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Effet des essences sur les flux d’éléments sortant de l’écosystème (figure II.1) l’écosystème (figure II.1)

Synthèse bibliographique

3 Effet des essences sur le cycle biogéochimique

3.2 Effet des essences sur les flux d’éléments sortant de l’écosystème (figure II.1) l’écosystème (figure II.1)

Exportation d’éléments par la récolte des bois

Les concentrations en éléments dans le bois des différentes essences sont variables. Il est admis que les feuillus produisent un bois plus concentré en éléments que les résineux (Cole and Rapp, 1980; Perala and Alban, 1982; Wilson and Grigal, 1995) du fait de leur moindre efficience. Bien que ces différences soient réelles, il est établi que le mode d’exportation et de récolte est le facteur le plus important vis-à-vis de l’exportation d’éléments (fréquence et élément de l’arbre exporté).

En effet, le feuillage, les branches et l’écorce sont enrichis en élément comparativement au tronc. La récolte de ces compartiments en plus du tronc provoque une perte en éléments très supérieure à la récolte du tronc seul (Fahey et al., 1991; Gower and Son, 1992; Yanai, 1998) et favorise l’acidification du milieu (Olsson et al., 1996). L’âge du peuplement récolté conditionne lui aussi le niveau de l’exportation d’éléments. Les tissus des jeunes arbres sont en moyenne plus concentrés en éléments ce qui implique qu’une révolution forestière courte sera plus déficitaire en éléments qu’une révolution plus longue (Krapfenbauer and Buchleitner, 1981; Ranger et al., 1995). Ce problème est donc complexe et aucune hiérarchie d’exportation d’éléments n’a été proposée pour différencier les essences. A biomasse égale, les feuillus possèdent une minéralomasse plus importante que celle des résineux mais leur production de biomasse est moindre (Vannière, 1984) et le temps de révolution est par conséquent plus long.

Régime hydrique et perte par drainage

Les résineux favorisent l’interception des précipitations par rapport aux feuillus (Ahmad-Shah and Rieley, 1989; Aussenac and Boulangeat, 1980; Bergkvist and Folkeson, 1995; Heinrichs and Mayer, 1977; Noirfalise and Vanesse, 1975). En moyenne, le chêne et le hêtre interceptent entre 25% des précipitations alors que le sapin, l’épicéa, le pin et le Douglas en interceptent entre 35 et 45% (Norden, 1994).

Le mode d’arrivée au sol des précipitations diffère selon les essences : le rapport pluviolessivat/écoulement de tronc varie avec l’essence. Aussenac (1975) distingue 2 groupes,

l’un à fort écoulement de tronc comprenant le hêtre et le Douglas et l’autre avec faible écoulement de tronc comprenant le pin, le sapin, l’épicéa et le chêne.

Les travaux sur évapotranspiration réelle (ETP) n’ont pas permis de distinguer un effet des essences sur cette variable parce que plusieurs facteurs non spécifiques contrôlent l’intensité de l’ETP. Néanmoins, certains auteurs ont montré que le facteur le plus important contrôlant l’ETP est l’indice foliaire (Breda et al., 1993; Granier et al., 1999). Les résineux ayant en moyenne un indice foliaire plus élevé que les feuillus, il est possible que l’ETR de ces peuplements soit supérieure à celle des peuplements feuillus. Certaines études ont mesuré des humidités plus faibles sous épicéa que sous hêtre (Benecke and Mayer, 1971; Nihlgard, 1969) ce qui peut être la conséquence d’une interception et d’une ETR supérieure sous cette essence. Les essences ont un effet sur la quantité d’éléments perdue par drainage. Il a été montré que l’épicéa perd plus d’éléments que le hêtre (Bergkvist and Folkeson, 1995; Fichter et al., 1998; Lelong et al., 1990; Matzner, 1988; Nys, 1987). En moyenne l’épicéa perd 2 à 4 fois plus d’éléments par drainage que le hêtre. Cependant, selon le site et l’élément considéré, les flux d’éléments perdus par drainage peuvent varier jusqu’à un facteur 10.

3.3 Impact des essences sur les flux internes

La matière organique

La chute des feuilles et des aiguilles fournit un stock considérable de matière organique au sol. La masse de litière qui atteint le sol chaque année est relativement indépendante du type de végétation forestière. Les retombées solides annuelles moyennes sont de l’ordre de 3,5 à 4 tonnes par hectare (Augusto, 1999). Pour des éléments tel que Mg, Ca, K et N, les essences feuillues présentent des litières plus riches que celles des résineux. L’accumulation des litières sur le sol dépend de plusieurs facteurs : le type de sol (e.g. l’acidité), le climat, l’humidité etc. Sur un site donné, l’accumulation de litière est en moyenne deux fois plus importante sous résineux que sous feuillus (Augusto, 1999). La vitesse de décomposition dépend en effet de la qualité de la MO apportée : dureté, forme des retombées, teneurs en composés labiles, rapport lignine/N (Bauzon et al., 1969; Gower and Son, 1992; Harmon et al., 1990). Des différences histochimiques caractéristiques des litières de résineux expliquent leur accumulation plus importante que sous feuillus : des rapports C/N plus élevés (Bauzon et al., 1969; Moukoumi, 2006; Nihlgard, 1971; Ovington, 1954), moins de composés labiles (Nykvist, 1963). L’incubation de cellulose in situ sous différentes essences a permis de mettre en évidence des

conditions de dégradation moins favorable sous épicéa que sous feuillus (Mikola, 1985; Moukoumi, 2006; Nys and Howson, 1985). L’accumulation et la mauvaise dégradation des litières est une source importante d’acidité organique sous résineux. L’essence forestière est donc un facteur important qui est en forte interaction avec les conditions du milieu (Meentemeyer and Berg, 1986; Toutain, 1974).

La quantité de matière organique dans le sol semble en relation directe avec l’accumulation de litière. D’après les données de la littérature, Gärdenäs (1998) a pu définir un classement des essences suivant les teneurs en MO des sols : épicéa > (pin ; hêtre) > (Douglas ; bouleau ; chêne).

La nitrification

Dans les sols forestiers, l’azote minéral est essentiellement fourni au sol par les dépôts atmosphériques et par la minéralisation de l’azote organique, car la pratique de la fertilisation azotée est très rare.

Les bactéries, les champignons et certains animaux sont capables de transformer l'azote organique en ammonium. L'ammonium peut être oxydé en nitrate par des bactéries chémo-autotrophes, utilisant le CO2 comme source de C. Ces bactéries nitrifiantes autotrophes sont généralement considérées comme acido-sensibles. Certains organismes nitrifiants des sols très acides sont hétérotrophes et utilisent le C organique comme source de C (Brierley et al., 2001; De Boer and Kowalchuk, 2001). Des champignons en particulier, dans les sols forestiers acides et riches en carbone, pourraient transformer directement l'azote organique en nitrate (De Boer & Kovalchuk 2001) mais l'importance de ce processus est encore discutée. La production nette de nitrate dans les humus forestiers est positivement reliée au pH et négativement au rapport C/N, qui définit la disponibilité relative de l’azote et du carbone (Persson et al., 2000). Par contre, dans les horizons minéraux, ces relations sont moins claires. En effet, si le nitrate est présent dans la plupart des sols forestiers dont le pH est neutre ou faiblement acide, et dont le rapport C/N prend une valeur modérée (<15), sa présence ou son absence est beaucoup plus aléatoire, et encore mal expliquée dans les sols très acides à C/N élevé. Une longue série d'observations montre une forte influence des espèces végétales sur la nitrification. Il a été reconnu de longue date que le nitrate est plus abondant sous feuillus que sous résineux, cette différence a été mise au crédit de la meilleure biodégradabilité des litières de feuillus. Les dépôts atmosphériques d’azote sont à l’inverse plus élevés sur les feuillages sempervirents (Nys 1987). Des comparaisons rigoureuses sur le même sol montrent que les

essences feuillues, par rapport aux résineux, et l'âge du peuplement favorisent généralement la nitrification dans les sols (Côté et al., 2000; Jussy et al., 2002; Ranger et al., 2003). Des composés inhibant la nitrification ont été isolés (Northup et al., 1995) dans les litières de Pin sylvestre, mais l'influence de tels composés n'a pas été mise en évidence chez d'autres essences forestières.

Au niveau de la rhizosphère, la quantité d'ammonium est augmentée par rapport au sol global (Colin-Belgrand et al., 2003; Schottelndreier and Falkengren-Grerup, 1999) mais pas la nitrification.

Comme le nitrate, produit par nitrification, ou apporté par les pluies ou dépôts secs, est facilement lixiviable, car non retenu sur le complexe absorbant des sols, l’écosystème forestier doit ‘gérer’ au mieux ce pool sous peine de voir se réduire son stock d’azote organique, et donc sa fertilité.

3.4 Effet des essences sur la microflore et pédofaune

La microflore du sol est fortement influencée par l’essence forestière (Bauzon et al., 1969). Les essences sont susceptibles d’émettre des composés chimiques issus du métabolisme secondaire capable d’activer ou d’inhiber une fonction telle que la nitrification chez les micro-organismes (allélopathie) (Rice et Pancholy, 1972). La microfaune peut aussi être affectée par des processus de ce type : un effet direct lié à un médiateur chimique (terpénoïdes) a été observé sur la croissance de parasites (‘les vers de bourgeons de l’épicéa’) par Zou et Cates, (1997). Ces processus sont mal connus. En tout état de cause, l’effet des mycorhizes et des bactéries est variable : ces organismes peuvent réduire l’altération des silicates en dégradant des composés organiques altérants (Lundström et Öhman, 1990) ou au contraire amplifier l’altération en émettant des acides organiques ou minéraux (Berthelin et Dommergues, 1976; Leyval, 1988). Tyler (1992), montre qu’un nombre important de champignons mycorhiziens sont dépendants de l’essence forestière. Le cortège spécifique de micro-organismes est, au moins en partie, subordonné à l’espèce végétale tant quantitativement que qualitativement (Elmer et al., 2004; Smolander et Kitunen, 2002). Cette sélection peut avoir plusieurs causes : émission probable de messagers moléculaires par l’arbre, effet du substrat d’origine fourni au sol (histochimie des litières), conditions environnementales imposées par l’essence (pH, microclimat etc).

La pédofaune est elle aussi fortement affectée par l’essence dominante et en particulier la microfaune broyeuse et fouisseuse (Deharveng, 1996; Ponge et al., 1986). Plusieurs auteurs

ont noté une diminution des populations de lombriciens sous certains résineux, l’épicéa et le pin notamment (Bonneau, 1983; Graham and H.B., 1991; Saetre, 1998).

3.5 Effet des essences sur la transmittance lumineuse et la

température

La dépendance de la transmittance lumineuse vis-à-vis de l’essence a été constatée par divers écologues de manière empirique (Pigott, 1990) ou mesurée (Canham et al., 1994). En effet, la transmittance lumineuse est négativement corrélée au taux de couverture la canopée et à l’indice foliaire (Bolstad and Gower, 1990; Canham et al., 1994), variables qui sont elles-mêmes dépendantes de l’essence (taux de recouvrement de la canopée : Canham et al., 1994 ; Klinka et al., 1996 ; Indice foliaire : Bolstad et Gower, 1990 ; Bréda, 1999). Pour les espèces nord-américaines, les essences résineuses interceptent plus la lumière que les essences feuillues (Bolstad et Gower, 1990 ; Canham et al., 1994). Pour sa part, (Nihlgard, 1969) a mesuré une transmittance lumineuse inférieure sous l’épicéa par rapport au hêtre.

Cependant, le mode de gestion sylvicole et notamment l’intensité des plantations et des éclaircies modifient considérablement cette variable (Cutini, 1996; Smith, 1993).

Il semble que, du fait de la moindre transmittance lumineuse de son houppier, l’épicéa conduise à une température de l’air légèrement inférieure à d’autres essences. Ainsi, il a été mesuré des températures sous épicéa inférieures à celles de peuplements de hêtres (Nihlgard, 1969) ou de pins (Aussenac, 1975). (Pasak, 1960) fait état d’une diminution des amplitudes thermiques sous l’épicéa par rapport à un peuplement mixte de chênes et pins. A l’inverse, (Vanseren, 1975) n’observe pas de différence de température significative entre une pessière et une hêtraie.

Outre le facteur essence, le traitement du peuplement exerce un rôle fondamental : les peuplements denses exacerbent l’effet essence.

Chapitre 3