas encore de consensus trouvé sur les effets réels du modafinil chez des sujets sains. Ce constat est renforcé par des biais dans la littérature comme le recours à des tests psychométriques conçus pour détecter les effets cognitifs dans des populations malades plutôt que saines.

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Mémoires et performances cognitives

Cependant certaines études s’accordent à dire qu’il induirait des améliorations dans la mémoire de reconnaissance des formes et la manipulation mentale des chiffres, mais les effets sur la mémoire spatiale, l'attention et d'autres aspects de la fonction exécutive sont plus ambigus. Cela semble plutôt dépendre des performances de base de l'individu. Les résultats ne montrent aucune amélioration chez des rats performants, pouvant même causer un déficit. En revanche, une diminution du temps de réaction est observée chez les rats les moins performants à la réalisation de diverses tâches cognitives (Urban et Gao 2014). De même, dans une revue écrite en 2015, Battleday et Brem rapportent que seulement la moitié des études montrent des améliorations dans l'attention, l'apprentissage et la mémoire lorsque les tests utilisés sont basiques. S’ils sont plus complexes, tous les travaux s’accordent à dire que le modafinil semble constamment engendrer une amélioration. L’explication de cette augmentation des performances cognitives est associée à l’augmentation de dopamine dans le cortex préfrontal.

Une étude a été réalisé sur des joueurs d’échecs pour étudier leurs performances cognitives et va dans le sens des précédentes : « l’amélioration de l’efficacité du cortex préfrontal améliore le contrôle cognitif » (Franke et al. 2017). Dans cette étude, 39 joueurs (moyenne d’âge 37 ans) ont reçu 2 x 200mg de modafinil et ont joué 2 sessions de 15 minutes, puis ont subi des tests neurophysiologiques (attention visuelle, déplacement psycho moteurs, capacité exécutive à planifier et réaliser des tâches…). Le traitement a eu des effets sur le temps de réflexion passant de 236 secondes à 552 secondes avec le modafinil et sur leur performance avec plus de points gagnés (388

78 vs 356) et moins de points perdus (309 vs 340). Deux mécanismes possibles pourraient conduire à ces augmentations de temps de réflexion :

- Le traitement de l'information pourrait être ralenti puisque les participants sous stimulants ont besoin de plus de temps pour maintenir la même qualité de leurs mouvements de jeu,

- Les individus ont un temps de réflexion plus long car ils accumulent plus d'informations, ils réfléchissent plus longtemps pour faire un meilleur mouvement. Ils ont une meilleure qualité de jeu.

Finalement, le modafinil n'améliore pas la qualité de la pensée et la prise de décision, mais améliore les capacités des joueurs et la volonté de passer plus de temps sur une décision et donc d'effectuer des calculs plus approfondis. En d'autres termes, ces substances transforment les joueurs en joueurs plus réfléchis donc plus lents qui en tirent cependant un bénéfice.

Modafinil et déprivation de sommeil

Repantis et al. (2010), quant à eux, affirment que le modafinil augmente l’attention tandis que la mémoire n’est améliorée que si l’individu est en manque de sommeil.

Un essai randomisé sur 160 étudiants chiliens (18-29 ans) volontaires sains prenant (ou non) une dose de modafinil de 200mg et non privés de sommeil ne montre globalement pas d’amélioration des performances cognitives évaluées par des tests de mémorisation à court terme. La moitié des participants a reçu à J0 le modafinil et une évaluation des performances 2h après (correspondant au niveau plasmatique le plus élevé). A J7, la même expérience est réalisée avec ces mêmes personnes, mais avec prise d’un placébo. L’autre moitié les participants a effectué la même expérience

79 mais avec prise de placébo à J0 et modafinil à J7. Dans les 2 cas, il n’y a pas de différence significative sur les performances cognitives (Fernández et al. 2015). Par contre, quand il y a eu privation de sommeil, le modafinil diminue le déficit de performances cognitives causé par un manque de sommeil (Randall et al., 2003).

Il a été établi que la privation de sommeil réduit la prolifération des cellules neuronales dans l'hippocampe chez l’adulte et que les psychostimulants modulent la neurogenèse. Ainsi, des rats ont été privés de sommeil 48 h et ont reçu du modafinil à 100mg/kg/j pendant ces 2 jours. Grâce à des techniques immunohistochimiques, il a été démontré que le déclin de la différenciation et de la prolifération neuronale normalement induit par la privation de sommeil (particulièrement dans le gyrus denté de l’hippocampe) est significativement réduit sous modafinil. Celui-ci promeut la différenciation neuronale (Sahu et al. 2013).

Humeur et anxiété

Chez l’Homme le modafinil semble diminuer significativement la réactivité de l’amygdale, région impliquée dans l’anxiété, à des stimulus.

Randall et al., 2003, ont administré un comprimé de 200 mg de modafinil à 30 étudiants volontaires en bonne santé pour tester leur humeur et anxiété 3h après, via un questionnaire. Les étudiants ont des tremblements, de la fatigue physique, une agitation, des tensions musculaires, et une irritabilité. Ces effets sont attribués à une anxiété somatique et une anxiété psychologique, potentiellement dues à des effets sérotoninergiques.

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Effets secondaires

Le modafinil ne semble pas provoquer d’effets secondaires hormis ceux liés à l’anxiété cités précédemment (Battleday et Brem, 2015).

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