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Les effets de l’expérimentation sur la vie et le parcours des personnes

Les effets de l’expérimentation sur la vie des personnes dépendent de plusieurs registres, les plus marquants étant la reprise d’une vie sociale et une amélioration du niveau de vie. Si certains salariés commencent à préparer un « après » EBE, le manque d’accompagnement et le flou autour de la sortie de la structure peut décontenancer certains salariés. Enfin, malgré les difficultés et les évolutions à apporter, tous louent l’existence de projets comme ceux-ci.

Rompre la solitude et reprendre un rythme, des améliorations mises en avant par la plupart des salariés. Parmi les salariés rencontrés, certains avaient l’impression d’être exclus de la société, qu’ils n’avaient pas les moyens financiers de vivre décemment, mais avec le « minimum du minimum ». L’expérimentation leur apporte un boost en termes d’estime de soi : reprise d’un rythme, fait « d’aller au » et « de sortir » du travail, amélioration de conditions matérielles, accès à des pratiques « traditionnelles » (prendre un verre avec des amis, pouvoir organiser un réveillon de Noël). L’excitation de la reprise d’un emploi va souvent de pair avec le développement d’activités en dehors de l’EBE, pour des personnes qui n’avaient parfois aucune activité sociale. Une attention particulière est cependant à avoir sur les personnes les plus fragiles, qui n’ont parfois pas travaillé pendant des années, et peuvent rencontrer de grandes difficultés à s’intégrer dans la vie de l’EBE et qui souhaiteraient que leur emploi leur apporte un cadre plus sécurisant, qui ne soit pas un facteur de stress supplémentaire (conflits, violences …). Pour ces personnes qui peuvent avoir peur du collectif, notamment dans une entreprise comme celle-ci où tout le monde se connaît et où il y a beaucoup de rumeurs, les risques psychosociaux sont importants. C’est également le

cas concernant les postes les plus exigeants (les fonctions support notamment), pour une entreprise de près de 100 salariés, que cela soit en termes de temps passé au travail ou de compétences nécessaires (comptabilité, ressources humaines notamment), pouvant entraîner beaucoup de stress.

« On se souvient tous de la date à laquelle on est rentré dans l’EBE car c’est une expérimentation

donc 1) on retrouve une activité 2) c’est expérimental donc ça ne ressemble à rien de ce que l’on

connaît 3) […] C’est une date marquante pour tout le monde ici. Ça a été pour chaque personne

une solution pour rompre les situations d’isolement et de marginalisation. L’isolement social est

très fort ici, il est générationnel : y’a plus que des vieux : 3ème âge, 50 ans et quelques jeunes au

collège puis après les jeunes sortent du territoire te les moins bien armés restent scotchés ici. Il y

a aussi une culture ouvrière et agricole et donc beaucoup de problèmes d’addictions notamment

à l’alcool qui est le fléau numéro 1 du coin (…). C’est quelque chose qui mérite vraiment d’être

relevé. » [Salarié]

« J’ai connu pas mal de gens ici aussi. Des gens avec qui c’est devenu plus que des collègues … Pas

mal des gens qui ont connu des pets aussi, et pour qui travailler du jour au lendemain ça fait tout

drôle. C’est quand même positif. » [Salarié]

Une amélioration de leur niveau de vie et une sécurisation financière. La forme de contrat en CDI est sécurisante pour des salariés qui ont parfois enchaîné une grande partie de leur vie des contrats d’intérim, CDDI ou CDD. L’expérience à l’EBE leur permet de « voir venir », de se « poser ». Et bien sûr, de pouvoir débloquer de nombreuses améliorations dans leur quotidien : pouvoir faire un prêt à la banque, pouvoir changer de logement, acheter un véhicule, entamer des travaux de rénovation de leur intérieur etc. Cependant, le passage de « seuils » (tranches d’impôts, pertes d’aides APL etc.) est difficile pour les personnes qui se trouvent juste à ces limites. Enfin, pour certains salariés qui bénéficiaient d’un salaire plus élevé par le passé ou complétaient leur activité avec du black, l’impact sur le niveau de vie n’est pas immédiatement perceptible, même s’il est réel à terme (compléter ses trimestres pour la retraite, commencer à cotiser et avoir une mutuelle etc.).

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« Avant d’être à l’EBE, je faisais parfois 1 repas par jour. Quand j’ai eu ma première paie, j’osais

pas tout de suite acheter des choses, je n’osais pas. Ça fait deux ans, et je commence à seulement

à acheter des choses coûteuses. Aujourd’hui j’ai tout mon mobilier qui tombe en rade et 1 enfant

à la maison. Je n’ai pas voulu le plomber lui … […] Ça faisait 3 ans que j’avais pas fêté noël …

si je n’avais pas eu l’EBE je me serais privée …. Avant l’EBE, on a vécu des choses qu’on ne peut

pas oublier et qui sont inadmissibles. » [Salarié]

Des compétences professionnelles développées par les salariés, mais qui sont peu valorisées ou accompagnées. Si les salariés bénéficient de l’expérience développée grâce à leur activité au sein de l’EBE, ils ont souvent du mal à verbaliser ou à décrire ces compétences. Certains ont le sentiment de « n’avoir rien appris ». En l’absence d’entretiens annuels, ils n’ont parfois que très peu de retour sur leur travail, ou la fixation de nouveaux objectifs à atteindre. Leur expérience professionnelle antérieure et les compétences qu’ils avaient développées sont peu mises en avant : certains salariés disposent par exemple de longues années d’expérience professionnelle dans un secteur, mais n’ont pas de diplôme, et aucun n’a entendu parler de la Validation d’Acquis d’Expérience. Enfin, la sortie éventuelle de l’EBE est un tabou pour certains salariés (peur de etc.). Une partie des salariés cherchent un autre emploi, en dehors de l’EBE, mais ce sans accompagnement spécifique. Concernant les jeunes plus spécifiquement, ils sont un nombre

important dans l’EBE de Prémery. S’il leur est systématiquement conseillé d’aller s’inscrire à la Mission locale et d’explorer d’autres possibilités avant l’entrée à l’EBE, ils ne disposent pas à l’heure actuelle d’un accompagnement renforcé, même s’ils sont le « public prioritaire ».

« Je n’ai pas l’impression qu’on m’encourage à bouger. Le permis je devais le passer mais je

n’ai pas de nouvelles. Il y a des aides qu’on ne nous donne pas, ou plutôt qu’on ne nous propose

pas. On n’ose pas demander si on ne nous propose pas … » [Salarié]

« Mon regard a beaucoup changé sur l’équipe. Je connaissais M., qui a quitté l’école

à 16 ans, qui était très timide et intériorisée, l’EBE l’a transformé. On se demandait

ce qu’elle faisait là et puis voilà elle s’est mise à faire des choses : maintenant elle fait

des affiches, elle rédige des textes, elle monte des projets. On a vu des gens qui se

sont réalisés via le travail, dans le sens de beaucoup plus d’autonomie. » [Salarié]

Contacts

Loïcka Forzy

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Marie Launet

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Tana Stromboni

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Johann Pons

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