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0.5. Analyse du transport de chaleur par simulations

0.5.3. Dynamique moléculaire à l’équilibre

L’autre modus operandi employé pour calculer la conductivité thermique d’un matériau est l’approche utilisant la dynamique moléculaire à l’équilibre et l’application de la théorie de la réponse linéaire. Ainsi, il existe un ensemble de relations, dites de Green-Kubo (GK), qui peuvent être mises à profit pour exploiter le rapport entre les fluctuations statistiques du système et ses coefficients de transports [21]. Dans le cas du transport de chaleur, on trouve

κij = 1 kBT2 lim τ →∞V →∞lim 1 Vτ 0 dthJ i(0)Jj(t)i, (0.20)

où Ji est la composante du courant de chaleur total selon un axe i et κij est le tenseur de

conductivité thermique. Dans tous les cas qui nous intéressent dans cette thèse le transport est unidimensionnel ou isotrope, nous traiterons donc le tenseur comme un scalaire. On voit donc que la conductivité est directement liée à la dissipation des fluctuations autour de l’équilibre. Cette relation découle de l’hypothèse de régression d’Onsager qui dit qu’il

❋✐❣✉r❡ 0.6. Conductivité en fonction de la longueur du système N pour la chaîne FPU-β et le modèle quartique, tous deux présentés à la section 0.6.1. On voit que différentes lois de puissance peuvent sembler appropriées pour décrire le régime asymptotique selon le nombre de données considérées. Résultats tirés de Wang et Wang [66].

n’existe pas de moyen de différencier les dernières étapes de la relaxation d’un processus hors équilibre et la dissipation de fluctuations autour de l’équilibre. Les forces ramenant le système à l’équilibre sont les mêmes dans chaque cas, duquel fait on peut prouver l’équation 0.20.

La moyenne d’ensemble, indiquée par la notation h...i, peut être approximée par deux autres types de moyennes agissant de façons complémentaires. D’abord, pour chaque simu- lation on s’appuie sur l’hypothèse ergodique qui nous permet de prendre une moyenne tem- porelle comme échantillon représentatif de l’ensemble. La fonction de corrélation hJ(0)J(t)i peut donc être calculée en utilisant les valeurs J(t)J(t+t) pour tout t∈ [0, t

fin−t]. Ensuite, on effectue une deuxième moyenne sur un ensemble de simulations possédant chacune des conditions initiales légèrement différentes, ce qui permet de sonder efficacement différentes régions de l’espace de phase et de paralléliser presque parfaitement le calcul.

Avant d’expliquer concrètement comment effectuer ce calcul, quelques commentaires sont nécessaires [42, 15] : en premier lieu, la dérivation des relations de GK se base généralement sur la présence d’un champ faible servant de perturbation infinitésimale à l’hamiltonien. Or, dans le cas de perturbations thermiques, un tel champ n’existe pas réellement et il faut alors supposer qu’il existe un équilibre thermodynamique local, ce qui peut parfois être remis en doute, particulièrement lorsque l’on étudie des modèles présentant une conductivité anormale. Il semble néanmoins que les résultats obtenus par cette méthode soient équivalents à ceux trouvés par la méthode NEMD dans tous les cas où la comparaison a été entreprise. Ensuite, il faut remarquer que le courant considéré ici exclut les contributions dues à la convection. Concrètement, ceci s’exprime par

où Jest le courant réel, E est l’énergie du système, P la pression, V son volume et v sa vi- tesse nette . Dans une simulation, on s’affranchira simplement du problème en s’assurant que la quantité de mouvement initiale du système est exactement zéro. Finalement, l’ordre des limites dans l’équation 0.20 doit être strictement respecté. On peut même montrer qu’une in- version de celles-ci amène une valeur nulle pour la conductivité. Concrètement, ceci implique, avant tout, l’emploi de conditions aux limites périodiques.

Lors des simulations, on commence par initialiser notre chaîne à une énergie donnée. Après une courte période de relaxation celle-ci atteindra un état d’équilibre et on peut alors lui associer un ensemble thermodynamique. La dynamique découlant d’un hamiltonien sans dépendance explicite au temps, l’énergie totale est conservée. Comme il en va de même pour le volume et le nombre de particules, on peut conclure qu’il s’agit ici de l’ensemble micro- canonique (ou NV E). Ainsi, lorsque la distribution des vitesses des particules a atteint une forme représentative de cet ensemble, on peut débuter l’enregistrement des fluctuations du flux de chaleur. Dans le cas d’une conductivité normale, la corrélation hJ(0)J(t)i possédera une valeur initiale hJ(0)J(0)i maximale, puis s’atténuera graduellement pour ultimement atteindre zéro. À partir du calcul de l’intégrale (sur un intervalle de temps fini) on obtien- dra une valeur pour κ. Dans le cas d’une conductivité anormale, on obtient après un temps suffisamment long hJ(0)J(t)i ∼ tβ avec β ≥ −1 qui cause une divergence de l’intégrale à

l’infini. Cette divergence est généralement interprétée en remplaçant la limite supérieure de l’intégrale dans l’équation 0.20 par τ = L/vc où vc est la vitesse du son. Le raisonnement der-

rière ceci est qu’il s’agit approximativement du temps nécessaire pour qu’une perturbation traverse un système de taille L ; le temps de corrélation maximal serait donc de cet ordre. Il n’existe toutefois pas de preuve rigoureuse que cette procédure soit correcte. Malgré tout, on obtient ainsi κ ∝ Nβ+1 avec un exposant β = α − 1 en accord avec les résultats NEMD.

Malgré l’emploi de conditions aux limites périodiques, la méthode EMD peut quand même souffrir d’effets de taille finie. On comprendra ceci en considérant les modes propres de notre modèle : puisqu’il n’existe que DN degrés de liberté réellement indépendants, le nombre de modes propres est aussi limité à DN. Ceci amène deux problèmes potentiels lorsque l’on s’intéresse à la limite thermodynamique : le premier se rapporte à l’existence des processus de collisions entre phonons. Au plus bas ordre, une collision n’est possible que si les trois modes impliqués remplissent les conditions

k = k+ k′′ (0.22)

ωs = ωs+ ωs′′ (0.23)

où ωs correspond à la fréquence propre du mode s = (m, k) où m identifie la branche de

la relation de dispersion et k est le vecteur d’onde. Un nombre fini de modes confine k et

ωs à un ensemble de valeurs discrètes plutôt qu’à une fonction continue ce qui peut réduire

asymptotique de la fonction de corrélation hJ(0)J(t)i. Puisque la limite t → ∞ est dictée par la dynamique des modes de plus grandes longueurs d’onde, on atteint éventuellement le point où la relaxation de tous les modes est complétée plutôt que d’observer la relaxation d’un nombre infini de modes dont le temps de vie est de plus en plus long. Comme dans le cas de la méthode NEMD, il revient alors à l’utilisateur de déterminer si la taille du système est suffisante pour observer le régime asymptotique. Néanmoins, la taille nécessaire pour obtenir des résultats approchant la limite thermodynamique est, en pratique, beaucoup plus modeste lors de l’utilisation de la méthode EMD et ce, peu importe la dimensionnalité du modèle.

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