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a Effets du goulot d'étranglement sur la diversité génétique…

IV.4 Le peuplement amérindien de Guyane française: éléments de

IV.4.3. a Effets du goulot d'étranglement sur la diversité génétique…

En premier lieu, nous devons préciser qu'à l'inverse des populations australes de Terre de Feu, les haplogroupes présents chez les Emerillon (A et B) ne sont pas ceux observés chez les Palikur (B et D). Le modèle de la Guyane française diffère donc de celui de la Terre de Feu qui propose une mise en place en commun de ces populations (Lalueza et al., 1997; Moraga et al., 2000). L'histoire biologique des Palikur serait donc indépendante de celle des Emerillon.

Par ailleurs, étant donné que la taille des effectifs mitochondriaux est égal au quart de celui des gènes nucléaires, la perte de certains génomes mitochondriaux par le hasard pourrait être envisagée (Dornelles et al., 2004). Cependant, en ce qui concerne l'ADN mitochondrial, l'effectif Emerillon est identique à celui des Kaliña (30 et 29 lignées) et celui des Palikur est même supérieur (48), ce qui n'empêche pas leur variabilité d'être nettement plus faible. De plus, pour les marqueurs sanguins (Bonnet, 1990), les Palikur et les Emerillon se comportent de la même manière (différenciation génétique), ce qui suggère que la faible diversité génétique observée pour l'ADN mitochondrial ne vient pas du marqueur lui-même, mais que l'ensemble des pools géniques Emerillon et Palikur a été sensible à des facteurs plus certainement d'ordre évolutifs que mathématiques.

L'un de ces facteurs nous est suggéré par les données démographiques qui, pour les Palikur et les Kaliña, remontent jusqu'en 1604. Ces données nous donnent donc un aperçu de ce qu'a été l'évolution des groupes indiens de Guyane dans leur période post-coloniale. Le Tableau 25 présente les effectifs estimés de quatre populations de Guyane française et d'un groupe Karib du nord de l'Etat de l'Amapá (Apalaí) à partir desquels les coefficients de corrélation rs de Spearman ont été calculés pour différents indices de diversité (Tableau 26).

Quand les cinq populations sont prises en compte, le Tableau 26 montre une relativement bonne corrélation entre les divers indices de diversité génétique et leur taille actuelle. Cet aspect affirmerait notamment que l'image biologique actuelle des groupes indiens de Guyane et du Nord de l'Amapá est fortement influencée par le statut démographique de ces mêmes groupes, par exemple la croissance démographique des Kaliña entamée dès 1848 (250 à 1550 individus, Tableau 6 et Figure 19).

H h Pw D π Effectifs minimaux 0,3 0,8 0,5 0,5 0,5 Effectifs récents 0,3 0,6 0,7 0,7 0,7

Sans les Palikur Effectifs minimaux 0,9 0,9 0,7 0,7 0,7

Effectifs récents 0,9 0,9 1 1 1

Par ailleurs, quels que soient les effectifs considérés, l'analyse de corrélation associe l'effectif Emerillon avec les indices de diversité les plus faibles. En effet, à l'image de l'ensemble du continent sud-américain, l'histoire de la Guyane française est marquée par de fortes crises épidémiques importées de l'Ancien Monde, qui ont provoqué la décimation des groupes indiens (Grenand et Grenand, 1979). Les Emerillon spécialement, ressortent des registres puisqu'ils échappent de justesse à l'extinction quand ils ne sont plus que 52 individus dans les années 1950, il y a seulement 2 générations (Tableau 6 et Figure 19). Les Emerillon atteignent là le seuil de la dérive génétique. Les goulots d'étranglement étant caractérisées par l'élimination de nombreux sujets (ou génomes), nous pouvons imaginé ce qu'il a du advenir des lignées mitochondriales qui devaient constituer cette population (Mazières et al., 2006 [Annexe 2]). Effectifs Minimaux Effectifs entre 1977et 1985 Emerillon 52 218 Palikur 220 945 Kaliña 250 1550 Wayampi 212 910 Apalai 280 254

Tableau 25. Effectifs minimaux et récents de cinq populations de l'aire guyanaise. D'après Grenand et Grenand, 1979; Salzano et al., 1988).

Tableau 26. Coefficients de corrélation rs de Spearman

entre différents indices de diversité génétiques (Tableau 19) et les effectifs des populations analysées de l'aire guyanaise (Tableau 25). H: variabilité génétique pour les systèmes sanguins; h: variabilité génétique pour les haplogroupes mitochondriaux; Pw: nombre de différences nucléotidiques entre paire d'haplotypes HVI; D: diversité haplotypique; π: diversité nucléotidique.

IV.4.3.b Effets de l'exogamie de clan sur la diversité génétique

Lors de la description des populations en 3ème PARTIE nous avons vu que des généalogies Palikur émane une structure sociale constituée de clans, à l'intérieur desquels les mariages sont considérés comme incestueux. En effet, l'organisation clanique ne permet que l'exogamie de clan (unions entre membres de clans différents). De même, les unions impliquant une personne étrangère à la "nation" Palikur sont discréditées. Rostain (1994) a d'ailleurs noté que les ancêtres des Palikur, les artisans de la culture céramique Aristé, étaient déjà réfractaires à l'intrusion d'étrangers. Enfin, parmi les populations alentours, il est très improbable de voir s'unir les Palikur et les Kaliña étant donné l'hostilité de leurs relations (Grenand et Grenand, 1987). Par conséquent, les données généalogiques, archéologiques et culturelles s'accordent à dire que les échanges géniques entre les Palikur et les groupes périphériques sont très limités, voire inexistants.

Pour rendre compte de l'effet de l'endogamie de population pratiquée par les Palikur, les coefficients de corrélations de Spearman ont été recalculés en retirant cette population (lignes inférieures du Tableau 26). De manière fort intéressante, les indices rs augmentent jusqu'à des valeurs maximales pour certains indices de diversité. Cette variation des coefficients de Spearman suggère donc que la diversité génétique des Palikur ne suit pas totalement un modèle démographique, qui chez les autres populations, tend à diminuer la variabilité génétique au fur et à mesure que les effectifs diminuent, disons de manière linéaire.

La Figure 47 représente l'évolution graphique de quatre composantes à transmission maternelle dans une population endogame constituée de 7 sous-populations uniquement exogames. De manière fort intéressante, cette approche informatique montre une dérive linéaire et indépendante de chaque composante, avec principalement la perte à terme de deux d'entre elles. Cette simulation démontre surtout que l'exclusive exogamie de clan pratiquée chez les Palikur et l'endogamie qu'elle suscite vis-à-vis des autres populations ont certainement favorisé le maintien d'allèles tels que KM*1,2, GM*1,2,17;21* ou Hp*1 (Larrouy et al., 1964a-b; Bonnet, 1990; Mazières et al., [soumis pour publication]) comme celui des lignées mitochondriales B et D au détriment de A et C (Mazières et al., 2006), ce que reproduit pleinement ici la Figure 47.

Toutefois, il convient de préciser que cette simulation informatique est pour l'instant une approche préliminaire réalisée pour ce travail. Le lecteur aura notamment remarqué une diminution de l'effectif que nous devrons contenir si ces méthodes d'analyse sont poursuivies. De nombreux facteurs méritent d'être donc testés. Le nombre moyen d'enfants par génération par exemple, mais surtout les fréquences initiales des quatre composantes.

0,00 0,10 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0 10 20 30 40 50 60 70

Figure 47. Moyenne sur 50 simulations de la variation de fréquences de quatre composantes

génétiques à transmission maternelle. Pour stabiliser dans la mesure du possible la démographie de cette population modèle, une moyenne de 2 enfants par générations a été appliquée. En abscisse, le nombre de générations (g) et le nombre de sujets (N). En ordonnées, les fréquences en % des quatre composantes. Simulation réalisée par le Pr. Telmon. 1100 870 690 540 400 2100 290 190 % g N

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