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LE DROIT AU TRAVAIL

GARANTIR LE DROIT AU MARIAGE DES ÉTRANGERS DONT LE PAYS D’ORIGINE PROHIBE LE MARIAGE

D. LE DROIT AU TRAVAIL

La prohibition des discriminations fondées sur la nationalité connaît, en matière d’emploi des étrangers, d’importantes exceptions institu-tionnalisées par le droit. Or, l’exclusion de l’accès à certains emplois d’étrangers déjà autorisés à séjourner et travailler en France au seul motif de leur nationalité les rend vulnérables et pose en pratique de nombreux problèmes. Dans ce contexte, le Défenseur formule les recommandations suivantes :

Adopter une liste de métiers « en tension » unique et corrélée aux évolutions de la conjoncture économique Lorsqu’il n’est pas déjà autorisé à séjourner en France, l’étranger qui sollicite une autorisation de travail en vue d’occuper un emploi se voit en général opposer la situation de l’emploi : l’employeur qui envisage de le recruter doit justifier qu’il n’existe, sur le marché du travail national, aucune personne susceptible d’occuper le poste.

Toutefois, la situation de l’emploi n’est pas opposable lorsque la demande d’autorisation travail est formulée pour un métier carac-térisé par des difficultés de recrutements. Or, ces métiers dits « en tension  » varient selon la nationalité des étrangers qui sollicitent une autorisation travail : à côté des listes établies région par région pour identifier ces métiers « en tension », plusieurs accords bilaté-raux fixent en effet leurs propres listes. Par ailleurs, les Tunisiens et les Algériens ne sont pas concernés par de ces listes en raison des conventions spéciales dont relève leur droit au séjour. Le Défenseur estime que la coexistence de ces différentes listes tend à vider de son sens la notion de métier « en tension » et créé des différences de traitements injustifiées entre étrangers. Il recommande ainsi de procéder à une harmonisation de ces listes de métiers. Ces listes harmonisées devront faire l’objet de révisions régulières pour tenir compte des évolutions de la conjoncture économique. La possibilité de se prévaloir de ces listes doit par ailleurs être ouverte aux ressor-tissants algériens et tunisiens.

Ouvrir les emplois dont l’accès demeure subordonné à une condition de nationalité

En dépit d’évolutions particulièrement sensibles à l’égard des Euro-péens, mais également notables à l’égard des ressortissants de pays tiers à l’UE, l’accès à certains emplois demeure subordonné à une condition de nationalité française. Ces emplois se situent essen-tiellement, mais pas exclusivement, dans le secteur public. Par ail-leurs, d’autres emplois, notamment parmi les professions libérales, se trouvent réservés aux ressortissants de l’Union européenne ou de pays ayant conclu avec la France une convention de réciprocité.

En 2009, la Halde avait estimé que ces restrictions, ne reposaient sur aucune justification légitime (2009-139). Le Défenseur relève que la situation des emplois fermés n’a pas beaucoup évolué de-puis 2009. Dix ans plus tard, le rapport précité de la Commission des lois précisait que, sur ces 52 métiers, seule une petite dizaine avait été ouverte aux étrangers. Depuis, quelques autres disposi-tions ont été prises ponctuellement pour supprimer la condition de nationalité En outre, le législateur a assoupli la condition de natio-nalité européenne fixée pour l’accès aux professions de médecin, de chirurgien-dentiste et de sage-femme, celles-ci étant désormais ouvertes aux étrangers non européens dès lors qu’ils ont obtenu leurs diplômes en France. Toutefois, nombre des restrictions rele-vées en 1999 demeurent d’actualité. Poursuivant cette analyse, le Défenseur recommande : de procéder au recensement des emplois demeurant fermés aux étrangers dans le secteur privé, les dernières données exhaustives en la matière datant de 2009 ; de supprimer les conditions de nationalité fixées pour l’accès aux trois fonctions publiques, aux emplois des établissements et entreprises publics, ainsi qu’aux emplois du secteur privé, à l’exception de ceux relevant de la souveraineté nationale et de l’exercice de prérogatives de puissance publique.

Faciliter l’inscription à l’ordre des médecins diplômés hors de l’UE

Bien que l’accès à les professions de médecins, chirurgien-dentiste et sage-femme et dentistes soient subordonné à la détention d’un diplôme français ou européen, des procédures dérogatoires ont été ouvertes, dès 1972, pour permettre aux personnes titulaires de diplômes étrangers d’exercer ces professions. Ces recrutements, qui ont permis de pallier un manque structurel de praticiens, ont été effectués sous couvert de statuts contractuels, plus précaires.

Pour y mettre un terme, le législateur a créé, en 1999, une nouvelle procédure d’autorisation d’exercice (NPA) qui devait permettre l’ins-cription à l’ordre des médecins exerçant sous couvert de ces sta-tuts précaires. Parallèlement, la loi prohibait tout nouveau recrute-ment sous ces statuts. Toutefois ce dispositif, en raison de plusieurs carences pointées par la Halde (2005-57, 2005-56 et 2006-250), n’a pas permis les régularisations escomptées. Si, depuis, la procédure d’autorisation d’exercice (PAE) a été améliorée, de nombreux méde-cins diplômés hors de l’Union européenne exercent néanmoins tou-jours leurs fonctions sous couvert de statuts différenciés, soit qu’ils refusent de se soumettre à la PAE qu’ils jugent illégitime, soit qu’ils renoncent à épuiser leurs droits à présentation à cette procédure, soit encore, qu’ils poursuivent leur exercice après avoir échoué trois fois à la procédure. En outre, les recrutements sous statuts

particu-liers ont perduré, conduisant le législateur à prévoir des systèmes de régularisation a posteriori. Dans ce contexte, le Défenseur a de-mandé à la ministre des Affaires sociales et de la Santé de mener une enquête nationale pour déterminer le nombre de médecins à diplômes obtenus hors UE exerçant en France et établir un recense-ment des besoins en ressources humaines médicales, par région et par discipline, cette enquête devant permettre de définir les moda-lités de reclassement des praticiens. En dehors d’éventuelles réo-rientations vers d’autres activités liées aux soins, une réflexion sur la façon dont les responsabilités réelles acquises par ces médecins pourraient être prises en compte par des procédures de validation des compétences devrait être amorcée.

Élargir le droit au travail des demandeurs d’asile

En prévoyant que les demandeurs d’asile puissent accéder au mar-ché du travail passé un délai de 9 mois, la réforme du droit d’asile adoptée en juillet 2015 transpose les exigences du droit de l’UE en la matière. Toutefois, le Défenseur regrette que cette transposi-tion ait été effectuée a minima. En effet, si le droit de l’UE impose aux États de garantir l’accès au marché du travail des demandeurs d’asile dont la demande demeure sans réponse passé un délai de 9 mois, il ne leur interdit pas de l’autoriser plus en amont. Par ailleurs, le droit de l’UE prévoit que les Etats peuvent autoriser l’accès des demandeurs d’asile à la formation professionnelle, que ceux-ci ait ou non accès au marché du travail. Or, cette possibilité n’a pas été retenue par le législateur français. Pourtant, il importe, au regard du besoin de protection particulier qui est le leur, d’offrir aux deman-deurs d’asile les meilleures perspectives d’intégration possible. C’est pourquoi le Défenseur recommande que la loi soit modifiée pour : permettre aux demandeurs d’asile de solliciter, dès le début de la procédure, une autorisation provisoire de travail dans les conditions de droit commun ; prévoir l’accès au marché du travail des deman-deurs d’asile sans que ne leur soit opposable la situation de l’emploi lorsque, passé un délai de 9 mois, il n’a pas encore été statué sur leur demande ; ouvrir aux demandeurs d’asile, dès le début de la procédure, le bénéfice des actions de formations professionnelles prévues par le code du travail. Par ailleurs, le Défenseur relève que, tandis que les anciennes dispositions du CESEDA prévoyaient, conformément aux exigences européennes, l’accès au marché du travail pendant toute la procédure, la nouvelle loi ne fait aucune mention des personnes ayant introduit un recours devant la CNDA.

Aussi, il recommande que la loi soit modifiée pour prévoir expres-sément l’accès au marché du travail des demandeurs d’asile ayant déposé un recours suspensif devant la CNDA.

LE CONTRÔLE DES ÉTRANGERS : LES DROITS