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ACTIVITE CEREBRALE ET PERFORMANCE MOTRICE

2.7. Effet de la pratique sur les activations cérébrales pendant la production d’un mouvement

Le cerveau humain possède la propriété intrinsèque de s’adapter aux changements physiologiques et aux expériences (Pascual-Leone et al., 2005). Les aires cérébrales sensorimotrices spécifiques à la pratique des participants se réorganisent en profondeur suite à une pratique intensive. Chez des musiciens d’instruments à cordes experts, la main gauche (main qui joue sur le manche de l’instrument) a une représentation corticale au sein du M1 plus étendue que chez des non musiciens, sans qu’il n’y ait de différence pour la représentation corticale de la main droite (Elbert et al., 1995). Chez les musiciens professionnels, au niveau anatomique, il y a une plus grande symétrie entre le M1 du côté contrôlant la main dominante par rapport à la main non dominante comparativement à des non musiciens (Schlaug, 2001). On parle alors de phénomène de plasticité corticale. Ces phénomènes ont été mis en évidence au cours d’études transversales comme celles que nous venons de citer, mais aussi au cours d’études longitudinales : chez des participants non musiciens, l’apprentissage d’une séquence motrice sur un piano pendant 2 heures par jours sur une période de 5 jours produit une augmentation de l’aire corticale du M1 représentative des mouvements d’extension et de flexion des doigts (Pascual-Leone et al., 1995). Ces phénomènes de réorganisation somatotopique sont très précoces dans l’apprentissage puisque Karni et al. (1995) ont mis en évidence des modulations d’activation du M1 dès les premières minutes d’apprentissage d’une séquence motrice.

Il semblerait donc que la pratique produise une réorganisation somatotopique avec une augmentation de la surface des aires du M1 impliquées dans la mobilisation des articulations sollicitées lors de la tâche pratiquée. En revanche, le nombre d’aires cérébrales associatives sollicitées au cours du mouvement est moins important chez les violonistes professionnels comparativement à des amateurs (Lotze et al., 2003; Milton et al., 2007), mais la communication entre les aires impliquées chez les professionnels est plus importante (Kranczioch et al., 2008).

Ces modifications ne concernent pas uniquement la pratique d’un instrument de musique mais aussi la pratique d’activité physique. Elles ont par exemple été reportées pour la région contrôlant le membre supérieur chez des joueuses de volley-ball comparativement à des

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coureuses à partir de stimulations magnétiques transcraniennes (TMS) (Tyc et al., 2005). La surface représentative du bras au sein du M1 est plus importante chez les volleyeuses que les coureuses. A l’inverse, les coureuses ont une représentation corticale plus étendue de la jambe au sein du M1. Enfin, de rares études se sont intéressées aux modifications d’activité cérébrale enregistrées par EEG ou MEG. Après un apprentissage où les participants devaient contrôler le déplacement vertical d’un curseur en produisant une force plus ou moins importante sur un capteur de pression placé dans la main, de plus faibles diminutions de puissance spectrale des oscillations autour de 20 Hz provenant du M1 ont été reportées (Kranczioch et al., 2008). Ceci pourrait indiquer que le nombre de neurones sollicités est moins important pour réaliser une tâche expérimentale similaire.

Nous avons décrit dans le chapitre précédent qu’un entraînement en production de force induisait au niveau périphérique une diminution de la coactivation musculaire (Bru et Amarantini, 2008 ; Griffin et Cafarelli, 2005 ; Tillin et al., 2011). Même si des mécanismes supraspinaux semblent impliqués dans la régulation de ce phénomène (Carolan et Cafarelli, 1992 ; Hakkinen et al., 1998 ; Solomonow et al., 1988), à notre connaissance, une seule étude s’est intéressée aux modulations d’activité corticale chez des participants entraînés en production de force (Falvo et al., 2010). Ces auteurs ont montré grâce à des enregistrements EEG et une analyse des potentiels corticaux associés au mouvement (MRCP) au cours de contractions volontaires que l’entraînement en production de force induisait une diminution d’amplitude des MRCP. Cette étude montre que les adaptations supraspinales mises en évidence grâce à des enregistrements EEG de surface sembleraient associées à une plus faible demande corticale pour des contractions sous maximales volontaires. Cela mettrait ainsi en évidence une meilleure efficience neurale dont l’origine serait l’entraînement en force. Cependant, l’implication de la modulation de la commande centrale associée à une modulation de l’activité musculaire périphérique reste à déterminer.

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L’activité corticale présente des rythmes oscillatoires spontanés (Berger, 1929) dont une fonction serait de permettre la communication entre des populations de neurones distantes sur la plan anatomique (Buzsaki et Draguhn, 2004 ; Joundi et al., 2012 ; Schnitzler et Gross, 2005 ; Varela et al., 2001). Ces oscillations contiennent des bandes de fréquences caractéristiques qu’on appelle aussi rythmes corticaux, dont l’amplitude est modulée au cours de la motricité (Mima et al., 1999 ; Neuper et Pfurtscheller, 1996 ; Pfurtscheller et Aranibar, 1978 ; Pfurtscheller et Neuper, 1992). Nous avons vu que le cerveau humain s’adapte à l’expérience (Pascual-Leone et al., 2005) avec beaucoup d’observations de la réorganisation des aires cérébrales impliquées dans le mouvement (Elbert et al., 1995 ; Karni et al., 1995 ; Lotze et al., 2003 ; Milton et al., 2007 ; Pascual-Leone et al., 1995 ; Schlaug, 2001). En revanche, il existe peu de données sur la modulation des oscillations cérébrales associées à un type de pratique.

Une partie des oscillations enregistrées par EEG ou MEG au-dessus du M1 se propagent vers les muscles via la moelle épinière et sont partiellement restituées aux muscles (Baker et Baker, 2003). On observe alors un couplage oscillatoire entre les signaux qui proviennent du M1 et l’EMG des muscles sollicités (Conway et al., 1995 ; Kilner et al., 2000 ; Kilner et al., 1999 ; Mima et al., 1999 ; Salenius et al., 1997) qui reflète la communication entre le niveau central et périphérique que nous appellerons interactions cortico-musculaires. Ce phénomène de couplage oscillatoire qui fera l’objet du prochain chapitre semble fournir une information pertinente sur le contrôle supraspinal de la contraction musculaire (Gross et al., 2000 ; Marsden et al., 2000).

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3. CHAPITRE 3