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CHAPITRE IV : EFFICACITÉ DU LITHIUM À INHIBER LA RAS

II.2. Mortiers à base de calcaire siliceux et de granulat alluvionnaire de Praz

II.2.2. Effet du lithium sur l’alluvion de Praz

L’évolution de l’expansion engendrée par la RAS en présence du granulat alluvionnaire de Praz dans des mortiers en fonction des différents rapports Li/Naéq testés

(Figure IV-13 a) présente un effet seuil ainsi que le découpage en trois zones déjà observé chez le silex C et le calcaire siliceux T. La zone I est comprise entre les rapports Li/Naéq de 0 et 0,25, entre lesquels l’ajout de lithium n’a pas d’effets sur l’expansion. À

partir du rapport Li/Naéq de 0,25, les expansions diminuent fortement avec l’ajout de

lithium (zone II) jusqu’à atteindre l’inhibition (zone III) pour un rapport Li/Naéq de 0,74

qui correspond à une expansion quasi nulle de 0,05%.

L’expansion de la formulation référence (P-2,8% - Li/Naéq=0) est de 0,38%, ce qui

est près de deux fois moins que l’expansion du silex dans les mêmes conditions (0,71%), mais semblable à la valeur d’expansion du calcaire siliceux (0,36%). Le seuil est situé à un rapport Li/Naéq de 0,74, ce qui correspond à une quantité de lithium élémentaire de

0,22% par rapport à la masse de ciment. Cette valeur est plus élevée que celle obtenue pour le silex (0,18%), mais inférieure à celle nécessaire pour inhiber la RAS dans les formulations contenant le calcaire siliceux T (0,32%).

L’étude d’une formulation de mortier ne contenant pas de lithium et de même teneur Na2Oéq que celle atteinte au seuil de la courbe P-2,8% (c’est-à-dire une teneur

Na2Oéq de 1,6%) révèle que cette dernière est expansive. En effet, comme cela est illustré

par la Figure IV-13 b), la formulation sans lithium (P-1,6% - Li/Naéq=0), dont la courbe

d’expansion en fonction du temps est donnée en Annexe 10, présente une expansion quatre fois plus importante que celle contenant du lithium (P-2,8% - Li/Naéq=0,74).

Contrairement à ce qui a été observé pour le silex et le calcaire siliceux, les courbes d’expansion en fonction du temps des différentes formulations de la série d’éprouvettes P-2,8% (Figure IV-14) ne révèlent pas une diminution des cinétiques d’expansion avec l’ajout de lithium. En effet, les différentes formulations expansives étudiées atteignent l’asymptote de gonflement entre environ sept à neuf semaines.

a) b)

FIGURE IV-13 : Expansion a) des éprouvettes de mortier de la série de formulations P-2,8% en fonction du rapport Li/Naéq et b) des éprouvettes de mortier de teneur Na2Oéq de 1,6% avec

(P-2,8% - Li/Naéq=0,74; à 28 semaines) et sans lithium (P-1,6% - Li/Naéq=0; à 19 semaines).

II.3.D

ISCUSSION

Dans un premier temps, l’étude sur le silex C a révélé que les courbes d’expansions en fonction du rapport Li/Naéq des éprouvettes de micro-mortier et mortier

présentaient la même allure globale que les paramètres physico-chimiques étudiés en milieu réactionnel modèle : un découpage en trois zones décrit précédemment et illustré par la Figure IV-6. Les paramètres suivis en milieu modèle reflètent donc le comportement expansif du silex en matrice cimentaire de manière satisfaisante. Cela implique également que le mécanisme d’action du lithium est le même en milieu simplifié qu’en matrice cimentaire. Ainsi, les essais en milieu réactionnel modèle permettent de simuler la RAS de manière satisfaisante et présentent donc une voie d’accès à une meilleure compréhension du mécanisme de réaction.

Pour rappel, les essais en milieu modèle avaient montré une diminution de l’altération (formation de Q3 et dissolution) de la silice avec l’ajout de lithium. Les courbes

d’expansion en matrice cimentaire et celles des paramètres physico-chimiques en milieu simplifié présentant des allures identiques, ce mécanisme semble donc également être prépondérant en matrice cimentaire. Deux hypothèses peuvent être faites quant à l’origine de l’impact de cette diminution de l’altération de la silice sur l’expansion en matrice cimentaire. Tout d’abord, l’attaque de moindre ampleur de la silice en présence de lithium pourrait limiter la formation de produits de réaction, ce qui aurait pour conséquence de limiter le gonflement en matrice cimentaire. Une autre hypothèse repose sur le mécanisme de gonflement structural (cf. Chapitre I § II.2.6. Gonflement structural – p.42) qui explique le gonflement des matrices cimentaires par la transformation des Q4

(silice saine) présents dans le granulat en Q3 (silice altérée) puisque ces derniers

occupent un plus grand volume que les premiers. Il existerait donc une corrélation directe entre la disparition des Q3 et la diminution des expansions en matrice cimentaire.

Dans un second temps, l’étude comparative entre les trois granulats étudiés a révélé que l’effet seuil et le découpage caractéristique des courbes d’expansion en fonction des rapports Li/Naéq en trois zones étaient également observés pour le calcaire

siliceux T et l’alluvion P. Ceci indique donc que ce comportement est inhérent à l’action du lithium et ne découle pas des particularités des granulats testés. Il est également notable que les comportements dans la zone I (inhibition partielle) comme définie par le Figure IV-6 ne sont pas identiques : le silex y connaît une légère diminution des expansions, tandis que le lithium n’a pas d’effet jusqu’à l’entrée dans la zone II (développement efficace de l’inhibition) chez le calcaire siliceux T et l’alluvion P. Il existe donc peut-être un lien entre la réactivité des granulats et le comportement dans cette zone.

La comparaison entre les différents granulats a tout d’abord mis en évidence les différences de réactivité qui existent entre ces derniers : le silex est le granulat présentant l’expansion la plus importante en l’absence de lithium (près de deux fois supérieure à celle des deux autres granulats), ainsi que la cinétique de gonflement la plus rapide (l’asymptote de gonflement est atteinte après environ deux semaines de cure à 60°C, contre six à huit semaines pour le calcaire siliceux T et sept à neuf semaines

pour l’alluvion P). Ces différences de réactivité entre les granulats peuvent être expliquées à la lumière de leur minéralogie respective. En effet, comme l’avait résumé le Tableau III-8 (cf. p.106), le silex C contient des phases très réactives (micro- à crypto- quartz et calcédoine) aisément accessibles par la solution interstitielle, puisque ce granulat est quasi uniquement composé de silice. Le calcaire siliceux T contient des phases réactives (silice diffuse et calcédoine) qui sont englobées dans une matrice carbonatée, ce qui limite leur accessibilité. Quant à l’alluvion P, ces phases sont modérément réactives, bien qu’accessibles. La plus grande ampleur de l’expansion du silex C par rapport aux autres granulats pourrait donc être due à la grande réactivité de ces phases (contrairement à l’alluvion P) et à leur grande accessibilité (contrairement au calcaire siliceux T). La cinétique de gonflement plus importante pour le silex C peut être expliquée de la même manière.

En ce qui concerne l’influence du lithium sur la cinétique de gonflement, il a été constaté que le calcaire siliceux T est le granulat pour lequel l’ajout de lithium induit le plus important déplacement de l’asymptote (un allongement de cinq à sept semaines de cure et plus pour atteindre l’asymptote lorsque les rapports Li/Naéq se rapprochent du

seuil). En revanche, l’ajout de lithium n’a qu’un effet mineur sur les cinétiques de gonflement des mortiers contenant le silex C (allongement de deux à quatre semaines de cure environ) et est même inexistant pour les mortiers à base d’alluvion P. Cet effet marqué pour le calcaire siliceux T pourrait être dû à la faible accessibilité de ces phases. En effet, malgré les quantités importantes de lithium introduites, la diffusion de ce dernier vers les phases réactives du granulat T est lente et par conséquent, son action est retardée.

De plus, comme le montre le Tableau IV-8 résumant les quantités de lithium nécessaires à l’inhibition pour les différents granulats, la quantité de lithium à introduire afin d’inhiber la RAS augmente dans le sens suivant : calcaire siliceux T > alluvion P > silex C. Le silex, qui est le granulat le plus réactif, est donc celui qui nécessite le moins de lithium pour atteindre une inhibition complète. Ceci est cohérent avec les résultats de la littérature qui indiquent que le lithium est d’autant plus efficace que le granulat est réactif (cf. Chapitre I § IV.2.2. Influence de la nature du granulat sur l’efficacité du lithium – p.54). Le calcaire siliceux T étant le granulat dont les phases siliceuses sont le moins accessibles et celui qui nécessite la plus grande quantité de lithium pour inhiber la RAS, il est possible que l’effet inhibiteur de cet élément soit influencé par l’accessibilité de ces phases siliceuses.

TABLEAU IV-8 : Quantités de lithium nécessaires à l’inhibition de la RAS pour les trois granulats étudiés en pourcentage par rapport à la masse de ciment.

Granulat Silex C Alluvion P Calcaire siliceux T

III.

INHIBITION DE LA RAS PAR DES SCORIES LITHINIFÈRES : ESSAIS

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