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I. Contamination de l’environnement par les résidus de médicaments

I.2 Présence de résidus de médicaments dans l’environnement

I.2.3 Les eaux usées et les effluents de stations d’épuration

La présence des résidus de médicaments dans les affluents et effluents de stations d’épuration (STEP) est bien documentée, comme en atteste la synthèse bibliographique de Verlicchi et al. (2012a), qui a compilé les données rapportées dans la littérature sur 264 STEP réparties dans le monde. Un total de 118 principes actifs appartenant à 17 classes thérapeutiques différentes a été recherché dans les eaux usées urbaines brutes et traitées. 244 STEP sur 264, comportaient des systèmes conventionnels de traitement à boues activées (BA), alors que les autres, équipées de bioréacteurs à membrane (BRM), correspondaient à des stations de taille pilote. 68 % des STEP étaient situées dans des pays d'Europe (Espagne, Allemagne, Italie, Suisse, Suède, Autriche, GB, Finlande, France, Grèce et Danemark), 14 % en Amérique (États-Unis, Canada et Brésil), 14 % en Asie (Chine, Japon, Israël, Corée du Nord et du Sud) et 4 % en Australie.

La figure 8 présente les concentrations en médicaments dans les affluents et les effluents des différentes STEP étudiées, en fonction des classes thérapeutiques définies par Verlicchi et ses collaborateurs (2012a). Globalement, les concentrations dans les effluents sont inférieures à celles observées dans les affluents d’un facteur 10, les teneurs variant de quelques ng/L à quelques dizaines de µg/L, que ce soit avant ou après traitement.

Figure 8. Concentrations en médicaments dans les affluents et effluents de 264 STEP en fonction des classes thérapeutiques. Les ronds correspondent aux STEP avec système à boues activées (BA) et les croix aux STEP avec réacteur à membranes biologiques (BRM).

Les valeurs correspondent aux nombres de données pour chaque classe thérapeutique [Verlicchi et al., 2012a].

Dans ce travail de synthèse, il apparait que ce sont les analgésiques/anti-inflammatoires qui sont les plus recherchés avec plus de 800 données, avant les antibiotiques (plus de 500 données), les psychotropes (200 données), les régulateurs des lipides (hypo ou hyper lipémiants), les hormones et les bétabloquants (entre 150 et 200 données).

Dans les eaux brutes, la concentration maximale rapportée correspond à l’ibuprofène (373 µg/L) et la concentration moyenne maximale à l’acétaminophène (38 µg/L). Parmi les antibiotiques, les bétabloquants et les psychotropes, les concentrations maximales sont respectivement de 32 µg/L pour l’ofloxacine, 25 µg/L pour l’aténolol et 22 µg/L pour la carbamazépine.

Dans les eaux traitées, les concentrations maximales les plus élevées ont été trouvées pour les régulateurs des lipides (acide fénofibrique : 80 µg/L), les bétabloquants (aténolol : 73 µg/L) et les analgésiques/anti-inflammatoires (tramadol : 57 µg/L et ibuprofène : 48 µg/L). On note également les concentrations maximales les plus élevées pour le triméthoprime (6,7 µg/L) et la ciprofloxacine (5,7 µg/L) parmi les antibiotiques et pour la carbamazépine (20 µg/L) parmi les psychotropes [Verlicchi et al., 2012a].

Jusqu’à présent, les STEP n’étaient conçues pour éliminer les traces de polluants dits émergents et correspondant à une large gamme de molécules organiques retrouvées à de faibles teneurs. Les STEP ont été construites puis modernisées dans le but principal d'éliminer les composés biodégradables (carbone, azote, phosphore) et les microorganismes présents

dans les eaux usées brutes à des concentrations de l'ordre du mg/L et de 106 UFC/ 100 mL,

respectivement.

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Très schématiquement, la plupart des STEP françaises comportent une étape de prétraitement puis un traitement primaire et un traitement secondaire.

- Le prétraitement consiste généralement en un dégrillage, suivi d’un bac de dessablage

et d’une unité de dégraissage qui permettent d’éliminer les éléments solides, le sable et les graisses.

- Le traitement primaire réduit la quantité de matières particulaires par décantation avec

parfois des étapes préalables de coagulation et de floculation.

- Les traitements secondaires sont des procédés biologiques de digestion par des

biomasses largement bactériennes (BA) qui éliminent la matière organique dissoute biodégradable carbonée principalement en phase aérobie mais aussi azotée et phosphorée si les unités de traitement sont équipées d’installations spécifiques. A l’issue de ce traitement, un décanteur secondaire permet de récupérer les biomasses en suspension et de les évacuer vers une unité de traitement des boues.

De nouvelles STEP s’équipent de biofiltres constitués de supports solides sur lesquels prolifère la biomasse active, permettant d’éviter les décantations secondaires. De nouvelles technologies combinent une phase de biodégradation par BA suivie d’une filtration sur membranes constituant ainsi un bioréacteur à membrane (BRM).

Il existe également des unités de lagunage et des petites unités basées sur des plantations favorisant le développement des bactéries dans des systèmes immergés.

Certaines stations commencent à s’équiper d’un traitement tertiaire comme la filtration sur sable, le lagunage de finition et parfois même l’oxydation par ozonation ou la filtration sur charbon actif pour éliminer les micropolluants récalcitrants.

Les concentrations en micropolluants dans les boues ou les matières en suspension ne sont pas souvent prises en compte dans les études de l’efficacité des filières de STEP. Les résultats portant sur l'élimination des composés ne signifient donc pas toujours qu'ils ont été dégradés au cours du traitement mais qu'ils ont disparu de la phase dissoute, avec la possibilité d’avoir été adsorbés sur les particules et de se retrouver ainsi plus ou moins partiellement dans les boues.

En France, dans le cadre de l’étude Amperes « Analyses de Micropolluants Prioritaires et

Émergents dans les Rejets et les Eaux de Surface » coordonnée par l’Institut national de Recherche en Sciences et Technologies pour l’Environnement et l’Agriculture (IRSTEA - ex CEMAGREF) à Lyon, des campagnes de mesure ont été réalisées dans 15 STEP dont 12 avec des filières d'épuration différentes, afin d’évaluer les concentrations en 33 médicaments dans les eaux usées brutes et traitées ainsi que dans les boues traitées [Amperes, 2009].

Dans les affluents, les concentrations les plus fortes ont été observées pour le paracétamol et l’aspirine avec des teneurs rapportées jusqu’à 400 µg/L, pour l’ibuprofène jusqu’à 20 µg/L et le kétoprofène jusqu’à 12 µg/L. Pour la majorité des produits, les concentrations varient entre

Figure 9. Concentrations en hormones et médicaments mesurées dans les eaux usées brutes de 21 STEP dans le cadre de l’étude AMPERES en France [Soulier et al., 2011].

Groupe 1 : 5 hormones, OXP : oxprénolol, MET : métoprolol, TIM : timolol, PROP : propranolol, NAD : nadolol, BET : bétaxolol, BIS : bisoprolol, DIAZ : diazépam, NORDIA : nordiazépam, AMI : amitryptiline, DOX : doxépine, IMI : imipramine, CLEN : clenbutérol, SALBU : salbutamol, TERBU : terbutaline, APZ : allprazolame, BRZ : bromazépam, FLUOX : fluoxétine.

Groupe 2 : ACE : acébutolol, ATE : aténolol, SOT : sotalol, SFMX : sulfaméthoxazole, ROXI : roxithromycine, CAF : caféine, CARBA : carbamazépine, IBU : ibuprofène, KETO : kétoprofène, NAPRO : naproxène, DICLO : diclofénac, GEM : gemfibrozil, THEO : théophylline

Groupe 3 : PARA : paracétamol, ASP : aspirine.

Lors de ce projet, les phases particulaire et dissoute ont été étudiées sur 2 STEP mettant en évidence que la majeure partie des hormones et des médicaments recherchés sont présents dans la phase dissoute (85 % à 100 %).

Figure 10. Concentrations en hormones et médicaments mesurées dans les eaux usées

traitées secondaires de 21 STEP dans le cadre de l’étude AMPERES en France [Soulier et al., 2011].

En aval des traitements secondaires, les concentrations sont inférieures à 6 µg/L, y compris pour les 4 médicaments en fortes concentrations dans les affluents et pour 66 % des produits, les concentrations ne dépassent pas 1 µg/L (Figure 10).

Les traitements biologiques secondaires de type BA en aération prolongée permettent d’obtenir des rendements supérieurs à 70 % pour 50 % des molécules étudiées [Soulier et al., 2011]. La performance des BA varie beaucoup selon les molécules : par exemple, l’abattement est de 98 % pour l’ibuprofène alors qu’il est de 9 % pour le diclofénac. Afin d’améliorer la performance d’épuration, des traitements complémentaires peuvent être

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Deux types de traitement tertiaire ont été étudiés : les traitements d'affinage (décantation rapide, filtration sur sable et lagunage tertiaire) et les traitements avancés (ozonation, filtration sur charbon actif et osmose inverse). Dans les eaux traitées, 80 % des médicaments ont été quantifiés à des concentrations de l’ordre de quelques µg/L après des traitements d’affinage et de l’ordre du dixième de µg/L après des traitements avancés (Figure 11).

Figure 11. Concentrations en hormones et médicaments mesurées dans les eaux issues de traitements tertiaires de 6 STEP dans le cadre de l’étude AMPERES en France [Soulier et

al., 2011].

L’efficacité des traitements biologiques dépend du type d’installation. Dans le cadre d’un programme de surveillance au Royaume-Uni des eaux usées brutes et traitées,

Kasprzyk-Hordern et al. (2009) ont observé une meilleure performance des BA par rapport aux filtres

bactériens pour 26 médicaments sur 33 étudiés : par exemple, le sulfaméthoxazole est éliminé à 70 % par les BA alors qu'il n'est pas éliminé avec un traitement biologique par filtres bactériens (Figure 12). Les traitements de biodégradation conduisent parfois à des concentrations en sortie de traitement supérieures à celles en entrée ce qui est généralement interprété comme étant lié à un phénomène de déconjugaison de métabolites.

Figure 12. Comparaison des traitements par boues activées et par biofiltres pour l’élimination de 33 principes actifs de médicaments en Grande Bretagne [Kasprzyk-Hordern et

al., 2009].

Miège et al. (2009) ont synthétisé les données de 117 articles incluant les concentrations dans les affluents et effluents de STEP avec traitement par BA, ainsi que les abattements obtenus. Les taux d’abattements varient entre 5 % et 110 % pour 50 médicaments et produits de soin corporels (Figure 13). La majorité des résultats confirment les observations de

Kasprzyk-Hordern et al. (2009) mais certains sont plus divergents, comme par exemple l’aténolol

éliminé à 80 % dans l’étude anglaise et figurant parmi les produits peu éliminés dans la revue de Miège et al. (2009).

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Conclusion :

- Les résidus de médicaments sont présents à des concentrations supérieures au µg/L en entrée de STEP, certains étant mesurés à des teneurs approchant le mg/L ;

- Les traitements épurateurs ne sont pas efficaces à 100 % et certains médicaments sont très peu éliminés, notamment la carbamazépine, certains β-bloquants et sulfamides ;

- Les traitements tertiaires peuvent améliorer la performance des STEP ;

- Les concentrations dans les effluents de STEP peuvent atteindre le µg/L pour certains médicaments, notamment ceux consommés en grande quantité (paracétamol, ibuprofène, kétoprofène) ou peu dégradés (carbamazépine, aténolol).