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Partie II. Science et considérations techniques

9.4 Mode d’action

9.4.1 Effets non cancérogènes

9.4.1.1 Effets sur la méthémoglobinémie

L’action du nitrate et nitrite mise en cause dans la méthémoglobinémie chez les humains et les animaux de laboratoire comporte les événements clés suivants :

1. Réduction du nitrate en nitrite : Comme nous l’avons décrit à la section 8.3, des

micro-organismes dans la salive et le tube digestif réduisent le nitrate exogène en nitrite chez les humains et la plupart des animaux de laboratoire, sauf les rats, où ce processus est

déficient. En outre, des changements élevant le pH intestinal à un niveau plus neutre favorisent la croissance de micro-organismes et, partant, la réduction du nitrate en nitrite. Chez les nourrissons, le pH variable de l’estomac (2-5) peut permettre la croissance de bactéries réductrices de nitrate (Zeman et coll., 2002) et ainsi accroître le risque chez le nourrisson de former de la méthémoglobine.

2. Oxydation de l’hémoglobine en méthémoglobine : L’action essentielle dans la formation de méthémoglobine est l’oxydation de l’ion ferreux de l’hémoglobine en ion ferrique, qui peut se faire par l’action directe d’oxydants, l’action de donneurs d’hydrogène en présence d’oxygène ou d’une auto-oxydation. En présence de nitrite, l’oxydation est directe (Gupta et coll., 1999). La formation de méthémoglobine était évidente tant chez les humains (> 100 mg NO3/L; section 9.1.1) que chez les animaux de laboratoire (250 mg NO2/L; section 9.2.2.1). À

l’origine, on avait indiqué qu’une plus forte proportion de l’hémoglobine chez le nourrisson se transforme plus rapidement en méthémoglobine, ce qui contribue à accroître la susceptibilité de ces sujets. L’hémoglobine fœtale a cependant le même potentiel d’oxydation/réduction et la même vitesse d’auto-oxydation que l’hémoglobine des adultes; elle ne contribue donc pas probablement à accroître la susceptibilité des nourrissons (Avery, 1999).

3. Réduction insuffisante de la méthémoglobine : Normalement, la méthémoglobine (Hb3+) qui se forme peut être réduite en hémoglobine (Hb2+) par la réaction suivante : Hb3+ +

cytochrome b5 réduit → Hb2+ + cytochrome b5 oxydé, où le cytochrome b5 réduit est produit par la NADH-cytochrome b5-méthémoglobine réductase (Gupta et coll., 1999). Une

comparaison de l’activité NADPH-méthémoglobine réductase chez les rats et les humains a révélé que cette activité est 10 fois plus importante dans le sang de fœtus de rat que dans le sang de rate gravide ou le sang de cordon humain; cette activité était 1,5 fois plus grande dans le sang de femmes enceintes que dans le sang de cordon humain (NAS, 1981). De plus, le développement du système NADH-méthémoglobine réductase du nourrisson est incomplet; ce n’est que vers l’âge de 6 mois que le nourrisson commence à atteindre le taux propre aux adultes pour cette enzyme (Avery, 1999; Gupta et coll., 1999; Knobeloch et coll., 2000; Sanchez-Echaniz et coll., 2001). Ainsi, une quantité et une activité relativement plus faibles de la NADPH-méthémoglobine réductase chez les nouveau-nés humains contribuent probablement à leur susceptibilité à la méthémoglobinémie.

4. Pourcentage accru d’hémoglobine sous forme de méthémoglobine dans le sang : Dans des conditions normales, moins de 2 % de l’hémoglobine circule dans le sang sous forme de méthémoglobine (Fan et coll., 1987). Comme la méthémoglobine ne peut se lier à l’oxygène, des symptômes de méthémoglobinémie apparaissent tant chez les humains (voir la

d’hémoglobine augmente (> 10 % dans le sang). La méthémoglobinémie clinique est définie par un taux supérieur à 2 % de méthémoglobine dans le sang. Les symptômes cliniques ne se manifestent cependant que lorsque le taux de méthémoglobine dans le sang atteint 3 à 15 % de l’hémoglobine totale (Avery, 1999; Zeman et coll., 2002). Selon le taux de méthémoglobine, divers systèmes et appareils peuvent être atteints : taux entre 10 et 20 %, cyanose centrale des membres/du tronc (coloration bleue de la peau); entre 20 et 45 %, dépression du système nerveux central (céphalées, étourdissements, fatigue et léthargie), dyspnée et cyanose; entre 45 et 55 %, coma, arythmies, état de choc, convulsions, cyanose, dyspnée, désorientation et hypoxie tissulaire; plus de 60 %, risque élevé de décès (Knobeloch et coll., 2000; Fewtrell, 2004).

5. Production d’oxyde nitrique : Un autre mode d’action a été proposé dans certaines études : la formation endogène de nitrite entraînée par la surproduction d’oxyde nitrique par les tissus qui sont enflammés à la suite d’une infection bactérienne peut être une cause notable de

méthémoglobinémie chez les nourrissons, plus importante en fait que l’ingestion de nitrate (Hegesh et Shiloah, 1982; Avery, 1999). Les nourrissons souffrant d’une diarrhée et d’une méthémoglobinémie (sans exposition à de l’eau contaminée par du nitrate) excrètent chaque jour jusqu’à 10 fois plus de nitrate qu’ils en ingèrent dans les aliments et l’eau (Hegesh et Shiloah, 1982; Avery, 1999). Le mode d’action proposé est le suivant : de l’oxyde nitrique est formé par plusieurs tissus en réponse à une infection bactérienne et à l’inflammation. Le métabolisme de l’oxyde nitrique produit du nitrite et accroît l’expression de l’ARN messager codant l’oxyde nitrique synthase inductible qui se traduit par la présence de nitrate et de nitrite dans les selles et le plasma. Cette production de nitrite peut être suffisante pour surcharger le système de réduction de la méthémoglobine sous-développé chez les nourrissons, ce qui entraîne une élévation des taux de méthémoglobine et par la suite des signes cliniques de méthémoglobinémie à des taux de méthémoglobine plus élevés. La méthémoglobinémie est apparemment un effet secondaire bien connu du traitement par l’oxyde nitrique contre le syndrome de détresse respiratoire aiguë et l’hypertension pulmonaire persistante chez les nouveau-nés (Avery, 1999).

9.4.1.2 Effets sur la thyroïde

La perturbation des hormones thyroïdiennes peut provoquer de nombreux effets indésirables, notamment des tumeurs de la thyroïde et des malformations congénitales. Les humains ne développent pas cependant de carcinomes de la thyroïde par suite d’une diminution des taux de T3 et de T4 parce qu’ils sont moins susceptibles que les rongeurs aux effets de la TSH sur la prolifération des cellules thyroïdiennes (Crofton, 2008). Attardons-nous donc sur les événements clés du processus par lequel le nitrate et le nitrite causent des effets sur la thyroïde et, par la suite, des malformations congénitales chez les humains et les animaux de laboratoire : 1. Inhibition de l’absorption de l’iode par la thyroïde : Le nitrate ingéré inhibe l’absorption par la

thyroïde de l’iodure en circulation dans le sang en se fixant au NIS à la surface des cellules folliculaires de la thyroïde (Greer et coll., 2002). L’organification est un processus complexe sous dépendance enzymatique dans lequel l’iodure est oxydé et fixé aux résidus tyrosyl à l’intérieur de la thyroglobuline, pour former en bout de ligne les hormones thyroïdiennes T3 et T4. Si l’absorption de l’iodure est suffisamment inhibée, la formation des hormones

thyroïdiennes est réduite. Le NIS transporte également l’iodure à travers les membranes de certains tissus non thyroïdiens; par exemple, dans la glande mammaire durant la lactation, l’iodure peut être transféré de la mère au nourrisson (Kirk, 2006). La cinétique de l’inhibition par le nitrate/nitrite de l’absorption de l’iodure chez les humains et les animaux de laboratoire n’a pas été décrite.

D’autres contaminants de l’eau potable sont également des inhibiteurs de l’absorption de l’iodure. La puissance relative du perchlorate pour inhiber l’absorption de l’iodure radioactif par le NIS humain est de 15 fois celle du thiocyanate, 30 fois celle de l’iodure et 240 fois celle du nitrate, sur une base de concentration molaire (Tonacchera et coll., 2004). Il importe de noter que Tonacchera et coll. ont signalé une simple interaction compétitive comme mode d’action de ces ions, plutôt qu’une synergie ou un antagonisme. Le nitrite ne sont pas

transportés par le NIS (Eskandari et coll., 1997) et n’interviennent donc pas dans cet effet toxique sur la thyroïde. Se basant sur ces puissances molaires relatives, De Groef et coll. (2006) ont calculé que le nitrate et les thiocyanates, ingérés dans l’eau potable ou les aliments, sont responsables d’une beaucoup plus grande part de l’inhibition de l’absorption de l’iodure que les perchlorates. Seule une étude sur l’absorption de l’iodure par la thyroïde après une exposition au nitrate a cependant été publiée (Hunault et coll., 2007) et elle n’a relevé aucun effet significatif sur l’absorption thyroïdienne chez 10 volontaires humains qui avaient reçu une dose de nitrate de sodium de 15 mg/kg pc (équivalant à 10,9 mg de

nitrate/kg pc) dans 200 mL d’eau potable pendant 28 jours.

2. Changements de la T3 et de la T4 dans le sérum : La réduction de la formation d’hormones thyroïdiennes, secondaire à l’inhibition de l’absorption de l’iodure par la thyroïde entraîne une diminution de la sécrétion des hormones thyroïdiennes dans la circulation. De plus faibles concentrations d’hormones thyroïdiennes dans le sérum peuvent activer le mécanisme de rétroaction sur l’axe HPT, ce qui provoque une augmentation de la sécrétion de TSH, qui à son tour signale à la thyroïde de produire plus d’hormones thyroïdiennes. Lorsque

l’absorption d’iodure est inhibée, la production d’hormones thyroïdiennes peut être

insuffisante. On ignore à quels niveaux la synthèse d’hormones thyroïdiennes doit être réduite pour qu’il y ait un impact sur les taux d’hormones thyroïdiennes dans le sérum et que des effets indésirables apparaissent chez les humains ou les animaux de laboratoire. Ce qu’on sait, c’est que des rats qui reçoivent la même dose du composé antithyroïdien propylthio-uracile présentent une réduction importante des taux d’hormones thyroïdiennes en circulation plus tôt que les humains; la demi-vie sérique de la T4 est de 7 à 10 jours chez les humains (Vulsma et coll., 1989; Greer et coll., 2002), mais seulement de un jour chez les rats (Zoeller et Crofton, 2005). En outre, la thyroïde chez les humains adultes emmagasine une grande quantité d’hormones thyroïdiennes, peut-être une provision de plusieurs mois (Greer et coll., 2002). Chez le nouveau-né humain, la demi-vie sérique de la T4 est d’environ 3 jours (Vulsma et coll., 1989), et les réserves intrathyroïdiennes de T4 équivalent, selon les estimations, à moins de 1 jour (Zoeller et Crofton, 2005). Comme la demie-viedes hormones thyroïdiennes (HT) est plus courte chez les nouveau-nés et les rats, ceux-ci doivent produire une plus grande quantité d’HT et doivent donc absorber une plus grande quantité d’iodure. Les nouveau-nés et les rats sont ainsi plus sensibles aux inhibiteurs de l’absorption que les humains adultes. D’autre part, la conversion de nitrate en nitrite chez les rats étant limitée, ces derniers ont plus de nitrate pour inhiber le NIS. L’effet indésirable ultime sera néanmoins similaire chez les humains et les rats.

Bien que la TSH soit un biomarqueur bien établi de l’hypothyroïdie, un certain nombre de

xénobiotiques altèrent les taux d’hormones thyroïdiennes en circulation, mais non les taux de TSH. Le biomarqueur le plus couramment utilisé de l’effet de l’exposition à des perturbateurs thyroïdiens chimiques est la concentration sérique de T4 totale (De Vito et coll., 1999; Zoeller et coll., 2007). Les hormones thyroïdiennes sont des molécules qui ont été conservées au cours de l’évolution et qui sont présentes chez tous les vertébrés (Heyland et Morez, 2005). Aucune différence selon l’espèce dans les taux sériques de T4 totale et aucun effet indésirable qui pourrait en résulter n’ont cependant été signalés.

Chez les humains, très peu d’études ont mesuré les taux d’hormones thyroïdiennes dans le plasma après une exposition au nitrate. L’étude la plus pertinente a fait état d’une

augmentation de 4 % des concentrations de TSH et n’a signalé aucun changement dans les taux de T4 totale ou de T3 libre chez 324 enfants exposés à 51-274 mg/L de nitrate

comparativement à 168 enfants exposés à moins de 2 mg/L de nitrate dans leur eau potable (Tajtakova et coll., 2006; Radikova et coll., 2008). Par ailleurs, Hunault et coll. (2007) n’ont relevé aucun effet significatif sur les concentrations plasmatiques d’hormones thyroïdiennes chez 10 volontaires humains qui avaient reçu 15 mg/kg pc/jour de nitrate de sodium dans 200 mL d’eau potable (équivalant à 10,9 mg NO3/kg pc/jour) pendant 28 jours. Comme les humains peuvent emmagasiner une provision de plusieurs mois d’hormones thyroïdiennes, il se peut cependant que l’étude de Hunault et coll. (2007) ne porte pas sur une période assez longue pour qu’on puisse détecter des changements dans les taux d’hormones thyroïdiennes. Chez des rats, l’exposition à 150 mg/L de nitrate de potassium (équivalant à 92,1 mg NO3/L) dans l’eau potable pendant 5 mois a réduit les taux plasmatiques de T3 de 34 % et ceux de T4 de 12% (la réduction était proportionnelle à la dose; se reporter à la section 9.2.3).

Le point de réglage, c’est-à-dire le niveau auquel s’effectue la régulation des hormones thyroïdiennes est très personnel, et les différences dans le point de réglage sont en grande partie déterminées par la génétique (Anderson et coll., 2002, 2003; Hansen et coll., 2004). La variation dans les taux sériques de T3, de T4 et de TSH chez les individus équivaut à environ la moitié de la variance dans la population (Anderson et coll., 2002). Des études ont mis en évidence un risque élevé de maladies cardiovasculaires chez les patients ayant des taux élevés de TSH et des taux normaux de T4; à l’inverse, d’autres études ont fait ressortir une

association entre les perturbateurs thyroïdiens et des diminutions des taux de T4 sans élévations des taux de TSH (Miller et coll., 2009). Une valeur située à l’intérieur des

« normales » standard n’est donc pas nécessairement normale pour une personne, et un taux élevé de TSH (réponse logarithmique à des changements mineurs dans les taux de T3 et de T4) devrait être interprété comme une indication que les taux sériques de T3 et de T4 ne sont pas normaux pour cette personne (Anderson et coll., 2002). Il peut donc être difficile d’identifier d’autres sous-populations sensibles et des associations entre les perturbateurs thyroïdiens et les effets indésirables du fait qu’on peut repérer un risque chez des personnes ayant des taux de T4 qui se situent dans la fourchette normale pour la population mais qui ne sont pas normaux pour elles. Toute exposition qui entraînerait une altération de l’homéostasie des hormones thyroïdiennes dans une population mériterait donc d’être évaluée plus à fond (Miller et coll., 2009).

3. Changements de la T3 dans les tissus : Les tissus périphériques contiennent des déiodinases, qui convertissent la T4 en T3. Les activités biologiques des hormones thyroïdiennes sont influencées par la T3 qui se lie aux récepteurs nucléaires, lesquels agissent ensuite comme transducteurs de signaux et comme facteurs de transcription pour exercer leurs divers effets biologiques. Les hormones thyroïdiennes régulent la transcription de nombreuses protéines et contrôlent la migration, la différenciation et la modélisation du processus apoptotique des neurones (Kirk, 2006). Les mécanismes par lesquels les hormones thyroïdiennes agissent par l’intermédiaire des récepteurs nucléaires pour altérer l’expression génétique sont très

conservés d’une espèce à l’autre (études signalées dans Miller et coll., 2009).

La stimulation chronique de la thyroïde par la THS peut entraîner des changements

prolifératifs dans les cellules folliculaires et aboutir à une hypertrophie, à une hyperplasie et à une hypothyroïdie (Capen, 1997; Tonacchera et coll., 2004; De Groef et coll., 2006;

Vanderpas, 2006). Les animaux de laboratoire et les humains adultes sont relativement résistants aux effets indésirables de l’altération de la production d’hormones thyroïdiennes, car l’axe HPT peut compenser dans une très grande mesure une réduction de production. Si

l’exposition au nitrate/nitrite est suffisamment forte pour surmonter ce mécanisme de compensation, si elle persiste assez longtemps pour épuiser les réserves d’hormones thyroïdiennes dans la thyroïde ou si elle est combinée à une exposition à d’autres

perturbateurs thyroïdiens chimiques, en même temps qu’il y a des carences alimentaires en iodure, une hypothyroïdie ou une hypertrophie de la thyroïde risquent de survenir. En outre, la grossesse mobilise davantage les ressources de la thyroïde, et l’hypothyroïdie est deux fois plus fréquente chez les femmes enceintes (Aoki et coll., 2007).

Chez les humains, l’exposition au nitrate dans l’eau potable à des concentrations égales ou supérieures à 50 mg/L a résulté en une augmentation du volume de la thyroïde, des taux de thyroperoxydase et de l’incidence du goitre (se reporter à la section 9.1.2.1). Chez des rats, l’exposition à des doses de 50 mg/L de nitrate de sodium (équivalant à 36,45 mg NO3/L) et plus pendant 30 semaines a été associée à une augmentation du poids de la thyroïde (se reporter à la section 9.2.3).

4. Altération du développement et malformations congénitales : Un déficit modéré ou même transitoire en hormones thyroïdiennes peut causer certains troubles du développement chez les rongeurs et les humains. Par exemple, de petites différences dans des estimations ponctuelles des taux maternels de T4 au début de la période fœtale sont associées à des issues défavorables (p. ex. réduction des scores pour le quotient intellectuel), même si ces déficits ne constituent pas une hypothyroïdie clinique (de nombreuses références dans Miller et coll., 2009). Il importe de noter que les effets sur l’organisme en développement résultent de baisses dans les taux tissulaires de T4 ou de T3, indépendamment du taux de TSH (Crofton, 2008). Outre le degré d’insuffisance thyroïdienne, la période de développement où s’est produit cette

insuffisance et la durée de la perturbation jouent un rôle important (Kirk, 2006; Miller et coll., 2009).

Les hormones thyroïdiennes sont essentielles au développement neurologique, à la

croissance du squelette et au fonctionnement normal du système pulmonaire, du métabolisme, du rein, de l’appareil cardiovasculaire et des lipides sériques (Kirk, 2006; De Escobar et coll., 2008; Woodruff et coll., 2008; Miller et coll., 2009). Une hypothyroïdie bénigne entraîne, entre autres, un malaise général, une inertie ainsi qu’une baisse de la fréquence cardiaque et de la capacité thermique du corps. Par contre, même une perturbation transitoire de la synthèse des hormones thyroïdiennes peut induire des effets indésirables persistants sur les capacités cognitives et sensorielles si elle survient durant des périodes critiques du

développement fœtal et postnatal (Howdeshell, 2002; Kirk, 2006). Des voies moléculaires de signalisation empruntées par les hormones thyroïdiennes pour influer sur le développement, l’équilibre énergétique et le métabolisme sont conservées dans tous les groupes taxonomiques (Miller et coll., 2009).

Des études structurées sur les relations dose-réponse n’ont pas été effectuées pour

déterminer à quel point les taux plasmatiques d’hormones thyroïdiennes doivent baisser pour que le développement du cerveau soit altéré chez les animaux de laboratoire ou chez les humains. Il existe cependant un vaste corpus d’études publiées établissant une corrélation entre les réductions des taux d’hormones thyroïdiennes en circulation et des déficits cognitifs chez les humains, soit chez l’enfant (en l’absence d’hypothyroïdie patente à la naissance ou plus tard) dont la mère présentait des taux réduits d’hormones thyroïdiennes ou chez les adultes qui ont reçu un diagnostic d’hypothyroïdie congénitale durant l’enfance (nombreuses références citées dans Zoeller et Crofton, 2005).

Des anomalies du développement et des malformations congénitales ont été associées à des concentrations de nitrate supérieures à 45 mg/L dans l’eau potable chez les humains (se reporter à la section 9.1.4). En outre, une concentration de 2 000 mg/L de nitrate de sodium (équivalant à 1 458 mg NO3/L) dans l’eau potable chez des animaux exposés de la

13e journée de la gestation à la mise bas a entraîné une altération des paramètres

neurologiques (se reporter à la section 9.2.7). D’autres études sur le rôle des HT et sur la validité de ces paramètres doivent cependant être effectuées avant qu’on puisse tirer des conclusions probantes.

L’absence de connaissances sur les différences dans le mode d’action nous empêche d’effectuer des extrapolations d’une espèce à l’autre. Une analyse de la pertinence portant sur d’autres perturbateurs thyroïdiens chimiques (biphényles polychlorés, propylthio-uracile et perchlorates) semble indiquer que la concordance entre les modes d’action chez les rongeurs et les humains dépend du moment dans la vie où l’exposition survient; il y a un bon degré de concordance en ce qui concerne les effets neurotoxiques sur le développement lorsqu’on utilise l’altération des concentrations d’hormones thyroïdiennes comme événement clé (Zoeller et Crofton, 2005). Pour que la pertinence de ce mode d’action soit plus fiable, les lacunes suivantes dans les données doivent être comblées : données comparatives sur les taux d’hormones

thyroïdiennes dans le sérum et le tissu cérébral, études comparatives sur les effets d’une

hypothyroxinémie modérée et légère sur le développement du système nerveux et caractérisation claire de la relation dose-réponse entre le degré de changement des concentrations d’hormones thyroïdiennes et les effets indésirables (Crofton, 2008).

Des études de haute qualité sur les effets du nitrate sur la fonction thyroïdienne chez les populations vulnérables sont clairement nécessaires. De telles études devraient idéalement être menées dans des régions où l’apport en iodure est suffisant, tenir compte de l’exposition aux autres inhibiteurs du NIS, mesurer la fonction thyroïdienne ainsi que le statut des anticorps contre l'enzyme peroxydase thyroïdienne et utiliser des biomarqueurs individuels pour l’exposition au nitrate (urine ou salive), plutôt que d’utiliser une méthodologie écologique.