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Chapitre 2 : Les aciers austénitiques au manganèse

2.2 Optimisation des propriétés des aciers Hadfield

2.2.3 Durcissement par écrouissage des aciers austénitiques au manganèse

La capacité d’écrouissage remarquable des aciers austénitiques au manganèse a fait l’objet de nombreuses études cherchant à mettre en évidence les mécanismes permettant d’obtenir de telles propriétés. Un grand nombre d’observations ont été effectuées, mettant en évidence, en fonction des compositions chimiques et des conditions d’essai, toutes sortes de mécanismes de plasticité : déplacement de dislocation avec formation de cellules ou de parois

Les travaux de Rémy et Pineau [75, 76], puis de S. Allain et al. [77-79] ont eu pour

objet de corréler l’apparition ou la prédominance d’un mécanisme par rapport à un autre en fonction de l’énergie de faute d’empilement (EFE) du matériau, cette dernière étant sensible à la fois à la composition chimique de l’alliage et à la température (elle augmente avec la température). Leurs observations sur des aciers de composition chimique de base contenant environ 20% de Mn et 0.6% de C ont permis d’établir une carte d’isovaleurs de l’énergie de

faute d’empilement en fonction de la composition chimique à 300K (figure 2.6). Y sont

également reportées les compositions chimiques limites pour les deux types de transformation

martensitiques proposées par d’autres auteurs [80].

Figure 2.6 : Isovaleurs de l’énergie de faute d’empilement du système Fe-Mn-C [77]

Ces auteurs indiquent que tant que l’énergie de faute d’empilement est suffisamment basse, le mécanisme prédominant est la transformation martensitique γ (cfc – austénite) →ε (hc - martensite) → α (cc – martensite) ou effet TRIP (Transformation Induced Plasticity), puis lorsqu’elle augmente un peu, le maclage ou effet TWIP (Twining Induced Plasticity), et enfin le glissement de dislocations. Comme ils ont étudié des compositions chimiques légèrement différentes (Fe-20Mn-4Cr-0.5C dans le cas de Rémy et Pineau, et Fe-22Mn- 0.6%C dans le cas de Allain), les valeurs limites entres les différents domaines varient

également. Dans une étude récente, Barbier et al. [81] ont étudié l’évolution de la

microstructure d’un acier à 22% Mn et 0.6% C après l’essai de traction (à 20°C), ils ont constaté le développement du maclage sur toute la zone déformée.

Par ailleurs, Dumay et al. [82] ont déterminé par un modèle thermomécanique l’effet

particulier Fe-22Mn-0.6C. Ils ont montré que l’aluminium et le cuivre augmentent l’énergie de faute d’empilement, contrairement au chrome et au silicium qui la diminuent.

Ces résultats ont été complétés par un certain nombre de travaux visant à quantifier le taux d’écrouissage associé à chacun des mécanismes de déformation plastique. De nombreux essais ont notamment été réalisés sur des austénites au manganèse alliées à l’aluminium afin de diminuer, voire de supprimer le phénomène de maclage par élévation de l’énergie de faute

d’empilement [83-86]. Il a été observé que pour une composition chimique nominale standard

de l’acier Hadfield, l’ajout d’aluminium augmente la limite élastique mais diminue la contrainte et la déformation à la rupture. Le phénomène de « peau d’orange » diminue quand

la quantité d’aluminium rajouté augmente [86]. Ceci est dû au changement du mécanisme de

déformation, on passe d’un mécanisme de déformation par maclage pour un acier Hadfield

standard à un mécanisme de glissement de dislocations en ajoutant de l’aluminium [85]. Selon

Canadinc et al. [83], l’aluminium augmente le coefficient d’écrouissage de l’acier Hadfield.

Plusieurs modèles physiques ont été développés [79, 81, 82, 87] ; Bouaziz et al. [87]

ont étudié l’influence de l’effet TWIP et de la taille de grains sur l’écrouissage d’un acier à 0.6%C et 22% Mn, ils ont montré que plus la taille des grains est faible, plus la limite élastique (effet Hall-Petch classique) et la résistance à la rupture sont élevées. Par ailleurs,

Ueji et al. [88] indiquent que pour un acier TWIP de composition chimique Fe-31Mn-3Al-

3Si, un affinement de la taille de grain limite le phénomène de maclage (et donc l’allongement à rupture) sans diminuer le taux d’écrouissage.

Grassel et al. [89] ont étudié l’effet du silicium et de l’aluminium sur les propriétés

mécaniques des aciers Fe - (15-30) Mn (figure 2.7). Ils ont remarqué que les aciers Fe-20Mn-

3Si-3Al-0.4C et Fe-25Mn-3Si-3Al-0.3C présentent le meilleur compromis entre allongement et résistance, le premier par un effet TWIP, le second par un effet TRIP.

Dans les deux cas, comme indiqué sur la figure 2.8 pour l’acier TWIP entre 1 et 150s-1, la

contrainte et l’allongement augmentent avec la vitesse de déformation, puis y deviennent insensibles pour une vitesse supérieure. Le taux d’écrouissage, ainsi que l’allongement à rupture restent sensiblement les mêmes quel que soit le mécanisme de déformation plastique.

Figure 2.8 : Effet de la vitesse de déformation, entre 1 et 870 s-1 sur un acier Fe-20Mn-3Si-3Al-0.4C [89].

La principale différence réside dans une limite élastique et une résistance mécanique légèrement moindres pour l’acier TWIP qui possède une teneur en manganèse supérieure à celle de l’acier TRIP.

Des aciers Fe-Mn-Al-C ont été développés pour réaliser des structures cryogéniques

du fait de leur bonne résistance, rigidité et faible coût [90-94]. Oh et al. [90] ont étudié des

aciers 19Mn-5Cr-(0-5)Al-0.25C. Ils ont montré que le mode de déformation de ces aciers varie avec l’augmentation de la teneur en aluminium et par conséquent l’EFE, passant de la transformation martensitique au maclage mécanique et enfin au glissement de dislocations. Ils ont montré que l’allongement est très important (65%) pour un 3.5% Al, du fait de la présence de maclage et de la transformation martensitique α. En revanche, la quantité d’aluminium ajoutée ne doit pas dépasser 4 % : au delà de cette quantité, il y aura formation de ferrite qui diminue la ténacité du matériau.

Huang et al. [93] ont testé un acier à 22% Mn, 2% Si et Al avec et sans Niobium

(0.017%). Ce matériau présente les deux types de transformation TWIP et TRIP en fonction de la température. L’ajout de Nb augmente l’énergie de faute d’empilements, ce qui retarde la transformation en martensite ε et favorise l’augmentation de l’allongement et la diminution de la résistance en traction pour l’acier TWIP.

Conclusion

Cette partie a fait le point sur la composition chimique des aciers austénitiques au Mn, notamment la nuance Hadfield, ainsi que sur leurs propriétés mécaniques, telle que la contrainte d’écoulement plastique, la ductilité, la dureté, la résistance au choc et à l’usure. Leur comportement se caractérise par une limite d’élasticité assez faible, mais une très forte capacité d’écrouissage en traction, la compression renforçant encore cette capacité d’écrouissage extraordinaire. Il en découle une valeur de résistance élevée, des ténacités élevées et une bonne résistance au frottement et aux chocs qui expliquent leur utilisation comme matériau de cœurs de voie. Plusieurs mécanismes responsables du durcissement ont été identifiés : carbone en solution solide limitant le déplacement des dislocations, formation de macles, transformation martensitique ε et α et précipitation de carbures. Par ailleurs l’influence de différents éléments d’alliage a été examinée, à la fois sur le plan des propriétés mécaniques macroscopiques, ainsi que sur celui des mécanismes de déformation.

Ces données mettent en évidence la grande sensibilité des austénites au manganèse dans l’élaboration de matériaux présentant de bons compromis résistance /ductilité.

Ces éléments bibliographiques vont être exploités dans le chapitre suivant afin d’élaborer de nouvelles solutions matériau susceptible de répondre à la problématique industrielle.

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