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Effet des interactions intra et inter articulaires

Chapitre 5 : Discussion générale et perspectives

1.1 Effet des interactions intra et inter articulaires

À l’épaule, les limites articulaires sont principalement imposées par les muscles tant mono-articulaires que pluri-articulaires196,235. En sollicitant de nombreuses configurations, nous avons mesuré un espace articulaire complexe. Cela reflète les interactions dues au grand nombre et au rôle variable des muscles de l’épaule334. Selon que l’on s’intéresse à une seule ou à plusieurs articulations, ces interactions peuvent être intra- ou inter- articulaires. Les interactions intra-articulaires correspondent à la façon dont chaque degré de liberté permettant d’orienter le bras dans l’espace est affecté par un autre. Tandis que les interactions inter-articulaires comprennent les interactions entre plusieurs articulations constitutives de l’épaule, ou avec des articulations voisines de l’épaule. La discussion qui suit essaie donc d’interpréter les interactions intra- et inter-articulaires mesurées au regard des

types de mouvement réalisés pour les solliciter et de leurs causes anatomiques et fonctionnelles.

1.1.1 Interactions intra-articulaires.

L’épaule permet de mobiliser le bras grâce à trois rotations successives correspondant aux trois axes fonctionnels de l’articulation gléno-humérale210. Le potentiel des muscles à restreindre l’amplitude autour de chacun des axes peut varier en fonction des rotations simultanées autour des autres axes de l’articulation335,336. De ce fait, les amplitudes autour de ces trois axes correspondant à trois degrés de liberté sont également interdépendantes. Au regard des espaces articulaires que nous avons obtenus, aucune relation mathématique simple n’est observable entre ces degrés de liberté. Plusieurs séries de mouvements doivent être réalisées pour caractériser les limites articulaires de l’épaule et leurs interactions. Ces séries doivent permettre de reproduire le plus de combinaisons différentes entre les degrés de liberté145,337.

Pour solliciter les interactions, il est important de définir les types de mouvements qui mettent en évidence l’effet d’une rotation sur les deux autres. Ces mouvements doivent faire varier les trois degrés de liberté en même temps et de façon contrôlée. Par définition, les mesures individuelles de chaque degré de liberté44,216 ne font varier qu’un degré de liberté à la fois. Ainsi, une surestimation de plus de 60% de l’espace de mouvement est obtenue par ces mesures individuelles, par rapport au volume moyen prenant en compte des interactions entre les degrés de liberté. À l’inverse, les mouvements aléatoires pour remplir l’espace articulaire que nous avons testés ne permettent pas de contrôler les degrés de liberté mis en jeu et d’identifier les interactions correspondantes pendant le mouvement. Ainsi, le volume obtenu est en moyenne 30% plus petit que le volume mesuré par des séries de mouvements définies dans notre première étude. Ces séries de mouvements faisant varier les angles d’élévation et de rotation axiale dans plusieurs plans d’élévation successifs remplissent les deux critères de prendre en compte les interactions de façon organisée et donc contrôlée.

Notre étude ne garantit pas que ces séries soient exhaustives. Toutefois, ces séries de mouvements, permettant d’obtenir le plus grand espace de mobilité, ont été choisies pour englober un maximum de configurations et donc d’interactions possibles.

1.1.2 Interactions inter-articulaires.

Hormis les interactions entre les degrés de liberté au sein d’une même articulation, des interactions inter-articulaires existent. Ces interactions peuvent être dues, soit au mouvement indissociable des articulations individuelles de l’épaule au sein d’une articulation globale, soit au mouvement joint des articulations voisines. C’est pourquoi la discussion suivante porte sur la définition articulaire de l’épaule, d’une part, et la mobilisation du coude et du thorax, d’autre part.

1.1.2.1 Interactions entre les articulations de l’épaule.

Plusieurs des muscles croisant l’articulation de l’épaule sont pluri-articulaires. Le cas échéant, ils participent au mouvement et limitent l’amplitude de degrés de liberté associés à plusieurs articulations créant des interactions pluri-articulaires338. Le rythme scapulo- huméral45,46, qui découle de cette organisation musculo-squelettique complexe, rend difficile la dissociation des articulations sterno-claviculaire, acromio-claviculaire, scapulo-thoracique et gléno-humérale dans cette analyse. Toutefois, tant que les paramètres du mouvement, tels que : la vitesse de mouvement224,225 et la charge extérieure83, ne sont pas modifiés, la contribution de chacune de ces articulations à l’amplitude globale de l’épaule est constante d’un sujet à l’autre. Pour la modélisation de l’amplitude articulaire de l’épaule moyenne d’une population asymptomatique, il était donc possible d’englober l’ensemble des interactions sans identifier les degrés de liberté, articulation par articulation. Les mesures obtenues correspondent aux limites de la mobilité du bras par rapport au tronc sans se préoccuper réellement des configurations articulaires individuelles sous-jacentes44,218.

Dans notre première étude, nous avons observé une grande variabilité interindividuelle au niveau de la taille et de la forme de l’espace global atteint par chaque individu. Il est alors difficile de prédire si les contributions relatives des différents degrés de liberté au sein des

espaces individuels restent constantes. Or l’utilisation des équations de régression définissant le rythme scapulaire se base sur cette hypothèse pour prédire la configuration interne de chacune des articulations. De ce fait déduire la mobilité des articulations individuelles à partir de la mobilité globale de l’épaule devrait être évité.

De nombreux facteurs individuels peuvent affecter la fonction musculaire et les contributions relatives des différentes articulations. Ces facteurs peuvent être causés par exemple par des pathologies339,340. Les interactions des degrés de liberté inter-articulaires qui découlent de ces dyskinésies varient en fonction de la pathologie. Dans le cas des amplitudes sécuritaires que nous avons simulées suite à une réparation d’un tendon de la coiffe des rotateurs, la mobilité de chaque degrés de liberté de l’articulation gléno-humérale est réduite différemment selon les muscles impliqués et la taille de la déchirure. De la même façon, lors d’adaptation de la mobilité articulaire de l’épaule suite des sollicitations spécifiques à une activité physique particulière, la contribution des différents degrés de liberté peut être modifiée. L’identification de ces adaptations peut être importante pour permettre d’établir leur lien avec l’amélioration de la performance ou, au contraire, avec l’apparition de blessures. Dans ces deux cas, la dissociation du complexe scapulaire au sein des mesures paraît pertinente, afin de cibler les degrés de liberté directement affectés par l’entraînement ou par les blessures.

1.1.2.2 Interactions avec les articulations voisines de l’épaule.

Parmi les séries de mouvements proposées pour mesurer l’amplitude articulaire de l’épaule, une interaction supplémentaire avec l’articulation du coude s’est révélée importante. Un décalage de l’amplitude de rotation axiale vers l’extérieur a été observé au cours de séries de mouvement réalisées avec le coude fléchi. Contrairement aux articulations incluses dans le rythme scapulo-huméral, le coude peut être actionné individuellement. Toutefois, en prenant leur origine sur la scapula et leur insertion sur l’avant-bras, les longs chefs du biceps et du triceps croisent à la fois l’articulation gléno-humérale et le coude. Ainsi, la flexion ou même la prono-supination du coude –articulation distale de l’épaule– peuvent interférer sur le mouvement et l’amplitude tridimensionnelle de l’épaule comme l’ont

suggéré des études précédentes341,342. De plus, un couplage dynamique entre le coude et l’épaule peut participer à cette interaction233. Par exemple, la contribution des deltoïdes antérieur et médian et du supra-épineux lors de la flexion du bras augmente lorsque le coude est en l’extension. Du fait que de nombreux autres muscles de l’épaule traversent des articulations voisines et s’attachent au thorax, des effets de la posture thoracique343 et de l’activité des muscles grand dorsal et grand pectoral344 sur l’amplitude articulaire de l’épaule ont également été montrés. Une réduction de l’amplitude articulaire maximale de l’épaule a été observée dans une posture voutée associée à une flexion de plusieurs articulations du thorax. Les séries de mouvements à réaliser pour caractériser l’amplitude articulaire de l’épaule nécessitent donc aussi la prise en compte des configurations du coude ainsi que celle du dos.

Il est possible de choisir d’inclure ou de contrôler cette interaction en réalisant des séries de mouvements avec une flexion du coude variable ou, au contraire, bloquée dans une configuration donnée337. Pour des études dans lesquelles la cinématique de l’ensemble du membre supérieur est considérée, il pourrait être envisagé de réaliser les mesures à différents angles de flexion du coude. Dans l’optique de simuler le mouvement, le réalisme pourrait être amélioré si la génération du mouvement comprend une contrainte de limite articulaire de l’épaule tenant compte aussi de la configuration du coude.

Les outils développés dans les études 1 et 3 pour, respectivement, évaluer l’amplitude articulaire tridimensionnelle et simuler cette amplitude en fonction de contraintes maximales tolérées par les muscles pourraient également servir à personnaliser les modèles musculo-squelettiques. Par exemple, la mesure de l’espace de mobilité pourrait permettre d’identifier l’élasticité passives des complexes musculo-tendineux. Aussi, pour résoudre le problème de la redondance du système musculo-squelettique lors de la synthèse de mouvement, la recherche de la solution nécessite de formuler des compromis sous forme de critères à minimiser ou maximiser et de contraintes à respecter. Dans les exemples proposés, les couples musculaires345 ou les activations musculaires346 peuvent être choisis comme critère à minimiser plutôt que comme contrainte. Le présent travail montre que ces forces

devraient plutôt être intégrées sous forme de limites pour chacun des muscles ou plus simplement sous forme de limites articulaires reflétant les limites de l’ensemble des muscles.

La connaissance de l’anatomie des muscles et articulations est utile pour solliciter l’ensemble des interactions intervenant dans l’amplitude articulaire de l’épaule. Toutefois pour ce qui est de l’interprétation des mesures de ces amplitudes et de leurs interactions, la précision et la connaissance des effets du modèle cinématique utilisé sont également nécessaires.

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