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La dualité est évidente dans une clause de buy or sell puisque l’intérêt de cette convention est d’offrir à l’une des parties une faculté de choix entre accepter de vendre ses

Titre II : Un enchevêtrement de deux droits potestatifs : un vêtement sur mesure

75. La dualité est évidente dans une clause de buy or sell puisque l’intérêt de cette convention est d’offrir à l’une des parties une faculté de choix entre accepter de vendre ses

titres à son cocontractant ou au contraire racheter les titres de celui-ci. A la différence de ce qui prévaut en matière d’obligations facultatives, il dispose en la matière d’un véritable choix. Certes, la rédaction des clauses de buy or sell pourrait laisser croire qu’il s’agit d’une obligation facultative, dans la mesure où la partie qui active la clause demande l’exécution d’une obligation (généralement, Primus souhaite acheter les titres de

Secundus). Mais il s’agit de sa part d’une simple préférence, qui n’ôte nullement le

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caractère libre du choix de son cocontractant. D’ailleurs, il est possible, et même fréquent en pratique, que les clauses de buy or sell prévoient que la partie qui active la clause puisse, au choix, proposer l’achat des titres de son coassocié, ou la vente des siens. C’est pourquoi, en passant par la qualification de promesses croisées, on était parfois dans la nécessité de retenir un enchevêtrement de quatre promesses (Cf. supra, n° 27). En tout état de cause, le débat est passablement stérile en matière de clause de buy or sell, dans la mesure où l’enjeu essentiel de la distinction entre les obligations alternatives et les obligations facultatives est la question de la charge des risques. Or dans le cadre d’une clause de buy or sell, l’impossibilité de l’une des branches de l’alternative correspondra à l’hypothèse où une partie ne peut plus céder ses titres à l’autre car elle ne les possède plus, autrement dit parce qu’elle n’est plus associée de la société. Si l’on raisonne à partir d’une clause de buy or sell type, en vertu de laquelle Primus va offrir à Secundus de lui racheter ses titres, Secundus ayant la faculté soit de lui vendre ses titres, soit racheter ceux de

Primus, deux hypothèses doivent être envisagées. La première hypothèse est celle où Secundus est dans l’impossibilité de vendre ses titres parce qu’il n’est plus associé ; mais

cette hypothèse est chimérique en pratique car alors Primus ne pourrait plus activer la clause à son encontre. La seconde hypothèse est celle où c’est Primus qui n’est plus associé et qui est dans l’impossibilité de vendre ses titres. Dès lors, Primus n’étant plus associé, il ne devrait plus pouvoir activer la clause (Cf. infra, n° 125 et s.). A supposer même qu’il le puisse, le résultat ne différerait guère selon qu’il s’agit d’une obligation alternative ou d’une obligation facultative. En effet, s’il s’agit d’une obligation alternative, l’une des branches de l’alternative étant devenue impossible, Secundus devra exécuter l’autre branche, à savoir vendre ses titres à Primus. Si, à l’inverse, il s’agit d’une obligation facultative, nous sommes dans l’hypothèse où c’est l’obligation subsidiaire (l’obligation in

facultate solutioni) qui est impossible, ce qui n’a aucune incidence : le débiteur est toujours

tenu d’exécuter l’obligation principale qui, elle, reste possible, c’est-à-dire que Secundus doit vendre ses titres à Primus. Qu’il s’agisse d’une obligation alternative ou d’une obligation facultative, l’impossibilité d’exécuter l’une des deux obligations n’aura donc aucune incidence sur ce qui sera finalement dû au créancier.

76. Au-delà, il est possible de proposer une acception plus originale de l’institution d’obligation alternative, en considérant que l’élément alternatif est, non pas l’objet de la prestation comme cela est généralement admis et se rencontre dans les applications classiques de l’obligation alternative (donner tel esclave ou tel autre, tel bien ou tel autre…), mais la qualité des parties à l’acte final. Une telle évolution n’est ni inenvisageable ni fantaisiste, dans la mesure où il est admis depuis longtemps que l’obligation alternative ne se réduit pas à la possibilité, pour le débiteur, de se libérer « par la délivrance de l’une des deux choses qui étaient comprises dans l’obligation », ce qui est pourtant la définition retenue par le Code civil. Une certaine ambigüité a pu naître de la lettre de l’article 1189 du Code civil, qui fait mention de deux « choses » à propos des objets de l’obligation alternative. Toutefois, les rédacteurs du Code civil ne semblaient pas avoir à l’esprit une conception aussi étroite de l’obligation alternative. En témoigne Bigot de Préameneu qui avait indiqué, dans son exposé des motifs, qu’ « une obligation est alternative lorsque quelqu’un s’oblige à donner ou à faire une chose ou une autre »107. Partant, il faut comprendre le mot « choses » comme désignant plus généralement des « prestations ». D’ailleurs, si l’on se réfère à l’étymologie du mot « prestation », on constate que le terme latin dont il est issu (praestatio, de praestare) signifie l’action de fournir, mais par extension on a utilisé le terme « prestation » pour désigner l’objet fourni ou dû. Généralement, la prestation est donc définie comme l’objet de l’obligation en général qui peut, selon le contexte, désigner soit la chose due, dans sa matérialité, soit l’activité attendue du débiteur relativement à cette chose108. Il est donc admis que les objets d’une obligation alternative peuvent être non seulement des obligations de donner une chose, mais aussi des obligations de faire ou de ne pas faire.

77. En franchissant un pas de plus vers l’élargissement de la notion d’obligation