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5 - EFFETS D’ÉCHELLES SPATIALES

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SUR LA PRODUCTION SÉDIMENTAIRE DE RAVINES MARNEUSES

5 - EFFETS D’ÉCHELLES SPATIALES

L’action de la végétation varie en fonction des échelles spatiales. A l’échelle du versant, de la ravine, du bassin versant, voire de la zone géoclimatique, elle se manifeste de différentes manières. Il est donc intéressant de comparer les résultats obtenus sur l’influence de la végétation sur l’érosion à différentes échelles spatiales.

5-1 - Comparaison des résultats obtenus à l’échelle de la ravine avec ceux obtenus à l’échelle métrique à pluri-métrique

Les résultats obtenus à l’échelle de la ravine (2ème partie) peuvent être comparés avec ceux obtenus à l’échelle métrique à pluri-métrique (1ère partie), afin d’analyser les effets de changement d’échelle dans l’influence de la distribution spatiale de la végétation sur l’érosion.

Nous venons de voir qu’une couverture végétale de 33 % pouvait suffire pour qu’une ravine marneuse, d’une surface comprise entre 250 et 6 250 m² environ, soit inactive à son exutoire, si la végétation est située à l’aval de la ravine et plus particulièrement dans le lit.

Nous avons vu dans la 1ère partie qu’une couverture végétale au sol de 20 % pouvait suffire pour empêcher la production sédimentaire de placettes marneuses, sur des surfaces allant de 10 à 500 m².

Ces deux résultats correspondent à des situations où la végétation joue un rôle de protection optimale.

On constate donc que les recouvrements végétaux optimaux aux deux échelles d’approche sont proches.

A l’échelle métrique à pluri-métrique, nous avons étudié des placettes pour lesquelles la végétation était entièrement située à l’aval de la zone en érosion. La distribution spatiale de la végétation était donc certainement quasi-optimale pour le piégeage des sédiments. Le taux optimal de couverture végétale observé de 20 % doit donc probablement représenter un taux minimal d’efficacité de la végétation, en-dessous duquel la végétation ne maîtrise plus complètement l’érosion.

A l’échelle de la ravine, la végétation n’était jamais entièrement et uniquement présente à l’aval de la ravine, même pour des couvertures végétales de 33 %. Il est donc plausible de penser que le taux optimal de couverture végétale à cette échelle peut être inférieur à 33 %.

Ces résultats sont valables pour des surfaces allant jusqu’à 6 250 m², cette limite correspondant à celle imposée par l’échantillonnage de ravines étudiées.

5-2 - Influence de la distribution spatiale de la végétation à l’échelle d’un bassin versant

Il est possible que des ravines de plus de 6 250 m² puissent être « éteintes » par la végétation. Cependant, il doit exister une surface maximale de ravine au-delà de laquelle les processus de piégeage des sédiments ne peuvent plus se produire dans les lits, en raison d’une trop grande surface drainée déterminant des contraintes érosives et hydrologiques trop fortes (Vandekerckhove et al., 1998 ; Desmet et al., 1999), empêchant toute installation ou développement de la végétation dans les lits (Cohen, 1998 ; Casagrande, 2001).

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En effet, si la végétation forestière peut s’avérer très efficace pour lutter contre l’érosion au sein des ravines composantes d’un bassin versant, même lors de forts événements pluvieux, elle n’empêche pas la concentration de l’eau dans les lits des principaux ravins et torrents qui drainent d’importantes surfaces. La capacité de régulation hydrologique des forêts est limitée (Lavabre et Andréassian, 2000) : la végétation forestière intercepte une partie des précipitations pluvieuses et retarde le ruissellement par infiltration et rétention des eaux dans le sol. Toutefois, une fois franchie la capacité d’infiltration, l’eau commence à ruisseler. Il en résulte que de forts écoulements liquides se produisent à l’échelle des bassins versants et de leurs torrents collecteurs lors d’évènements pluvieux importants et intenses – mais pas forcément paroxysmaux, même sous une forte couverture végétale globale (Hupp, 1990).

D’ailleurs, dans l’étude d’Olivier (2000) évoquée dans le 3ème chapitre de l’introduction générale, il n’existe pas de bassin versant inactif. Les productions sédimentaires spécifiques, par rapport à la surface totale des bassins dont la taille va jusqu’à 100 ha, varient entre 5 et 102 m3/ha/an pour des couvertures végétales situées entre 12 et 87 %.

Le bassin versant du Brusquet, d’une surface de 108 ha et végétalisé à 87 %, n’est pas non plus inactif : on observe des productions événementielles jusqu’à 11,9 m3 en charriage, pour une production totale de sédiments de 80 tonnes (soit 6 t/ha de terrain nu), pour la crue exceptionnelle du 8 septembre 1994 (Mathys et al., 1997).

A l’intérieur de ces bassins versants, on peut cependant observer l’existence de ravines inactives bien que partiellement végétalisées. Ceci peut expliquer une partie de la non-linéarité entre couverture végétale et production sédimentaire du bassin, évoquée dans l’introduction générale de la thèse.

Rappelons que l’existence de débits liquides importants dans les lits des bassins versants a une autre conséquence déterminante sur le fonctionnement des ravines du bassin versant : elle entretient des processus d’érosion régressive. De part et d’autre des lits principaux, on peut alors assister à long terme à des déstabilisations « par le bas » de ravines jusque-là inactives et à leur réactivation. Seule la correction des lits principaux de bassins versants à l’aide d’ouvrages de génie civil peut permettre d’empêcher cette érosion régressive et rendre effective l’extinction des ravines drainées par ces lits.

6 - CONCLUSION

Les résultats mettent en évidence l’importance de la distribution spatiale de la végétation pour la réduction de la production de sédiments à l’exutoire d’une ravine.

L’activité ou l’inactivité des ravines est corrélée avec le pourcentage de couverture végétale au sol dans les lits, celle-ci piègeant les sédiments et jouant ainsi un rôle prépondérant. Les principales conséquences sont que des ravines de même couverture végétale peuvent avoir des activités très différentes à leur exutoire, et que des ravines non complètement végétalisées peuvent être inactives. Les observations ont permis de mettre en évidence des seuils de couvertures végétales déterminant l’activité ou non des ravines. Ainsi, les résultats montrent qu’il existe des ravines inactives avec seulement 33 % de couverture végétale totale. Les taux de végétalisation des lits des ravines inactives sont en moyenne de 67 %, le minimum observé étant de 14 %.

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Il faut noter que ces résultats correspondent à trois années de mesures. Bien que des pluies intenses aient été observées durant la période d’étude, il est toujours possible que des pluies plus intenses se produisent, réactivant certaines ravines présentées comme inactives. A l’opposé, les barrières végétales croissent chaque année et devraient augmenter l’efficacité du piégeage.

Ainsi, la répartition verticale – par strates – de la végétation, ainsi que sa disposition relativement à la topographie des ravines, constituent des données à prendre en compte dans les études portant sur la production sédimentaire de bassins versants diversement végétalisées.

Par ailleurs, l’influence de la végétation sur la production sédimentaire des bassins versants s’opérant essentiellement dans les ravines d’un bassin versant – et à condition que ces ravines ne soient pas soumises à leur base à une érosion régressive déstabilisante, un découpage spatial du bassin versant en ravines et lits principaux collecteurs est nécessaire pour évaluer correctement l’influence de la végétation.

Cette conclusion est importante pour les études menées sur l’influence de la végétation sur l’érosion dans les milieux forestiers. Dans la plupart des études menées sur l’influence de la végétation forestière sur l’érosion dans des bassins versants expérimentaux, l’information concernant la couverture végétale est toujours la couverture végétale totale, facilement mesurable grâce notamment à l’interprétation des photographies aériennes. Par exemple, le bassin du Brusquet est caractérisé par une couverture végétale de 87 %. Si la couverture totale présente l’avantage d’être facilement mesurable grâce à des photographies aériennes, elle n’en demeure pas moins insuffisante pour estimer son impact sur l’érosion, et plus particulièrement sur la production sédimentaire des bassins. Une expertise ou une cartographie de la couverture végétale au sol est indispensable.

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2ème PARTIE 2ème CHAPITRE

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