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Effet d’un programme d’activités physiques adaptées spécifiques centré sur le tronc

IV.1. Introduction

Durant la grossesse, de multiples changements (Cf Chapitre 1 pour plus de détails) surviennent sur le corps de la femme, notamment une prise du poids de 12 à 16 kg qui présente de 16% à 23% d’augmentation de la masse corporelle (IMCNSPL 1990). C’est la partie inférieure du tronc qui est la plus influencée par la prise du poids comparativement aux autres segments du corps, notamment durant le 2e et le 3e trimestre de la grossesse (Jensen et al. 1996). Ainsi, le développement du fœtus et l’augmentation du diamètre sagittal de l’abdomen, de 55 % entre la 12e et la 36e semaine de gestation, entraine un déplacement significatif du CDM de la mère vers l’avant (Fries et al. 1943 ; Bullock et al. 1987).

En conséquence, l’augmentation de la charge fœtale produit une charge supplémentaire sur le rachis lombaire et les muscles abdominaux de la femme enceinte (Ireland & Ott, 2000). Ces changements de la partie inférieure du tronc entrainent forcément des changements posturaux comme, par exemple, l’élévation de la tête et l'hyper extension du rachis cervical et lombaire (Fries et al. 1943). En effet, une analyse quantitative de la posture statique chez les femmes enceintes montre une position de tête plus postérieure, une augmentation de la lordose lombaire et une inclinaison antérieure du pelvien (Franklin & Conner-Kerr, 1998).

Ces changements anatomiques et physiologiques peuvent contribuer à une instabilité posturale pendant la grossesse (Dunning et al. 2003). Conséquemment, cette instabilité posturale peut conduire, avec la laxité ligamentaire et l’allongement important des muscles grand droits de l’abdomen, à des microtraumatismes des tissus conjonctifs des muscles extenseurs du tronc, lesquels peuvent à leur tour causer des douleurs plus ou moins dominantes sur le tronc, comme la lombalgie et la dorsalgie de la grossesse (Mc Gill, 1987). Le tronc, ‘zone charnière’ entre les membres inférieurs et supérieurs ainsi que la tête, outre son rôle pivot, est ainsi le siège central de nombreuses problématiques liées à la grossesse.

197 IV.2. Etude 4 : Effets d’un programme d’activités physiques adaptées centré sur le tronc sur la qualité de vie ; la santé physique et les douleurs

IV.2.1. Introduction

Les résultats des études 1 et 2 (Chapitre 2) chez les participantes inactives durant la grossesse montrent que celles-ci souffrent de douleurs parfois intenses et souvent centrées sur le tronc. Ces douleurs influencent négativement leur QV et leur SP et peuvent conduire à une réduction de la capacité, voire une impossibilité, à réaliser correctement certaines AVQ. De même, une majorité d’études de la littérature montre que l’absence d’exercice durant la grossesse favorise les douleurs, ces douleurs étant plus ou moins centrées dans le tronc (Stuge et al. 2004 ; Garshasbi & Zadeh 2005). Les douleurs entrainées par la sédentarité durant la grossesse conduisent également à une QV plus faible (Stuge et al. 2004) durant la grossesse, influencée par les difficultés dans la réalisation de certaines AVQ. Enfin, les douleurs ont aussi un effet évident sur les mesures de la SP comme il a été montré par Garshasbi & Zadeh (2005) où les douleurs du bas du dos sont corrélées négativement avec la souplesse musculaire dans cette zone.

En revanche, l’effet d’un programme ciblé sur le tronc a déjà été investigué par plusieurs études (Stuge et al. 2004 ; Garshasbi & Zadeh 2005 ; Cf chapitre 1 pour plus de détails). En effet, les études sur les effets des exercices focalisés sur la majorité des muscles du tronc durant la grossesse montrent des résultats plus positifs que les études ayant porté sur une seule qualité physique générale (Mens et al. 2000 ; Elden et al. 2005). Ainsi, les exercices spécifiques pour renforcer les muscles ‘abdominaux, ischio-jambiers, psoas iliaque, para vertébraux’ ont eu un effet positif sur le soulagement des douleurs lombalgiques dans l’étude de Garshasbi & Zadeh (2005). Il en est de même dans les deux études de Stuge et collaborateurs (2004) : les exercices visent à entraîner la plupart des groupes musculaires du tronc et donnent un effet positif non seulement sur le soulagement des douleurs mais aussi sur la QV chez les femmes en PP. Par contre, les exercices sur deux groupes musculaires (par exemple : les obliques et muscles longitudinaux du tronc) dans l’étude de Mens et al. (2000) ne donnent pas un effet aussi efficace sur le soulagement des douleurs dans le groupe entrainé durant la grossesse. De même, les exercices centrés sur les hanches dans l’étude d’Elden et al. 2005 ne donnent pas un effet évident pour le soulagement des douleurs comparé aux deux autres groupes expérimentaux.

198 Ainsi, l'objectif de ce travail est de tester l'effet d'une pratique régulière d'exercices physiques variés visant plus particulièrement à renforcer, assouplir et mobiliser les muscles du dos, de la ceinture pelvienne, des abdominaux, des fessiers mais aussi, dans une moindre mesure, les membres inferieurs ; ces exercices sont associés à quelques exercices d'équilibre avec une intensité moyenne à modérée, pour aider la femme à mieux supporter les modifications variées pendant la grossesse. Nous faisons l'hypothèse que cette association originale d'exercices, centrés sur les zones les plus affectées pendant la grossesse, contribueront de manière significative à réduire les douleurs, notamment la lombalgie de la grossesse qui pourraient en résulter, mais aussi à améliorer la QV et la SP autour de la grossesse, sans induire d’effet délétères.

IV.2.2. Protocole et méthode IV.2.2.1. Participantes

Cinquante participantes nullipares ont été recrutées à la maternité de Saint Vincent de Lille (Institut Catholique de Lille), dans des cabinets de gynécologie et au centre Permanences Maternelle et Infantile de Lille, durant une période de deux mois. Il s’agissait de femmes enceintes, entre les 24e et 36e semaines de grossesse avec les caractéristiques suivantes : âgées de 25-35 ans ; motivées pour participer bénévolement à notre programme, donc des participantes différentes de l’étude 2. Les critères d’exclusion sont : fausse couche ; accouchements prématurés (Clapp, 2000) ; au moins une contre-indication à l’activité physique pendant la grossesse par la passation du questionnaire le X-AAP pour les femmes enceintes (X-AAP for Pregnant, 2002); être fumeuse (Ernst, 1993) ou atteinte d’une déficience motrice, cardiovasculaire, neurologique ou intellectuelle et, plus généralement, toute contre-indication majeure à l’activité physique et sportive. L’application des critères d’inclusion/exclusion a été réalisée par un seul et même médecin gynécologue ayant une expérience de plus de 20 ans. Au final, 45 participantes ont intégré ce programme. Ce Goupe Actif (GA) durant la grossesse contient deux sous-groupes qui sont : i) Groupe Actif déjà Sportives avant la grossesse (GAS) ; ii) Groupe actif Non Sportives avant la grossesse (GANS). Ainsi, toute participantes a eu une AP régulière en raison de  20 min,  3 fois par semaine, est considérée comme sportive Horns et al. 1996.

199 Il n’y a pas de différence significative entre les deux sous-groupes en matière d’âge et de BMI. (Tableau IV.1)

Tableau IV.1 : Caractéristiques des participantes à la 24e semaine de la grossesse (moyenne ± écart-type). Un t test a été appliqué pour comparer les 2 groupes.

h : heure ; sp : sportive ; sem : semai ne

IV.2.2.2. Le programme d’APA centré sur le tronc

Le programme d’activité physique développé contient des exercices spécifiques pour renforcer les différents groupes musculaires avec une proportion plus importante pour les muscles du tronc, et plus particulièrement le bas du dos, mais également quelques exercices d'équilibre et de souplesse. La durée du programme est de 12 semaines, à raison de 2 fois par semaine, pour une durée de séance de 60 min, d’intensité moyenne à modérée.

La structure type de la séance est la suivante :

- Chaque séance débute par un échauffement (10 min), d’une intensité légère, telle que de la marche à vitesse spontanée et des exercices de mobilisation articulaire analytiques avec, puis sans appuis.

- La seconde partie comporte des exercices d’étirement (10 min) dans un ordre céphalo-caudale.

- La troisième partie comporte des exercices de renforcement musculaire (20 min) qui étaient réalisés à raison de 8-12 répétitions sous maximales, pour une période inter exercices de récupération de 1 à 2 min selon les recommandations de l’ACSM (Kraemer et al. 2002).

- La dernière partie de la séance (20 min) est une phase de récupération et de retour au calme avec des exercices de marche, respiratoire et d’exercices s’apparentant à de la relaxation. Groupe (nombre de sujets) Age Valeur du p BMI Valeur du p h de sp / sem (pr les sp) Semaine du début de programme Valeur du p Semaine de la fin de programme Valeur du p Sportives (23) 28,1±2,6 0,07 25,7±4,3 0,4 2,4±1,2 23,4±1,5 0,9 35,4±1,5 0,9 Non sportives (22) 29,3±2,7 26,2±2,6 - 23,6±1,3 35,6±1,3