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Effets du MSG sur le métabolisme des acides aminés chez le rat et l’Homme

III. TRAVAUX PERSONNELS

3. DISCUSSION

3.2. Effets du MSG sur le métabolisme des acides aminés chez le rat et l’Homme

Le L-glutamate étant à la fois un précurseur pour la formation d’autres AA et un régulateur métabolique (par lui-même et via la synthèse de métabolites comme le N- acétylglutamate), nous avons étudié les effets d’une supplémentation en MSG sur les concentrations circulantes d’AA à la fois chez le rat et chez l’Homme. Chez l’Homme, l’effet de la supplémentation en MSG sur l’aire antrale était concomitant d’une augmentation significative des concentrations circulantes de leucine, isoleucine, cystéine, tyrosine, ornithine et glutamate sur la base de la mesure des aires sous la courbe. Un résultat intéressant obtenu chez le rat mais pas chez l’homme est l’augmentation de la glutamine circulante (mais uniquement de cet AA) après supplémentation en MSG.

Une augmentation des concentrations circulantes en AA dans nos études est le résultat net de nombreux phénomènes complexes incluant l’absorption et le métabolisme intestinal, le métabolisme hépatique, le métabolisme dans les autres tissus, les phénomènes d’épargne métabolique, l’excrétion dans les urines et la synthèse/dégradation protéique. De plus les concentrations en AA ont été déterminées dans le plasma et non dans les érythrocytes. Ces concentrations peuvent contribuer à un transfert interorgane des AA (Felig, Wahren et al. 1973). Cependant, bien que les concentrations en AA soient élevées dans les érythrocytes, il est généralement considéré que les échanges avec le plasma sont lents ; et donc ce pool intracellulaire contribuerait faiblement aux flux interorganes. Il a été montré que les concentrations en glutamate dans les érythrocytes étaient beaucoup plus élevées que les concentrations plasmatiques (Tsai and Huang 2000). Il est donc délicat de proposer des mécanismes explicatifs par rapport aux variations observées de concentration des AA circulants. On peut néanmoins formuler quelques hypothèses en perspective de futurs travaux. L’intestin est un consommateur important de glutamine, de glutamate et d’aspartate qu’il utilise en particulier en tant que substrats oxydatifs. Comme rappelé dans l’introduction, la transamination du glutamate dans l’intestin produit de l’alanine et de l’aspartate. Les entérocytes produisent aussi de l'ornithine, de la citrulline et de la proline après conversion du L-glutamate en L-glutamyl semialdéhyde dans les mitochondries des entérocytes (Blachier, Boutry et al. 2009). L’arginine, comme la glutamine est aussi un précurseur d’ornithine et de

citrulline dans les entérocytes. D’après des données bibliographiques récentes, il apparaît que certains AA indispensables n’échapperaient pas non plus au catabolisme intestinal. En effet, les AA ramifiés (leucine, isoleucine et valine) semblent substantiellement dégradés dans les entérocytes (Chen, Li et al. 2009). L’intestin synthétise des glycoprotéines particulières comme les mucines et cela engendre des besoins élevés en certains AA comme la thréonine : 50% de la thréonine alimentaire est retenue par l’intestin (Wang, Zeng et al. 2010). Les AA non catabolisés et ceux produits par l’intestin au départ des AA provenant des protéines alimentaires et endogènes sont ensuite libérés dans la veine porte et acheminés vers le foie. Ils y sont métabolisés ou libérés dans la circulation générale. Le métabolisme intestinal modifie profondément la disponibilité de nombreux AA alimentaires pour le reste de l’organisme. Une autre source d’AA libres dans la circulation sanguine est la dégradation protéique au niveau des tissus (Le Floc'h and Seve 2000). Enfin, la synthèse de novo d’AA non indispensables peut dans certain cas faire varier les concentrations circulantes en AA. Par exemple, le rein est capable de synthétiser de l'arginine à partir de citrulline libérée par l'intestin (Moinard and Cynober 2007; van de Poll, Siroen et al. 2007). Ensuite, l'arginine produite est quasiment totalement libérée dans la circulation sanguine pour être utilisée pour la synthèse protéique en grande majorité, mais aussi à un niveau quantitativement beaucoup plus limité, pour la synthèse d’autres métabolites (NO, polyamines,...).

Chez l’Homme, nous avons observé que l’ingestion de MSG augmente les concentrations circulantes des AA ramifiés. Cet effet a déjà été montré lors d’études sur l’animal (Janeczko, Stoll et al. 2007). Récemment, il a été montré une dégradation des AA ramifiés dans des entérocytes isolés de porc qui était stimulée par l’α-cétoglutarate (Chen, Li et al. 2009). Le L-glutamate ingéré pourrait par un simple phénomène d’action de masse limiter le flux de leucine à travers la première étape du catabolisme de cet AA catalysée par la leucine transaminase. Le même raisonnement peut être fait en ce qui concerne l’isoleucine puisque la première étape de dégradation dans les entérocytes impliquerait les activités transaminases avec conversion de l’α-cétoglutarate en glutamate et production respectivement de l’acide α-cétoisovalérique et de l’acide α-céto-β-méthyl valérique. Ce type de réaction est possible à la fois dans l’intestin et le foie. La contribution du foie dans ce processus est probablement plus faible que dans l’intestin compte tenu des plus fortes concentrations de glutamate dans le contenu luminal que dans le sang porte suite à l’ingestion de MSG par les volontaires. Par contre, il n’a pas été observé une augmentation des AA ramifiés après administration d’une large dose de MSG chez l’Homme (Stegink, Filer et al. 1983). De

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nouvelles expériences in vivo et in vitro sont nécessaires pour confirmer ou infirmer cette hypothèse. L’augmentation de l’aire sous la courbe en ce qui concerne le glutamate après ingestion de MSG suggère qu’à la dose de MSG utilisée, une partie du glutamate échappe aux voies cataboliques des entérocytes lors du passage de la lumière vers le sang à travers les cellules épithéliales intestinales. De même, l’augmentation de l’aire sous la courbe en ce qui concerne l’ornithine (non contenue dans les protéines) suggère que le glutamate du MSG puisse servir de précurseur à la synthèse d’ornithine in vivo chez l’homme. Enfin, puisque le catabolisme de la cystéine et de la tyrosine implique une réaction de transamination par la cystéine transaminase et la tyrosine transaminase avec respectivement conversion de l’α- cétoglutarate en glutamate (Blachier, Boutry et al. 2009) ; il est concevable que le glutamate puisse participer à l’effet d’épargne de ces AA. Concernant la tyrosine, cet AA n’est que très peu dégradé par l’intestin chez le porc (Wu, Borbolla et al. 1994). Par contre, les entérocytes isolés ont la capacité de cataboliser la cystéine. Ces résultats in vitro sont corroborés par des résultats in vivo qui montrent une faible apparition de cystéine dans la veine porte par rapport au contenu en cystéine dans les protéines alimentaires (Coloso and Stipanuk 1989). Par contre, aucune augmentation significative de l’aire sous la courbe n’est observée en ce qui concerne la glutamine après supplémentation des volontaires en MSG.

Chez le rat, une supplémentation chronique en MSG augmentait significativement et de manière relativement marquée la concentration circulante en glutamine 2h après l’ingestion d’un repas. Comme expliqué dans la discussion de l’article chez le rat, cette augmentation peut être reliée au moins en partie à une augmentation de l’activité glutaminase dans la muqueuse intestinale et à un effet d’épargne du glutamate sur la glutamine dans les entérocytes.

Au cours de cette thèse, nous avons constaté plusieurs différences de réponse à la supplémentation en MSG chez le rat et chez Homme sur le métabolisme des AA. Tout d’abord, ces différences peuvent être dues au fait que les doses de MSG testées sont différentes (rapportées à la masse corporelle) entre les expériences sur rat et les expériences sur volontaires humains. De plus, il existe des différences au niveau des méthodes utilisées dans le modèle rat et chez les sujets humains. En effet, les concentrations en AA ont été mesurées seulement 2h après l’ingestion d’un repas chez le rat alors que les différences chez l’Homme étaient observées à partir de 1h après le repas. Ensuite, les différences obtenues peuvent être expliquées par le modèle lui-même. Le métabolisme des AA dans l’intestin a été largement étudié in vitro dans des entérocytes isolés de porcs et de porcelets (Ashy, Salleh et al. 1988; Coloso and Stipanuk 1989; Blachier, Darcy-Vrillon et al. 1991; Wu, Knabe et al.

1994; Guihot, Blachier et al. 1997; Le Bacquer, Nazih et al. 2001; Chen, Li et al. 2009) et in

vivo dans ce modèle (Reeds, Burrin et al. 1996; Reeds, Burrin et al. 1997; Blachier, Guihot-

Joubrel et al. 1999; Stoll, Burrin et al. 1999; Janeczko, Stoll et al. 2007). Il existe moins d’études sur le métabolisme des AA chez le rat et très peu chez l’Homme. La plupart des études ont été réalisées chez le porcelet et sur des animaux sevrés. Le porcelet est considéré par de nombreux auteurs comme un modèle avec des applications en pédiatrie. Compte tenu du peu de données disponibles sur entérocytes humains, on peut se demander si le métabolisme des AA est identique dans ces différents modèles. Il a été montré que les AA ramifiés (leucine, isoleucine et valine) étaient bien dégradés dans les entérocytes de l’intestin grêle chez le porc (Wu 1998). De plus l’intestin est l’organe majeur pour l’utilisation de glutamine chez le porc (Wu, Borbolla et al. 1994) et chez le rat (Windmueller 1982). Chez le rat, l’intestin utilise largement le glutamate, la glutamine, l’aspartate et l’arginine (Windmueller 1982). Chez l’Homme, 38% de l’arginine alimentaire (Castillo, Chapman et al. 1993) et 20 à 30% de la leucine délivrée par voie entérale sont utilisés au premier passage par l’aire splanchnique (Biolo, Tessari et al. 1992). Des études supplémentaires sont nécessaires pour connaître les différences au niveau du métabolisme des AA entre les espèces. Au cours de cette thèse, l’effet d’épargne du MSG sur la glutamine observé chez le rat n’a pas du tout été observé chez l’Homme. On peut supposer que la quantité de MSG ingérée était trop faible pour augmenter suffisamment la concentration du glutamate dans la lumière intestinale et inhiber l’activité de la glutaminase dans les mitochondries des entérocytes. En effet, Graham

et al. ont montré, chez le volontaire sain, une augmentation significative de la concentration

en glutamine 45 et 75min après une large dose de MSG (4,5 fois plus de MSG que notre étude) ingérée avec de l’eau (Graham, Sgro et al. 2000).

En plus de l’effet d’une supplémentation en MSG sur les concentrations circulantes en AA, il est intéressant de comparer les effets du MSG sur les concentrations en glutamate circulant dans le modèle rat et chez les volontaires sains. Chez le rat 2h après le repas, il n’y avait pas de modifications des concentrations circulantes en acide glutamique après une forte dose de MSG. Ce qui est similaire à de nombreuses études qui ont montré que le glutamate était largement métabolisé (98% et 95%) par la muqueuse de l’intestin grêle au premier passage chez le rat (Windmueller and Spaeth 1975) et chez le porc (Reeds, Burrin et al. 1996) respectivement. De manière similaire, entre 88 et 96 % du glutamate délivré par voie entérale est extrait au premier passage par l’aire splanchnique chez l’Homme (Matthews, Marano et al. 1993; Battezzati, Brillon et al. 1995). Par contre dans notre étude chez l’Homme, alors que la supplémentation en MSG était relativement moins importante par rapport à notre étude chez

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le rat, l’aire sous la courbe de la concentration en glutamate était plus grande après supplémentation en MSG par rapport au groupe contrôle NaCl. On peut donc se demander si le glutamate à la dose nutritionnelle utilisée est totalement oxydé au premier passage chez l’Homme. Il existe une différence de méthodologie entre les études de Matthews et Battezzati et la notre : ils ont suivi l’administration de 13C glutamate alors que nous avons observé les effets du MSG sur les concentrations circulantes en acide glutamique. D’autres études ont montré que l’administration d’une large dose de MSG entraînait une augmentation transitoire des concentrations circulantes en acide glutamique chez le porc (Blachier, Guihot-Joubrel et al. 1999; Janeczko, Stoll et al. 2007) et chez l’Homme (Stegink, Filer et al. 1983; Stegink, Filer et al. 1985; Thomassen, Nielsen et al. 1991). Même si sur la base de la mesure des aires sous la courbe, on peut constater que les augmentations de la concentration en glutamate circulant est modeste, notre étude est à ce jour la première qui rapporte une augmentation des concentrations circulantes en acide glutamique après ingestion d’une dose nutritionnelle de MSG.