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Effets de l’emploi d’une base d’exercices en ligne sur la dynamique des apprentissages

Nous nous intéressons à la question des conséquences, pour la dynamique des apprentissages, de l’emploi par les élèves en classe de mathématiques d’un logiciel de type « base d’exercices en ligne » (Cazes et al. 2006). Nous étudions plus particulièrement le cas où les élèves travaillent sur la machine pendant un temps significatif, sans soutien mathématique de l’enseignant. Les connaissances et les apprentissages considérés dans notre étude relèvent du champ de la proportionnalité. Le contexte est celui de la classe de mathématiques, aux niveaux CM2 et sixième.

1. Connaissances et états de connaissances ; objets de savoir en jeu dans l’étude.

Nous avons retenu la notion de « rapport d’un sujet à un objet de savoir» (Chevallard, 1989) comme moyen de décrire les connaissances individuelles observables dans l’étude. Lorsque qu’un groupe de sujets partage le même rapport à un objet donné, nous parlons « d’état de connaissances ». Nous appelons « état-cible » le rapport institutionnel visé dans une classe donnée.

Les objets de savoir retenus pour l’étude sont au nombre de six : les procédures permettant de résoudre un problème de proportionnalité ; le tableau de proportionnalité ; l’expression « est proportionnel à » ; l’identification d’une relation de proportionnalité ; la résolution de problèmes de comparaison, et celle de problèmes de proportionnalité simple composée.

L’observation et la description des rapports à ces objets de savoir implique des connaissances disciplinaires de différents types : connaissances langagières (en particulier pour l’emploi de l’expression « est proportionnel à »), connaissances liées aux représentations (tableau), connaissances liées à la modélisation (identification d’une relation de proportionnalité, mise en œuvre d’une démarche adéquate pour un problème de comparaison), connaissances liées aux stratégies de résolution. Mais il convient également de tenir compte de connaissances quotidiennes, comme ce qui concerne la notion de vitesse, ainsi que l’emploi quotidien des termes « proportionnel », « proportionnalité ».

2. Expérimentation et recueil de données

Nous avons réalisé entre 2003 et 2005 un enseignement expérimental dans quatre classes : deux classes de sixième, une classe de CM2, et une classe de CM1/CM2. Ces classes n’avaient pas encore travaillé sur la proportionnalité au début de l’expérimentation. Nous avons mis en place une séquence d’enseignement de la proportionnalité comportant neuf séances d’une heure en classe. Une évaluation initiale ; puis quatre séances sur machines ; une séance de préparation d’affiches, suivie d’une séance de débat sur les affiches ; une évaluation finale, qui a eu lieu avant l’institutionnalisation par l’enseignant. Durant les séances sur machines, les élèves travaillaient par binômes sur des exercices de proportionnalité proposés par le logiciel Mathenpoche (http://mathenpoche.sesamath.net/). Ils devaient de plus remplir

individuellement un document papier (carnet de bord) reprenant chacun des exercices du logiciel que nous avions retenus pour la séquence. Le parcours des élèves sur l’ordinateur était choisi librement par eux parmi un grand nombre d’exercices ; ils savaient cependant qu’il y aurait en fin de séquence une évaluation sur papier durant laquelle le recours au carnet de bord était autorisé. Nous avons donc recueilli des données de diverses natures : carnets de bord, évaluations initiale et finale sur papier, suivis informatiques, et observations directes réalisées pendant les séances.

3. Résultats

Nous avons tout d’abord procédé à un bilan global des états de connaissance en fin d’expérimentation, pour chacun des six objets de savoir retenu. D’abord, à propos de l’objet « procédures », l’état-cible visé consistait à pouvoir mettre en œuvre les deux grands types de procédures de résolution d’un problème de proportionnalité : procédures de linéarité, et procédures de type « constante multiplicative ». La majorité des élèves de CM2 comme de sixième relève de l’état-cible. A propos des objets liés à la modélisation, l’état-cible domine pour l’objet « problèmes de proportionnalité », en particulier en sixième (avec, sur ce point, une différence nette entre sixième et CM2), et pour l’objet « problèmes de comparaison », en CM2 comme en sixième. En revanche, seule une minorité d’élèves relève de l’état-cible pour les problèmes plus délicats de proportionnalité simple composée (proposés seulement en sixième).

C’est dans les rapports aux objets liés au fonctionnement langagier que l’on observe la plus grande variété d’états de connaissances. Pour ceux-ci, il n’apparaît pas un état de connaissances regroupant une nette majorité des élèves. Des apprentissages ont clairement eu lieu. Par exemple, de nombreux élèves utilisent le tableau de proportionnalité. Mais cet emploi n’est pas toujours conforme aux attentes de l’institution. Il est possible que le travail sur une ressource en ligne comme celle que nous avons utilisée soit peu susceptible de conduire à des apprentissages pour des connaissances liées au fonctionnement langagier. Ceci peut être un résultat général, ou une conséquence de certaines caractéristiques du logiciel utilisé, ou du scénario d’usage associé (Guin et Trouche 2004) ; il s’agit d’une piste pour des recherches ultérieures.

Afin d’entrer plus finement dans la dynamique des apprentissages, nous avons d’une part analysé des cas particuliers d’élèves observés durant les séances de classe, et suivi les évolutions de groupes d’élèves, observables à partir des différentes traces dont nous disposions. Nous avons porté l’essentiel de notre attention sur l’intervention dans la dynamique des apprentissages de connaissances issues du travail des élèves sur le logiciel. Ceci nous conduit à retenir en particulier les constats suivants :

• Des difficultés subsistent, avec un statu quo dans les connaissances associé à des détournements du logiciel. En particulier certains élèves basent leurs stratégies de résolution des problèmes numériques sur le fait que le résultat cherché est un nombre entier, obtenu à partir de multiplications et de divisions effectuées sur les données numériques de l’énoncé. L’accès à une calculatrice, et le feed-back après une réponse fausse proposés par le logiciel ont plutôt renforcé cette stratégie.

• Des connaissances scolaires ont été renforcées et enrichies par le travail sur le logiciel dans des cas très divers, en termes d’états initiaux, de parcours et de comportements sur le logiciel. Ainsi certains élèves qui ont systématiquement consulté tous les exercices proposés, obtenant des scores médiocres, ont néanmoins progressé en fin d’expérimentation.

• Des connaissances quotidiennes ont été remplacées par des connaissances issues du travail sur le logiciel. En particulier, on pouvait observer en début d’expérimentation des rapports à l’objet « relation de proportionnalité » basés sur la croissance

simultanée de deux grandeurs : « ça augmente en même temps ». Ces rapports n’apparaissent plus après le travail sur le logiciel.

Nous considérons que l’activité des élèves sur le logiciel doit être regardée à deux niveaux : celui de la résolution d’un exercice donné, et celui du choix de parcours parmi les exercices proposés. Certains liens entre ce choix de parcours et la dynamique des apprentissages apparaissent dans notre étude. Affiner l’étude de ces liens, et des conséquences des scénarios d’usage sur les choix de parcours est un prolongement naturel de notre travail.

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. Maria Luisa Schubauer-Leoni, Francia Leutenegger, Valentina Chiesa

Millar, Florence Ligozat

Didactique Comparée – Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation Université de Genève

Étude de leçons de mathématiques et de géographie faisant appel