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PERCOLATION SUR LA MOBILISATION DU COD ET DES CAP

6.4.1. Effet du compartiment biologique

Comme nous avons pu l’observer précédemment, la concentration des CAP tend à diminuer dans les eaux au cours de la percolation (Figure 4- 9). Cette tendance est la plupart du temps observée lors d’essais de lixiviation en conditions dynamiques (Wehrer and Totsche, 2005, 2007, 2009). Cependant, les courbes de percée de certains CAP, comme c’est le cas par exemple pour le fluorène (Figure 4- 14), présentent de manière presque systématique une chute de la concentration en début de séquence suivie d’une augmentation progressive pendant la percolation.

Figure 4- 14 : Courbes de percée du fluorène issues des colonnes de terre MG brute (MG-BT) et préchauffée (MG-PC)

Pour chaque séquence étudiée, le débit appliqué est fixe sur les 9 volumes poreux injectés induisant des temps de résidence des eaux au sein de la colonne équivalents d’un volume poreux à un autre. Cependant, le temps de séjour des eaux dans les flacons de collecte en verre ambré au cours de la séquence n’a pas été le même. En effet, conscients que des phénomènes de sorption des CAP sur les parois en verre des contenants pouvaient survenir, le temps de contact a été limité et les eaux ont été extraites dès la fin de l’élution du dernier volume poreux de chacune des séquences (soit 9 Vp au maximum). Néanmoins, entre le 1er percolat collecté et le dernier, plusieurs heures se sont écoulées (17 h pour un débit de 5 mL/min) avant que les échantillons ne soient extraits par SPE pour une quantification des CAP.

Hypothèse I : Sorption des CAP sur les flacons de collecte

Les composés les moins solubles (les plus hydrophobes) sont les plus susceptibles de se sorber sur le verre (Figure 2- 6). L’ensemble des CAP de haut poids moléculaire (à partir de 4 cycles benzéniques) ne montre pas cette évolution particulière (baisse brutale initiale puis augmentation progressive). Ainsi, l’hypothèse d’une sorption des CAP sur les parois en verre des flacons, qui devrait affecter préférentiellement les composés de haut poids moléculaire les moins solubles (Tests de conservation en bouteille – Figure 2- 6), n’est pas compatible avec nos observations.

Hypothèse II : Biodégradation sélective des CAP

La tendance (chute brutale suivie d’une augmentation progressive de la concentration au cours de la percolation pour une séquence donnée) est principalement observée pour les CAP légers (jusqu’à 3 cycles). Toutefois, cette tendance qui est observée pour l’acénaphtène (excepté dans des conditions de débit rapide), ne semble pas affecter l’acénaphtylène (Figure 4- 15). Les mêmes tendances sont observées pour le couple phénanthrène (chute puis augmentation) et anthracène (non impacté).

Figure 4- 15 : Courbes de percée de l'acénaphtène et de l'acénaphtylène issues de la colonne de terre MG brute (MG-BT)

Or, lors d’expériences de bioremédiation de terres contaminées par des CAP, Biache et al. (2017) ont observé une cinétique de dégradation plus lente pour l’acénaphtylène comparée à la cinétique de dégradation de l’acénaphtène. Les auteurs expliquent la différence observée par une stabilité différente des molécules : la double liaison présente dans le cycle à 5 carbones de l’acénaphtylène rend plus stable sa structure moléculaire face à une biodégradation en comparaison avec l’acénaphtène. Les auteurs observent également

une différence de cinétique de dégradation entre le phénanthrène (dégradé plus rapidement) et l’anthracène (dégradé moins rapidement).

Ainsi la chute observée en début de séquence (correspondant aux temps de séjour les plus longs dans les flacons de collecte) suivie de l’augmentation de la concentration pour certains composés (cas notamment de l’acénaphtène et du phénanthrène) pourrait être expliquée par une biodégradation des CAP survenue dans les eaux alors qu’elles étaient dans les flacons de collecte, ce phénomène étant d’autant plus fort que le temps de séjour est élevé. Cette biodégradation affecte apparemment aussi bien les lixiviats issues de la colonne MG-BT (disponibilité faible) que MG-PC (disponibilité élevée).

La cinétique de dégradation de ces composés paraît extrêmement rapide (17 h par rapport à une durée d’expérience de plusieurs mois dans l’étude de Biache et al. (2017)), d’autant plus qu’un bactéricide a été utilisé dans le cadre de nos travaux (azoture de sodium, NaN3, 200 mg/L dans la solution de percolation). Nous pouvons considérer qu’une fois solubilisés dans les eaux, les CAP sont (bio)disponibles et sont donc susceptibles d’être facilement dégradés par les micro-organismes. De plus, alors que 100 mg de NaN3 avaient été ajoutés pour 50 g de terre lors de nos expériences en batch (cf. conditions expérimentales en batch – chapitre 3), 110 mg de NaN3 ont été introduits pour 1700 g de terre par volume poreux (environ 560 mL) pour les expériences en colonne, soit 31 fois moins. Il est donc probable que l’effet du bactéricide utilisé à ces concentrations n’ait pas été suffisamment efficace. Nous ne pouvons pas également écarter une potentielle sorption de l’azoture de sodium sur la matrice solide lors de la percolation, ce qui conduirait à diminuer sa concentration dans les eaux en sortie de colonne et donc son efficacité.

Certains CAP-O jusqu’à 4 cycles présentent également un comportement compatible avec une biodégradation (augmentation progressive de leur concentration suite à une baisse notable en début de séquence) lorsque les temps de séjours des lixiviats dans les flacons de collecte sont importants. C’est le cas du dibenzofurane (Figure 4- 16), de la méthylanthracènedione, de la benzoanthracènedione, de la naphthacène-5,12-dione et potentiellement de l’anthraquinone. En revanche, aucun des CAP-N suivis n’a présenté d’évolution à relier avec ce phénomène de biodégradation.

Ces processus de biodégradation n’affectant qu’un certain nombre de CAP (notamment les HAP), ne sont pas corrélés avec l’apparition de sous-produits supplémentaires en particulier des CAP oxygénés.

Figure 4- 16 : Courbes de percée du dibenzofuran issues des colonnes de terre MG brute (MG-BT) et préchauffée (MG-PC)

Compte tenu de la biodégradation survenue au cours de l’expérience, seuls les composés ne présentant pas d’évolution de concentration associée à un processus de biodégradation (pas de baisse brutale en début de séquence suivi d’une augmentation progressive) sont considérés pour la suite de l’étude des mécanismes de mobilisation.

Par conséquent, dans cette partie nous discuterons les courbes de percée de l’anthracène (HAP), de la périnaphténone (CAP-O) et de l’acridine (CAP-N) pour les composés à 3 cycles benzéniques et les courbes de percée du fluoranthène (HAP), de la cyclopenta(def)phénanthrone (CAP-O) et de la benzo(c)acridine (CAP-N) pour les composés à 4 cycles benzéniques.