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DES DYNAMIQUES INDUSTRIELLES ET TECHNOLOGIQUES FAVORABLES AU DEVELOPPEMENT DE

CHAPITRE 2. QUELQUES EXPERIMENTATIONS FRANÇAISES D’INCITATION COMPORTEMENTALE

1. DES DYNAMIQUES INDUSTRIELLES ET TECHNOLOGIQUES FAVORABLES AU DEVELOPPEMENT DE

COMPORTEMENTALE

Le développement des incitations comportementales s’inscrit dans une certaine actualité des politiques énergétiques françaises. Le mouvement de généralisation des compteurs électriques communicants en est un puissant moteur, qui vient renforcer l’importance de la thématique du comportement, et plus précisément de l’incitation comportementale, dans la consommation d’énergie. Ce contexte se révèle donc particulièrement porteur pour la thématique.

1.1. Les réseaux électriques intelligents

La Task Force Smart Grid61 européenne définit les réseaux intelligents comme « des réseaux

électriques capables d'intégrer efficacement les comportements et actions de tous les utilisateurs qui y sont raccordés – producteurs, consommateurs, et utilisateurs à la fois producteurs et consommateurs – afin de constituer un système rentable et durable, présentant des pertes faibles et un niveau élevé de qualité et de sécurité d'approvisionnement ». Le terme « Smart grid » désigne ainsi l’apport des nouvelles technologies de l’information dans la formation d’un réseau « intelligent » de production, stockage et distribution d’électricité, permettant notamment de gérer les pics de consommation, d’ajuster l’offre à la demande d’énergie, et d’y intégrer de nouvelles sources d’énergies renouvelables (ENR). Comme le soulignent Frédéric Bauchot et Benoit Marcoux62, les objectifs visés par ces dispositifs varient selon le contexte national. Si la

problématique de la gestion de la pointe est déterminante aux Etats-Unis, l’enjeu prioritaire pour le Danemark réside plutôt dans l’intégration des ENR décentralisées. Sous l’effet de la libéralisation du marché de l’énergie dans l’Union Européenne, le nombre d’acteurs se multiplie à tous les maillons de la chaîne de production. La montée de la production décentralisée d’électricité (en particulier les énergies renouvelables) pose un autre défi aux infrastructures actuelles, notamment à cause de son caractère intermittent et de la difficulté à la stocker. Cette hausse de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique s’inscrit d’ailleurs dans des objectifs contraignants fixés par la Commission européenne (directive 2009/28/CE). Pour ces raisons, le développement d’un réseau « communiquant » de production et distribution d’énergie constitue un enjeu important, à la fois pour les gouvernements et l’ensemble des acteurs du marché de l’énergie et des nouvelles technologies de communication.

Le déploiement de réseaux intelligents est identifié comme une priorité par la Commission Européenne, qui le considère comme une des voies de réalisation des objectifs de l’Union en matière d'énergie et de climat. Le smart grid est également désigné comme un moyen, de la part

61 December 2010, EU Commission Task Force for Smart Grids, Expert Group 1: Functionalities of smart grids

and smart meters, Final Deliverable;

http://ec.europa.eu/energy/gas_electricity/smartgrids/doc/expert_group1.pdf

38 des Etats, d’atteindre les objectifs d’efficacité énergétique qui leur ont été fixés63. Le sixième

Programme-cadre de recherche et de développement (PCRD) (2002-2006) a financé à la hauteur de 190 millions d’euros des projets s’inscrivant dans la thématique « réseaux intelligents et intégration des énergies renouvelables ». Le septième programme cadre (2007-2013) reconduit ces financements. La plate-forme SmartGrid (ETP SmartGrid – European Technology Platform) (SmartGrids Forum depuis juin 2009) a également été créée par la Commission européenne en 2005, afin de coordonner les financements des PCRD.

1.2. Le compteur communicant et l’information personnalisée du ménage

sur sa consommation

Le compteur « communicant » ou « intelligent » 64 est un dispositif distinct mais couplé aux smart

grids. Disposant de technologies avancées (Automated Meter Reading), il permet l’analyse précise de la consommation énergétique d’un bâtiment et la transmission de ces données à un gestionnaire central. En France, comme dans l’ensemble de l’Union Européenne, les compteurs intelligents sont destinés à être généralisés. En effet, la directive européenne «Électricité» (2009/72/CE) s’inscrivant dans le cadre du Plan climat énergie (2008) impose aux États membres une évaluation du déploiement de « systèmes intelligents de mesure », et d’ici à 2020 le remplacement de 80 % des compteurs existants par des compteurs communicants. Suite à une première expérimentation entre 2010 et 2011, ERdF est entré dans une phase de généralisation, avec l’objectif de 35 millions de compteurs d’ici à 2020. La loi relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité (10/01/2000) prévoit que « les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité mettent en œuvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l’année ou de la journée et incitant les utilisateurs des réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l’ensemble des consommateurs est la plus élevée ».

La problématique de la gestion de la pointe est donc déterminante dans la généralisation des compteurs communicants. Le smart meter peut influer sur cette gestion de la pointe à la fois en permettant l’effacement et la mise en place de tarifs variables. La capacité de contrôler à distance les appareils qui lui sont connectés (effacement ou délestage) permet à ce type de compteur d’ « effacer » temporairement certaines consommations. De plus, le smart meter, en tant qu’il permet une mesure exacte et en temps réel de la consommation énergétique, peut être le support technique de la mise en œuvre de tarifs variables de l’énergie selon le moment de consommation (en anglais, « Demand Response »65).

La problématique comportementale investit l’objet smart meter par la possibilité qu’il ouvre au niveau du « feedback », ou retour d’information sur la consommation réelle. Le compteur

63 Communication de la Commission au Parlement Européen, au Conseil, au Comité économique et social

européen et au Comité des régions - Réseaux intelligents: de l'innovation au déploiement ; 12.4.2011

64 Smart Metering: A review of Smart Metering and Survey options for Energy. Robert Johnson, September

2010, University of East Anglia – School of Environmental Sciences (LCIC)

65 Demand response is a tariff or programme established to motivate changes in electric use by end-use

customers in response to changes in the price of electricity over time, or to give incentive payments designed to induce lower electricity use at times of high market prices or when grid reliability is jeopardized”, US Department of Energy

39 intelligent est porteur d’un enjeu environnemental en ce qu’il peut rendre plus visible la consommation d’énergie, et son niveau de consommation. L’hypothèse première sous-jacente est qu’une meilleure information de l’usager lui permettra de mieux contrôler et de réduire sa consommation d’énergie. Celle-ci s’inscrit dans le paradigme classique de l’homo oeconomicus, selon lequel une meilleure information sur les coûts permet un arbitrage plus pertinent66. Le smart meter est donc présenté comme un outil pour maîtriser la consommation d’énergie, via un feedback sur sa consommation (par exemple sous forme d’affichage instantané), mais aussi la possibilité de déconnecter à distance certains appareils, de déclencher des signaux, des alarmes ou d’autres dispositifs.

Le smart meter est donc un objet technique d’abord conçu pour répondre aux enjeux de gestion de la pointe et de modernisation du système de distribution énergétique. Il répond également à des enjeux environnementaux, notamment à travers la transformation des comportements. Il pourrait ainsi constituer un instrument de maîtrise de la demande d’énergie en transformant les comportements de consommation par l’information personnalisée qu’il peut fournir, ou feedback. Même s’il est loin d’être le seul dispositif permettant aux ménages de disposer de feedback67, sa

diffusion renforce de fait la thématique de l’incitation comportementale. La puissance publique, à travers l’ADEME, finance l’innovation dans ce domaine, par exemple par le programme « investissement d’avenir » de l’ADEME (catégorie « réseaux électriques intelligents »), renouvelé annuellement depuis 2009. Les principaux objectifs de ce programme révèlent combien les problématiques de gestion de la pointe, de modernisation du réseau et d’expérimentation de nouveaux modèles économiques sont liées à l’étude des comportements de consommation (volet 2 de l’appel à manifestation d’intérêt, « Maîtrise de la demande et gestion de puissance » : « seront traités en priorité les projets qui prendront en compte […] l’étude du comportement des consommateurs pour analyser l’acceptabilité et l’appropriation durable de nouveaux produits, services et tarifications énergétiques associées »)68. Si les expérimentations détaillées dans la

partie suivante n’ont pas pour premier objectif de tester le déploiement de smart meter, elles s’insèrent dans ce contexte qui renforce l’intérêt porté au comportement et à l’incitation comportementale dans le champ de la MDE.

66 Kempton, W. & Layne, L. (1994) The Consumer's Energy Analysis Environment. Energy Policy 22: 857-866.

Invited for special issue, "Markets for energy efficiency."

67 Si le smart meter est aujourd’hui systématiquement présenté comme un outil à disposition des

consommateurs pour maîtriser leurs dépenses d’énergie, il faut cependant souligner la différence entre des dispositifs d’affichage (« display) de la consommation réelle d’énergie et le compteur communicant. Le smart meter ne permet pas toujours à lui seul un affichage déporté de la consommation. D’un autre côté, les afficheurs déportés ne nécessitent pas, pour pouvoir fonctionner, la présence d’un smart meter. De plus, le smart meter seul ne permet pas de fournir d’information sur la consommation par poste (chauffage, réfrigérateur etc.). Comme le rappelle un rapport de l’American Council for an Energy-Efficient Economy, le compteur communiquant n’est qu’une des voies permettant aux ménages de disposer de feedback sur leur consommation : "advanced metering is not the only means of providing households with feedback on their energy consumption, and it remains unclear if advance metering initiative are the best method for doing so” (Energy saving and advanced metering meta analysis, ACEEE 2010, p17)

68 Appel à manifestation d'intérêt, Investissements d'avenir, programme développement de l'économie

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2. CINQ PROJETS D’EXPERIMENTATION MOBILISANT LES INCITATIONS