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3.2 Par mod´elisation

3.2.1 Mod`eles pr´edictifs

3.2.1.1 Mod`eles statistiques

L’un des moyens de construire un mod`ele pr´edictif des d´eformations `a venir est de constituer un mod`ele statistique de ces d´eformations. `A l’aide d’analyses statiques (g´e- n´eralement en composantes principales), il est possible d’extraire les principaux modes de d´eformations issues de cas cliniques, afin de pouvoir pr´edire ces modes pour de nou- veaux cas. Ce type de mod`ele n´ecessite une phase d’apprentissage sur un tr`es large jeu de donn´ees. Par exemple, si l’on souhaite construire un mod`ele statistique fiable de la d´eformation de la colonne vert´ebrale, au moins 20 patients sont n´ecessaires, chacun d’entre eux devant ˆetre scann´es entre dix et cent fois dans diff´erentes positions pour diff´erentes amplitudes de d´eformation [Davatzikos 2001]. Cette d´emarche semble cepen- dant limit´ee dans le cas de proc´edures neurochirurgicales de par ses difficult´es `a prendre en compte les sp´ecificit´es de chaque op´eration. En effet, la variabilit´e prise en compte au niveau de l’anatomie et des forces en jeu reste faible. De plus, la complexit´e et le coˆut calculatoire engendr´es par l’utilisation d’un tel mod`ele est consid´erable, surtout en trois dimensions. Dans leur conclusion, les auteurs proposent donc une alternative : construire un a priori statistique des d´eformations par apprentissage sur un mod`ele biom´ecanique bas´e sur l’anatomie r´eelle du patient avant l’op´eration. Dans un second temps, cette connaissance a priori des d´eformations est guid´ee par des images intrao- p´eratoires en cours d’op´eration.

3.2.1.2 Mod`eles biom´ecaniques

Une autre solution envisageable, pour la construction d’un mod`ele pr´edictif du “brain shift”, est la r´ealisation d’un mod`ele biom´ecanique complexe du cerveau tra- duisant les propri´et´es des tissus le composant ainsi que les forces en jeu. Pour ce faire, on utilise g´en´eralement la m´ethode des ´el´ements finis afin de discr´etiser le domaine d’in- t´egration du mod`ele et donc de permettre sa r´esolution num´erique. Cette discr´etisation se r´ealise `a l’aide de nœuds constituant un maillage `a forme variable (cf Fig. 3.1).

Chacun de ces nœuds suit un mouvement d´ecrit par le mod`ele m´ecanique, les forces en jeu et des conditions limites. Les param`etres m´ecaniques du mod`ele, comme le mo- dule de Young ou le coefficient de Poisson, peuvent ˆetre variables suivant la nature du tissu mod´elis´e. `A noter que la valeur de ces param`etres est soit d´etermin´ee `a partir

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Fig. 3.1 – G´en´eration du maillage sur les IRM pr´eop´eratoire apr`es segmentation du cortex et des ventricules. Illustration tir´ee de [Ferrant 2001].

de la litt´erature, soit estim´ee `a l’aide de mod`eles et d’observations, ou enfin via des exp´eriences rh´eologiques men´ees sur le porc [Miller 2000].

Dans le cadre de la mod´elisation pr´edictive des d´eformations, le mod`ele propos´e par Miga et al. [Miga 1999, Miga 2000a, Miga 2001b] fait partie des plus complets. Celui-ci est bas´e sur un mod`ele biom´ecanique o`u le cerveau est repr´esent´e comme un milieu rempli de liquide qui s’en ´echappe. Les tissus c´er´ebraux sont mod´elis´es comme un corps ´elastique contenant un fluide interstitiel. Dans un premier temps, les auteurs r´ealisent la segmentation des images pr´eop´eratoires en diff´erents compartiments, chacun de ces compartiments repr´esentant des r´egions aux propri´et´es m´ecaniques particuli`eres. Puis, les fronti`eres s´eparant ces compartiments sont transform´ees en surfaces. Enfin, le mod`ele par ´el´ements finis est construit en d´efinissant un maillage `a l’aide de nœuds au sein des diff´erents compartiments. Le mod`ele propos´e par Miga et al. prend ´egalement en compte l’influence de la gravit´e intervenant dans l’´equilibre m´ecanique du mod`ele. Ainsi, `a l’aide de la position du patient par rapport `a la direction de la gravit´e et d’une estimation de la quantit´e de liquide c´ephalo-rachidien dans le crˆane, le mod`ele est capable d’estimer les d´eformations du cerveau dans son ensemble. Les r´esultats, obtenus par ces ´etudes sur 4 cas, montrent que ce mod`ele semble compenser `a 79% le ph´enom`ene de “brain shift”. L’erreur du mod`ele est estim´ee de 1.2 ± 1.3 mm sur un d´eplacement moyen de 5.7 ± 2.0 mm [Miga 1999]. Cette erreur est obtenue en comparant point par point le d´eplacement de la surface corticale calcul´e par le mod`ele avec les mesures intraop´eratoires issues d’images vid´eo. Les travaux r´ecents de ce groupe ont port´e sur l’incorporation de la r´esection et de la r´etraction des tissus dues `a l’acte chirurgical. La validation de la mod´elisation de la r´etraction sur le porc a montr´e une augmentation de la pr´ecision de plus de 1 mm de la pr´ediction [Miga 2001b, Platenik 2002]. Pour le moment ce type de compensation demande 5 heures `a un op´erateur exp´eriment´e afin de segmenter les images pr´eop´eratoires et g´en´erer le maillage [Miga 2001b]. De plus, le calcul des d´eformations au cours de l’op´eration prend entre cinq et dix minutes [Miga 2001b], alors qu’il serait souhaitable qu’il prenne moins d’une minute [Gobbi 2003]. Le coˆut calculatoire de ce mod`ele reste `a l’heure actuelle son principal inconv´enient.

Afin d’´eviter la pr´esence d’un op´erateur pour r´ealiser la segmentation des images pr´eop´eratoires et la g´en´eration du maillage, Castelleno et al. [CastellanoSmith 2001, CastellanoSmith 2002] automatisent cette ´etape en effectuant un recalage non-rigide entre ces images et un atlas. Ils obtiennent de cette mani`ere les surfaces corticales et ventriculaires, ainsi que la carte de segmentation de la mati`ere blanche et de la ma-

ti`ere grise. N´eanmoins, la segmentation des structures pathologiques reste manuelle. Le mod`ele prend en compte les caract´eristiques sp´ecifiques des deux types de tissus c´er´ebraux, mais ´egalement la d´eformation distincte de ceux-ci par rapport au syst`eme ventriculaire. En effet, les ´el´ements du maillage des tissus poss`edent des poids et des propri´et´es m´ecaniques particuliers suivant leur appartenance tissulaire, et le maillage des ventricules est construit ind´ependamment de celui des tissus c´er´ebraux. Tous les tissus sont mod´elis´es comme des solides ´elastiques lin´eaires. Grˆace `a sa structure par- ticuli`ere, les auteurs pensent que ce mod`ele pourra `a terme prendre en compte la perte de liquide c´ephalo-rachidien, la pression sanguine ainsi que l’influence de drogues. `A l’heure actuelle, l’´etape de validation se r´eduit `a une comparaison entre les images post- op´eratoires et les images simul´ees, la validation par imagerie intraop´eratoire n’ayant pas encore ´et´e r´ealis´ee.

Dans le cadre de la pr´ediction du “brain shift”, il est ´egalement possible de combi- ner diff´erents mod`eles physiques de d´eformations comme le proposent Hagemann et al. [Hagemann 2002]. Ce type de combinaison est notamment utilis´e afin d’affiner la simu- lation des mouvements apparaissant au niveau des interfaces de r´egions ´elastiques et visqueuses. Les auteurs simulent donc trois types de tissus par trois mod`eles physiques diff´erents. Contrairement `a de nombreuses autres approches o`u la diff´erence tissulaire est induite par une variation des param`etres m´ecaniques comme le module de Young ou le coefficient de Poisson [Ferrant 1999, Hagemann 1999b, Lester 1998, Paulsen 1999], Hagemann et al. mod´elisent des d´eformations rigides, ´elastiques et visqueuses suivant la nature de la r´egion. Les d´eformations sont r´egies par les ´equations de Navier pour les mat´eriaux ´elastiques et celles de Navier-Stockes pour les fluides. Ce mod`ele est r´esolu via la m´ethode des ´el´ements finis, appliqu´ee s´epar´ement `a chaque r´egion. La segmenta- tion des r´egions homog`enes est effectu´ee de mani`ere semi-automatique et les param`etres m´ecaniques sont issus de la litt´erature [Hagemann 1999a]. Ce mod`ele biom´ecanique est `a l’heure actuelle utilis´e pour propager la d´eformation obtenue par la mise en corres- pondance semi-manuelle d’amer entre des images pr´e et postop´eratoires afin d’´eviter l’utilisation explicite de forces externes. Les auteurs montrent que la pr´ediction des d´eformations `a l’aide de cette mod´elisation donne de meilleurs r´esultats qu’une mod´e- lisation purement ´elastique. N´eanmoins, en raison de son coˆut calculatoire important, cette approche voit son utilisation restreinte pour l’instant en 2D.

Le mˆeme type de d´emarche a ´egalement ´et´e r´ealis´e en utilisant la m´ethode des ´el´ements fronti`eres, o`u seuls les contours des r´egions sont discr´etis´es [Ecabert 2003]. Si cette m´ethode est cens´ee ˆetre plus rapide, car engendrant moins de calculs, il s’av`ere que la nature du calcul matriciel `a r´esoudre est plus complexe et donc ne permet pas de r´eel gain de temps. Le mod`ele sera `a terme guid´e par imagerie intraop´eratoire afin d’affiner les conditions limites du d´eplacement.

3.2.1.3 Conclusion

Cette ´etude des mod`eles pr´edictifs a permis de mettre en ´evidence la limite concep- tuelle de ces approches, limite li´ee `a deux aspects en apparence contradictoires.

Par mod´elisation 37 rendre compte de la complexit´e du ph´enom`ene observ´e. En effet, de nombreux autres facteurs non pris en compte ont une influence non n´egligeable sur le “brain shift” comme nous l’avons vu d`es les chapitres pr´ec´edents. Pour rappel, ces fac- teurs peuvent ˆetre l’administration de drogues, la perte du liquide c´er´ebro-spinal (LCS), l’interaction entre le LCS et les tissus, la variation de la pression intra- crˆanienne, la complexit´e g´eom´etrique des structures anatomiques et la variabilit´e interpatient.

– Deuxi`emement, la complexit´e ´elev´ee de ces mod`eles conduit `a un coˆut calcula- toire ´elev´e. Si nous venons de souligner que les mod`eles pr´edictifs comme toute mod´elisation font preuve de r´eductionnisme, cela ne les empˆeche pas d’atteindre des degr´es de complexit´e et de non-lin´earit´e les rendant tr`es coˆuteux en temps de calcul.

Devant ces deux versants de la mˆeme limitation intrins`eque, on comprend facile- ment l’´evolution qu’a suivi la majorit´e des ´equipes d´eveloppant ces mod`eles vers des mod`eles guid´es par l’imagerie intraop´eratoire [Skrinjar 2001, Ferrant 2002, Miga 2003, Ecabert 2003]. En effet, l’apport d’information suppl´ementaire dans le mod`ele permet de prendre en compte les facteurs pr´ec´edemment cit´es, mais ´egalement de r´eduire sa complexit´e en fixant les conditions aux limites.

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