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Dynamique microscopique lors d’un essai de fatigue

7.2 Actions à moyen terme

7.2.3 Dynamique microscopique lors d’un essai de fatigue

Un autre protocole d’essai a été testé au cours de cette thèse, consistant à imposer des déformations cycliques aux échantillons. En gardant une amplitude de déforma-tion constante et dans le régime linéaire, l’idée derrière ces essais est de voir si, au bout d’un certain nombre de cycles, on détecte un changement de comportement dû à la fatigue de l’échantillon. En particulier, on s’interroge si la dynamique microscopique pourrait être plus sensible que la mesure de la contrainte à un éventuel changement de l’échantillon.

Échantillons minces en silicone chargé de nanoparticules sphériques de nickel

On a réalisé des essais, avec l’instrument développé, sur deux échantillons minces en silicone chargé de nanoparticules sphériques de nickel de 100nm de diamètre. Le taux de charge de 0.3% est identique pour les deux échantillons qui font typiquement 1.3mm d’épaisseur et 50mm de longueur, et qui sont découpés pour avoir une largeur de 15mm. En revanche, la technique de dispersion des particules est différente pour les deux échantillons. Dans l’un des films (qu’on appellera ‘Ultrasound’), les particules sont dispersées par ultrasons, ce qui génère une dispersion homogène donnant un aspect opaque. Par contre, l’autre échantillon (qu’on appellera ‘No Ultrasound’) est quasi-transparent et on y observe des agrégats macroscopiques de particules.

Le choix est porté sur ces échantillons dans le cadre d’une collaboration de l’entreprise Formulaction avec l’Institut Carnot CIRIMAT1, suite à leurs besoins de comparer les différents protocoles de synthèse et de caractériser leur impact sur la dynamique mi-croscopique.

Caractérisation mécanique

On a réalisé une caractérisation mécanique des échantillons, le module de Young est aux alentours de 0.65M Pa pour les deux films (fig.7.6).

Figure 7.6 –Contrainte nominale en fonction de la déformation nominale. 1. Laboratoire de physique des polymères-Université Paul Sabatier.

CHAPITRE 7. PERSPECTIVES 193

Dynamique microscopique Protocole :

Le protocole consiste à imposer aux deux échantillons une cinquantaine de cycles de déformation " = 6.6%, à la limite du régime élastique (fig. 7.6). Chaque cycle dure 600s, 300s à un état déformé et 300s à un état relaxé. Le passage entre les deux états se fait à une vitesse de 1mms−1

Mesure :

Afin de suivre la dynamique microscopique, on calcule la fonction de corrélation g2(t,τ = 100s) − 1 pour tout instant t de l’essai.

Figure 7.7 – g2(t,τ = 100s) − 1 à différents instants t de l’essai pour l’échantillon ‘Ultrasound’.

La figure7.7représente g2(t,τ = 100s)−1 en fonction du temps pour l’échantillon ‘Ultrasound’ sur 3 fenêtres de 1800s à différents instants de l’essai. On remarque que, à tout instant de l’essai, la dynamique présente une comportement répétitif.

Le niveau de corrélation entre les deux états avec " différent est essentiellement nul, à cause des déplacements importants induits par la déformation affine et par toute autre contribution non-affine.

La corrélation entre états avec le même " (0% ou 6.6%, respectivement) est proche de 1, ce qui indique peu de réarrangements lorsque l’échantillon est maintenu à une déformation fixée.

Nous remarquons, toutefois, que la dynamique est relativement plus lente à l’état re-laxé qu’à l’état étiré. Les caractères généraux de ce scénario persistent pendant toute la durée de l’essai.

En revanche, pour l’échantillon ‘No Ultrasound’ (fig 7.8), on détecte un change-ment de la dynamique microscopique autour de t = 40000s, lorsque l’échantillon est à l’état étiré (fig.7.8b).

Figure 7.8 – g2(t,τ = 100s) − 1 à différents instants t de l’essai pour l’échantillon ‘No Ultrasound’.

Afin de mieux suivre cette information, on a calculé l’aire sous la courbe g2(t,τ = 100s) − 1 sur chaque demi-cycle qui correspond à l’état étiré (fig.7.9).

Figure 7.9 – Aire sous la courbe g2(t,τ = 100s) − 1 intégrée sur chaque demi-cycle des phases étirées.

Pour le film ‘Ultrasound’, la mesure fluctue autour d’une valeur moyenne pendant tout l’essai (courbe noire). On ne voit pas d’indicateurs microscopiques dus à la fa-tigue.

En revanche, pour l’échantillon ‘No Ultrasound’ (courbe rouge), on remarque une chute significative du niveau de corrélation après une dizaine de cycles (après en-viron 5h).

Cette chute est due à une accélération de la dynamique microscopique qui peut être ex-pliquée par des réarrangements des agrégats. Une fois que ce phénomène est passé, on retrouve une dynamique stationnaire, la mesure fluctue autour d’une valeur moyenne proche de celle de l’échantillon ‘Ultrasound’ jusqu’à la fin de l’essai.

En regardant de près la réponse de la force (fig.7.10), on détecte un événement inattendu autour de t = 38000s.

CHAPITRE 7. PERSPECTIVES 195

Figure 7.10 – Force au cours du temps de l’essai.

Cet événement coïncide avec le pic de l’accélération de la dynamique microsco-pique, phénomène qu’on détecte bien avant toute indication macroscopique.

Ce résultat nous semble prometteur et nous encourage à approfondir les études en suivant ce protocole pour d’autres matériaux.

À titre d’exemple, une problématique qu’on envisage d’étudier est l’impact des produits cosmétiques sur l’élasticité de la peau. Notre idée est de réaliser ce genre de caracté-risation sur des échantillons de peaux synthétiques traités de façons différentes et de vérifier si la dynamique microscopique montrera des différences liées au traitement réalisé et, éventuellement, avant le changement macroscopique.

PDMS réticulé

Dans le même esprit d’essai de fatigue, on a réalisé des essais sur deux échantillons de PDMS réticulés, préparés en suivant le protocole introduit dans la section6.3 du chapitre6.

L’essai mécanique consiste à imposer une succession de cycles de déformation no-minale " = 10%, dans le régime élastique. Les figures 7.11a, 7.11b et 7.11c repré-sentent la contrainte nominale en fonction de la déformation nominale pour les trois essais réalisés, et la figure7.11d représente l’aire sous la courbe g2(t,τ = 1800s) − 1 intégrée sur chaque demi-cycle2.

Le fait qu’on n’a pas imposé le même nombre de cycles pour les trois essais est lié au fait qu’on explorait différents protocoles.

Figure 7.11 – a, b, c) Contrainte en fonction de la déformation. d) Aire sous la courbe g2(t,τ = 1800s) − 1 intégrée sur chaque demi-cycle.

La courbe noire de la figure7.11d décrit la dynamique microscopique de l’échan-tillon. On remarque l’existence d’un premier régime transitoire qui dure ≈ 50 cycles, ensuite la courbe retrouve un régime stationnaire jusqu’à la fin de l’essai après ≈ 175 cycles. Afin de vérifier la fiabilité de l’existence des deux régimes et qu’il ne s’agit pas simplement d’un artefact, on a refait le même essai (courbe rouge) sur un nou-veau échantillon préparé exactement de la même façon. Cette vérification a permis de confirmer l’existence de deux régimes.

Lors du régime transitoire, l’aire décrivant la dynamique microscopique augmente d’un cycle à l’autre. Cela signifie que la dynamique ralentit en augmentant le nombre des cycles. Ce ralentissement peut être dû à deux raisons.

La première raison serait une mauvaise fixation de l’échantillon entre les mors. On pourrait imaginer que, au début de l’essai, des microglissements pourraient avoir lieu. Ces glissements vont diminuer au cours du temps une fois l’échantillon trouve une po-sition d’équilibre. Néanmoins, cette hypothèse semble peu probable vu que ce régime dure ≈ 50 cycles (≈ 10000s).

lo-CHAPITRE 7. PERSPECTIVES 197 calisés irréversibles dans le régime élastique qui évoluent avec le nombre de cycles. Ce phénomène rappelle l’existence de "soft spots"/"hot spots" dans les système amorphes, discutée dans la littérature. Ce phénomène a été mis en évidence, par exemple, dans les milieux granulaires lors des essais de cisaillement [21], ainsi que par des

expé-riences numériques à travers un essai cyclique à basse fréquence sur un matériau vi-treux [153]. Dans notre cas, on peut imaginer que des "soft spots" soient réarrangés

lors des premiers cycles et qu’ils atteignent une configuration plus stable suite aux réarrangements. Le nombre de "soft spots" susceptibles de se réarranger diminuerait donc au cours du temps, ce qui expliquerait le ralentissement de la dynamique, jusqu’à atteindre un état stationnaire.

Afin de déterminer rigoureusement la cause provoquant ce premier régime, on a refait le même essai sur un échantillon déjà sollicité. Donc, si le régime transitoire subsiste, cela signifierait que ce régime est probablement lié à un artefact, tel qu’une mauvaise fixation de l’échantillon. Sinon (si le régime transitoire disparait), cela si-gnifierait que ce régime pourrait être expliqué par des arguments portants sur les "soft spots" évoqués ci-dessus.

La courbe bleue (fig.7.11d) représente le dernier essai de fatigue sur le même échan-tillon sollicité lors de l’essai de la courbe rouge.

On remarque la disparition du régime transitoire, cela suggère fortement que ce ré-gime est effectivement dû à un mécanisme de type "soft spots" et non pas à un artefact, tel qu’un problème de fixation de l’échantillon.

7.3 Actions de développement

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