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Effets indésirables imputables aux inhibiteurs de l’AchE …

A) Les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase

6. Effets indésirables imputables aux inhibiteurs de l’AchE …

limitant ainsi le risque d’interaction. Les CYP ne participent que de façon mineure au

métabolisme de la rivastigmine, elle est de ce fait beaucoup moins souvent impliquée

dans des interactions médicamenteuses pharmacocinétiques contrairement au

donépézil ou à la galantamine[33]. Sa voie d’élimination est principalement rénale,

cependant aucun ajustement de posologie n’est nécessaire en cas d’insuffisance

rénale ou hépatique.

Et enfin la demi-vie de la galantamine s’estime aux alentours de 7 heures pour

le Reminyl® et de 10h pour le Reminyl LP®. Sur la dose absorbée oralement, 90%

de la galantamine est biodisponible afin de constituer une action thérapeutique, elle

se lie à 18% aux protéines plasmatiques limitant ainsi le risque d’interaction. Elle est

principalement métabolisée par le foie (> 75%), par le biais du CYP 2D6 et 3A4 d’où

de nombreuses interactions pharmacocinétiques[33]. La galantamine est excrétée

dans les urines, à la fois sous forme inchangée et sous forme de métabolites issus

de l’action des CYP. En cas d’insuffisance hépatique modérée la posologie maximale

de galantamine est de 16mg par jour, aucune adaptation de posologie n’est

nécessaire en cas d’insuffisance rénale, néanmoins la galantamine est

contre-indiquée chez le patient insuffisant hépatique sévère ou rénal sévère.

6. Effets indésirables imputables aux inhibiteurs de l’AchE

Le mécanisme pharmacodynamique des inhibiteurs de l’AchE implique aussi

l’apparition de certains EI, il s’agit principalement d’effets cholinergiques centraux

mais aussi périphériques. Le tableau 4 ci-dessous est une liste exhaustive des EI

répertoriés pour chaque anti-cholinestérasique, et classés en fonction de leur

fréquence[39].

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Donépézil Rivastigmine Galantamine

Très fréquent

(> 1 cas/10) - diarrhée, nausée - céphalées - anorexie - vertiges - nausées, vomissements, diarrhée - nausées, vomissements

Fréquent

(compris entre 1cas/10 et 1cas/100) - rhume - anorexie - hallucinations, agitation, agressivité - syncopes, vertiges, insomnie - vomissements, troubles abdominaux - rash, prurit - crampes musculaires - incontinence urinaire - fatigue, douleurs - agitation, confusion, anxiété - céphalées, somnolence, tremblements - douleur abdominale - fatigue, malaise - infection urinaire - rash

- réaction cutanée au site d’application du patch - anorexie - hallucinations, dépression - syncope, vertiges, tremblements, céphalées, somnolence - bradycardie - hypertension - douleurs abdominales, diarrhée - hypersudation - spasmes musculaires - fatigue, malaise

Peu fréquent

(compris entre 1cas/100 et 1cas/1000) - convulsions - bradycardie - hémorragie gastro-intestinale, ulcère gastrique et duodénal - insomnie, dépression - syncope, bradycardie - ulcère gastrique - déshydratation - hypersomnie - vision trouble - acouphène - hypotension - régurgitations

Tableau 4 : Enumération exhaustive des divers EI potentiellement provoqués par les trois

inhibiteurs de l’AchE[39]

La perturbation du sommeil est l’EI cholinergique central le plus commun des

anti-cholinestérasiques, il se traduit par des difficultés d’endormissement ainsi qu’un

repos perturbé par de nombreux cauchemars. Il est possible quand cela est

nécessaire de modifier le plan de prise du traitement, c'est-à-dire d’échanger la prise

vespérale par une prise le matin. De même le patient peut aussi souffrir d’états

d’agitation imputables au traitement anti-cholinestérasique, mais cette manifestation

est très variable d’une personne à l’autre.

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Les effets cholinergiques périphériques les plus fréquents sont les nausées et

vomissements ainsi qu’une possible diarrhée et anorexie sur le plan digestif.

Cependant ces effets sont généralement classés de gravité légère, ils se résolvent

spontanément en dépit de la poursuite du traitement. Il est par ailleurs conseillé que

la prise de ces médicaments soit effectuée au cours d’un repas afin de limiter ces

évènements indésirables digestifs. Les EI gastro-intestinaux sont déclenchés par une

rapide augmentation des concentrations d’anti-cholinestérasiques dans le sang et le

cerveau. La forme transdermique du patch de rivastigmine permet une libération

continue de la molécule, limitant ainsi les fluctuations de concentrations plasmatiques

retrouvées avec les formes orales. Par conséquent le patch transdermique est mieux

toléré que la forme orale, notamment au niveau digestif. Les cas de nausées et

vomissement se révélaient bien moins fréquents (soit trois fois moins) lorsque les

patients sont traités au moyen d’un patch et non de capsules orales, et cela même

lorsqu’il s’agit du patch le plus dosé[38]. Néanmoins le patch peut être responsable

d’irritations cutanées caractérisées par un érythème et un prurit, elles sont sans

gravité, afin de les éviter il est important d’alterner les sites d’application du patch.

Au niveau cardiaque la bradycardie est un phénomène couramment observé chez le

patient sous traitement anti-cholinestérasique. Ces derniers, en élevant les taux

d’acétylcholine, stimulent l’innervation parasympathique du cœur, provoquant un

effet vagotonique potentiel se traduisant par le ralentissement de la fréquence

cardiaque. Le centre régional de pharmacovigilance de Limoges a analysé

l’ensemble des notifications spontanées traitant des EI cardiovasculaires

enregistrées par la base française de pharmacovigilance, lorsque ces derniers

étaient imputables aux anti-cholinestérasiques de 1998 à 2010. Ils ont observé 395

cas d’EI cardiovasculaires et ceci chez plus de 324 patients âgés en moyenne de 81

ans : 78 % de ces EI ont été graves, dont environ 12 % avec décès. La gravité n'a

pas varié selon l'anti-cholinestérasique[55]. Ces résultats ont été confirmés lors d’un

récent travail de synthèse réalisé par Hanon et al. où une analyse détaillée de la

littérature a mis en évidence une augmentation du risque de bradycardie chez le

patient traité par un anti-cholinestérasique[56]. L’ensemble de ces données souligne

l’importance de l’évaluation de l’état cardiovasculaire du patient avant une

primo-prescription d’un anti-cholinestérasique, par le biais d’un électrocardiogramme réalisé

chez les patients ayant des antécédents cardiaques, bradycardes ou sous traitement

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bradycardisants. Ce risque cardiovasculaire induit une évidente interaction

médicamenteuse entre les inhibiteurs de l’AchE d’une part et d’autre part tous les

médicaments bradycardisants tels que les βbloquants, les inhibiteurs calciques à

tropisme cardiaque (vérapamil / diltiazem), l’amiodarone et la digoxine. Leur

association n’est pas contre-indiquée mais leur synergie d’action au niveau

cardiaque doit être prise en compte lors de la prescription. Les autres EI

cholinergiques périphériques retrouvés de façon récurrente sont les crampes

musculaires, l’incontinence urinaire, la fatigue, des céphalées, des rhinorrhées ou

encore l’apparition de rashs cutanés.

Tous ces EI sont dose-dépendants, ils surviennent majoritairement durant la phase

d’initiation du traitement lorsque la posologie de l’inhibiteur de l’AchE n’est pas

encore bien définie[30]. L’âge, les éventuelles pathologies associées et la

consommation d’autres molécules agissant sur le SNC sont des facteurs

prédisposant à l’apparition d’un EI[42]. Nous allons à présent analysé quelques

études portant sur la tolérance des anti-cholinestérasiques afin de mieux connaitre

leur utilisation dans les conditions dites cliniques.

Tout d’abord, une méta-analyse menée par le chercheur Hansen[46],

regroupe 26 études différentes (publiées entre 1996 et 2006), elle se concentre sur

la sûreté des trois inhibiteurs de l’AchE. Parmi l’ensemble des patients inclus, 76%

ont fait l’expérience d’au moins un EI, les plus fréquemment retrouvés sont en

général les troubles gastro-intestinaux : les nausées (24%), les vomissements (14%),

la diarrhée (8%), les douleurs abdominales ainsi que la perte de poids (10%). La

fréquence de ce type de troubles est en général plus faible pour le donépézil par

rapport à la rivastigmine. L’étude a révélé que ces effets apparaissaient

majoritairement durant la phase d’initiation du traitement et disparaissaient quelques

jours après. De même certains cas d’évènements indésirables centraux ont été

rapporté tels que des sensations de vertiges (10%), confusion, agitation, insomnie et

céphalées. Il y eut de plus de rares cas d’infections urinaires et de bradycardie

grave[46]. Une autre large méta-analyse[57] a regroupé 40 études soit 9 882 sujets,

les risques de survenue de chutes, de syncopes, et d’effets indésirables ont été

analysés. Il est noté une augmentation du risque de syncope, mais non de chutes ni

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de fractures. L’analyse de la littérature ne permet pas de connaître l’origine des

syncopes, dont les étiologies sont souvent multifactorielles chez la personne âgée.

Ensuite nous prenons l’exemple d’une étude de cohorte italienne[49], où les 9

mois d’observation ont permis de démontrer que les EI les plus fréquents lors de

l’utilisation d’un anti-cholinestérasique sont les troubles gastro-intestinaux (résultats

rejoignant ceux de la méta-analyse de Hansen) et les troubles psychiatriques. De

plus cette étude révèle que les patients traités par la rivastigmine et la galantamine

apparaissent comme la population la plus sensible aux EI. En effet 19% des patients

du groupe rivastigmine et 24% du groupe galantamine ont fait l’expérience d’au

moins un EI durant l’étude, alors que seulement 13% des patients du groupe

donépézil sont concernés par cette situation. La principale différence réside dans la

proportion des EI gastro-intestinaux, représentant 6% des cas pour le groupe

donépézil, 14% pour le groupe rivastigmine et 24% pour la galantamine. De plus la

sûreté du donépézil par rapport aux deux autres anti-cholinestérasiques est aussi

confirmée par une récente étude publiée en 2015[58], celle-ci se base sur les

données américaines et canadiennes de pharmacovigilance dans le but de

déterminer quel inhibiteur de l’AchE est le plus concerné dans les notifications

spontanées de décès. Ces travaux ont révélé de façon significative que les cas

d’apparition d’EI et de décès étaient plus fréquents pour la rivastigmine par rapport

au donépézil et à la galantamine. Aux États-Unis les chercheurs ont relevé 995

décès sous rivastigmine, 95 décès sous donépézil et 126 décès sous galantamine

(p<0.0001). Cependant la pertinence de ces résultats est limitée par le fait qu’on ne

peut pas les comparer au nombre total de prescriptions d’anti-cholinestérasique, en

effet ce genre de données n’est pas accessible au public.

Le donépézil demeure une option sûre de prescription, en effet il a beaucoup

d’avantages : une prise par jour donc des conditions d’administration simples,

aucune toxicité hépatique et un bon profil de tolérance (comme l’indique les deux

précédentes études[46][49]), une dose efficace d’emblée (5 mg par jour) bien que la

dose optimale soit de 10 mg par jour. La prise vespérale peut parfois être à l’origine

de cauchemars, il est dans ce cas recommandé de le prendre le matin au moment du

petit-déjeuner.

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