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C Effet du vieillissement sur la contractibilité du muscle

Chapitre I. Cadre théorique

I.3. C Effet du vieillissement sur la contractibilité du muscle

I.3.C.a Généralités

Les fibres musculaires sont sous le contrôle de motoneurones présentant des caractéristiques morphologiques et électriques différentes. La relation entre le motoneurone et la cellule musculaire est bien plus étroite que le simple événement excitation–contraction. Pour des raisons qui ne sont pas encore bien connues, la capacité de contractibilité du muscle squelettique est modifiée avec l'âge. Le vieillissement se traduit par une diminution du nombre d‘unités motrices conduisant à un changement de typologie musculaire, par une diminution des capacités de recrutement des unités motrices (réduction d‘activation volontaire et diminution de vitesse de contraction) et par une coactivation musculaire antagoniste.

I.3.C.b Diminution du nombre d’unités motrices et changement de typologie musculaire

Il existe aujourd‘hui de nombreuses évidences directes et indirectes de modifications quantitatives et qualitatives du système nerveux avec l‘âge. Parmi celles-ci, l‘unité motrice qui constitue la base de l‘organisation périphérique de la motricité est fortement perturbée au cours du vieillissement. En effet, après 60 ans le nombre de motoneurones diminue et s‘accompagne d‘une dégénérescence des axones correspondants (Kawamura et al. 1977a; Kawamura et al. 1977b; Kawamura et Dyck 1977). La perte d‘unités motrices serait initiée par des modifications au niveau du système nerveux (Kanda et al. 1986). Bien qu‘encore mal compris, ce mécanisme de mort cellulaire est accompagné d‘un processus de dénervation des fibres appartenant à l‘unité motrice correspondante. Un certain nombre de ces fibres est alors réinnervé par les axones des unités survivantes. La diminution du nombre de fibres et d‘unités

motrices avec l‘âge est présente dans quasiment tous les muscles de l‘organisme et concerne tous les types de fibres (Hooper 1981; Alnaqeeb et Goldspink 1987; Maharam et al. 1999). Néanmoins, en règle générale, toutes les fibres d‘une même unité motrice sont du même type, et la perte d‘unités motrices avec l‘âge concerne principalement celles composées de fibres de type II (Grimby et al. 1982; Lexell et al. 1988; Coggan et al. 1990; Klitgaard et al. 1990; Lexell et Downham 1991; Pyka et al. 1994). Certaines fibres dénervées seraient réinervées par des fibres nerveuses motrices de type I via un processus de germination axonale (Brown et al. 1981; Gordon et al. 2004). Parallèlement à la diminution du nombre d‘unités motrices, ce processus de dénervation–réinnervation conduit à l‘apparition d‘unités « géantes » (Klass et al. 2005). Selon Lexell (1995), l‘avancée dans l‘âge entraîne une modification progressive de la typologie musculaire tournée vers les fibres de type I. Les unités motrices rapides disparaissent pour être, ou non, remplacées par des unités motrices lentes. Ce profond remodelage de l‘unité motrice avec le vieillissement a des implications fonctionnelles importantes sur le contrôle nerveux de la contraction musculaire et permet notamment d‘expliquer la perte de dextérité ainsi que la plus grande fluctuation de la force observée chez les personnes âgées lors du maintien d‘une contraction sous maximale (Enoka et al. 2003). Les processus de sarcopénie et de perte de force développée observés dans les muscles des personnes âgées pourraient donc être dus à une altération de l'innervation du muscle squelettique. Ce phénomène induirait un découplage excitation–contraction, ce qui modifierait l'expression de certaines familles de gênes musculaires.

I.3.C.c Diminution des capacités de recrutement

Outre une réduction du nombre de motoneurones et un profond remodelage de l'unité motrice, la diminution de force et de puissance avec l‘âge pourrait être partiellement due à une activation incomplète des muscles agonistes par le système nerveux central et un ralentissement des vitesses de contraction et de relaxation.

Une méthode classiquement utilisée pour tester la capacité d‘un sujet à activer un groupe musculaire consiste à surimposer une stimulation électrique (stimulus isolé ou train de stimuli) pendant une contraction volontaire maximale. L‘absence d‘incrément en force, due à la stimulation électrique, suppose que le sujet est capable d‘activer le groupe musculaire impliqué de façon maximale. En revanche, la présence d‘un incrément en force traduit un déficit d‘activation volontaire qui peut être alors quantifié (Herbert et Gandevia 1999). Ce déficit est le résultat d‘un recrutement incomplet et/ou d‘une fréquence de pulsations sous

optimale des unités motrices. Dans ce contexte, la littérature relative à la capacité d‘activation volontaire chez les seniors est controversée.

En effet, certaines études ont montré que les personnes âgées actives sont capables d‘activer leurs groupes musculaires de façon comparable aux sujets jeunes, du moins pendant des contractions isolées (De Serres et Enoka 1998; Klass et al. 2005; Scaglioni et al. 2002). D‘autres travaux expérimentaux ont en revanche constaté que pour certains muscles, elles sont incapables de produire une commande volontaire similaire à celle des jeunes (Morse et al. 2004). Il convient néanmoins de souligner que si plusieurs essais sont permis, la différence d‘activation volontaire entre les deux groupes disparaît quasi complètement (Jakobi et Rice 2002). Cette observation indique que le manque de pratique, plus que l‘incapacité du système nerveux à activer les muscles de façon maximale, serait responsable de la réduction d‘activation volontaire.

La diminution de vitesse de contraction du muscle s‘expliquerait (Duchateau et al. 2006b) : - par un ralentissement de la cinétique contractile de l’ensemble des fibres (D'Antona et

al. 2003). Au niveau intracellulaire, un ralentissement de l’activité ATPasique de la myosine ainsi que des altérations du couplage « excitation–contraction » seraient responsables de la diminution de cinétique de contraction et de relaxation (Baudry et al. 2005; D’Antona et al. 2003; Payne et Delbono 2004). Ce dernier mécanisme, qui lie l’excitation électrique de membrane de la fibre musculaire au processus d’interaction des protéines contractiles lors de l’activation, est étroitement contrôlé par l’ion calcium. Ainsi, il a été montré que le mécanisme qui conduit à la relaxation musculaire (reséquestration du Ca2+ par le réticulum sarcoplasmique) est fortement ralenti au cours du vieillissement (Payne et Delbono 2004).

- par une plus grande atrophie des fibres rapides (type II) comparativement aux fibres lentes (type I) ;

- et dans une moindre mesure par une augmentation de la compliance de l’unité musculotendineuse (Narici et al. 2002).

Ce dernier mécanisme, qui lie l‘excitation électrique de membrane de la fibre musculaire au processus d‘interaction des protéines contractiles lors de l‘activation, est étroitement contrôlé par l‘ion calcium. Ainsi, Payne et Delbono (2004) ont montré que la reséquestration du Ca2+

par le réticulum sarcoplasmique, mécanisme qui conduit à la relaxation musculaire, est fortement ralenti au cours du vieillissement.

I.3.C.d Coactivation musculaire antagoniste

Une coactivation musculaire antagoniste de faible intensité sous la dépendance de la commande nerveuse serait également susceptible de réduire la force développée ainsi que la précision des mouvements dynamiques. Cette coactivation assure une meilleure stabilité de l‘articulation et permet donc une meilleure action des muscles agonistes (Baratta et al. 1988). Le degré de coactivation est contrôlé par le système nerveux et varie en fonction de l‘intensité de la contraction agoniste, le régime de contraction, la position angulaire ainsi que la vitesse de mouvement (Kellis 1998). De nombreuses études ont montré que la coactivation est accrue au cours du vieillissement (Klein et al. 2001; Macaluso et al. 2002). L‘altération de la relaxation pourrait être en partie due à une baisse de la re-séquestration du calcium par le réticulum sarcoplasmique (Thompson 1994).

Synthèse

Outre la diminution de masse musculaire, la sénescence est associée à une réduction du nombre de motoneurones et à un profond remodelage de l'unité motrice. Malgré la plasticité du système nerveux, ces changements ont des implications fonctionnelles importantes sur le contrôle nerveux de la contraction musculaire. Une diminution des capacités de recrutement des unités motrices avec l'âge a été observée, mais les études sur ce sujet sont souvent contradictoires, car il apparait des variations en fonction de l'entraînement, du muscle testé et de l'activité physique habituelle. Par conséquent, une partie de la diminution de force, de puissance et la moindre précision des mouvements chez la personne âgée peuvent être dues à une activation inadéquate des muscles par le système nerveux.