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Chapitre 2 : Toxicité et Biomarqueurs 1 INTRODUCTION

3.1. Effets des insecticides sur la morphométrie des ovaires:

Chez les insectes, la reproduction comprend des étapes successives et interdépendantes, de la détermination du sexe jusqu’à l’oviposition, qui sont toutes réglées principalement par des facteurs hormonaux incluant les ecdystéroïdes, l’hormone juvénile, et également les neurohormones qui ont des effets gonadotrophiques et antigonadotrophiques (Bellés, 1995 ; Gäde & Hoffmann, 2005).

Les hormones de mue (ecdystéroïdes) jouent un rôle majeur dans le développement et la reproduction chez les insectes (Gäde & Hoffman, 2005 ; Lafont et al., 2005). Les ecdystéroïdes permettent également la maturation du système reproducteur mâle (Loeb & Hakim, 1991) et la production des spermatozoïdes (Seth et al., 2002 ; Kawamura et al., 2003). Enfin, ils ont également pour fonction de synchroniser la maturation sexuelle avec l’initiation des comportements précopulatoires en vue de réaliser l’accouplement (Barth & Lester, 1973).

Chez toutes les espèces de Blattes, la vitéllogénèse et la maturation cyclique des ovocytes dépend de la JH III dont la synthèse est effectuée par les corps allates (Scharrer, 1987). Toute absorption d’hormones exogènes ou d’analogues de synthèse (agonistes ou antagonistes) par l’insecte cible, entraînerait l'interruption de son développement ou des anomalies dans sa croissance (Dhadialla et al., 2005).

Nos expérimentations chez B. orientalis ont mis en évidence une perturbation de la reproduction après application de trois insecticides, l’azadirachtine, le spinosad et l’acide borique. L’azadirachtine administrée par voie topique et l’acide borique par ingestion, réduisent significativement le nombre d’ovocytes par paire d’ovaires chez les femelles de

B. orientalis au cours du premier et deuxième cycle gonadotrophique, mais aucun effet

n’est observé après application topique du spinosad. De plus, l’acide borique est la molécule qui présente des effets plus marqués comparativement aux autres, avec des effets doses dépendants. Les trois insecticides appliqués réduisent également le volume de l’ovocyte basal chez cette même espèce à 2, 4 et 6 jours au cours du premier et deuxième cycle.

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Chez les séries témoins de B. germanica, le nombre d’ovocytes augmente à 2 jours puis diminue à partir du quatrième jour après dépôt de l’oothèque. Cette diminution du nombre d’ovocytes peut s’expliquer par le début de la ponte qui a lieu généralement entre 4 et 6 jours (Schal et al., 1997). L’application topique du spinosad ne montre aucun effet significatif sur le nombre d’ovocytes et le volume de l’ovocyte basal. Par contre, l’application de l’azadirachtine par voie topique et l’acide borique par ingestion, induit une diminution de ces deux paramètres au cours du deuxième cycle gonadotrophique. Cependant, au cours du premier cycle gonadotrophique, l’azadirachtine (Messiad, 2006), et le spinosad, (Maiza et al., 2010 ; 2013), réduisent le nombre d’ovocytes et la taille de l’ovocyte basal chez B. germanica. L’azadirachtine, anti-ecdystéroïde et anti-HJ (Schmutterer, 1997 ; Butterworth & Morgan, 1968) est présentée comme ayant un effet stérilisant et antioviposition (Saxena et al., 1981) mais aussi un impact sur la régulation de la croissance (Redfern et al., 1982). Des résultats similaires ont été obtenus chez Labidura

riparia (Dermaptère), en induisant une réduction du développement ovarien (Mordue et al., 2005), Anopheles stephensi en bloquant l’ovogénèse (Lucantoni et al., 2006) et chez Phormia terrae nova (Burkhad, 1989), B. cucurbitae et B. dorsalis en réduisant la taille et le

poids des ovaires (Mahfuza et al., 2007). Ce régulateur de croissance a probablement plusieurs sites d’action, et son efficacité dépend de l’espèce, du stade et de la période d’exposition au traitement (Koul et al., 1987 ; Koul & Isman, 1991 ; Huang et al., 2004). L’azadirachtine perturbe la division cellulaire, bloque la libération des peptides neurosécrétoires, et inhibe la formation des spermatozoïdes et la synthèse des protéines (Mordue et al. 2005). L’azadirachtine affecte le taux des ecdysteroides et de l’hormone juvénile via le blocage de la libération de l’hormone peptide morphogénétique et provoque des effets histopathologiques dans la plupart des tissus de l’insecte (Meurant et al., 1994 ; Sayah, 2002) tels que le tissu reproducteur et les cellules épithéliales intestinales (Sayah et

al., 1996).

L’application du spinosad provoque une diminution de la taille des œufs et de la fécondité chez S. littoralis (Pineda et al., 2007) et chez Ceratitis capitatae (Adan et al., 1996). Par contre, appliqué sur certains insectes prédateurs, tels que Chrysoperla carnea (Medina et

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la reproduction et les paramètres de développement. Le mécanisme par lequel le spinosad agit sur le potentiel reproducteur chez H. axyridis est inconnu (Galvan et al., 2005).

La réduction des paramètres morphométriques chez les blattes a été rapportée avec les régulateurs de croissance comme le pyriproxyfène, analogue de l’HJ (Kawada, 1988), l’halofenozide, agoniste des ecdystéroïdes, le benfuracarbe, carbamate (Maiza et al., 2004) et l’acide borique, (Kilani-Morakchi et al., 2009 ab). Par contre, l’application topique du méthoprène augmente la taille de l’ovocyte basal chez cette même espèce (Maiza et al., 2004).

Des perturbations de la morphométrie des ovaires ont été également rapportées chez

Spodoptera littoralis (Smagghe & Degheele, 1992), Spodoptera exempta (Smagghe & Degheele,

1994), Mamestra brassicae et Pieris brassicae (Darvas et al., 1992), traités avec le RH-5849 et le tébufénozide, agonistes de l’hormone de mue et chez Ephestia kuehniella traitée au tébufénozide (Khebbeb et al., 2008 ; Bouzeraa & Soltani-Mazouni, 2012) et au méthoxyfénozide ( Soltani-Mazouni et al.,, 2012). Le KK-42, inhibiteur des ecdystéroides (Soltani et al., 1997 ; Soltani-Mazouni et al., 2001 ; Amrani et al., 2004), le diflubenzuron, inhibiteur de la synthèse de la chitine (Soltani-Mazouni, 1994), (Soltani-Mazouni et al., 2001 ; Taibi et al., 2003), causent aussi des anomalies morphométriques sur leur ovaires.

De la même manière, plusieurs régulateurs de croissance (RH-2485, RH-0345 et pyriproxyfène) testés sur les myriapodes chilopodes entraînent une perturbation de la reproduction en affectant les paramètres morphométriques de l’ovocyte mature ainsi que la structure fine de l’ovocyte (Daas et al., 2005).

La diminution du nombre d’ovocytes et le blocage dans le développement des ovocytes sous l’effet des diverses molécules testées pourrait s’expliquer par des interférences de ces molécules avec les processus de régulation des taux d’hormone juvénile ou des ecdystéroides responsables de la stimulation de la vitellogénèse et le développement ovarien. En effet, les deux molécules appliquées, l’acide borique et le spinosad, exercent un effet neurotoxique chez B. orientalis, conduisant probablement à des effets secondaires sur les processus de régulation endocrine. Ces molécules pourraient agir sur les neurohormones contrôlant les ovaires et la ponte, conduisant ainsi à une perturbation dans la migration des ovocytes.

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