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Drogue et travail, deux outils pour mieux vivre

j’acquière avec… mon travail à la télé par exemple depuis quelques temps là ça me fait un bien fou… hors je me rends compte que c’est de la connerie, d’autant que ça me baise la gueule parce que tu vois… j’me suis fait baiser la gueule parce que j’avais trop de tunes, j’me suis fait baiser la gueule parce que finalement… c’est pas c’que j’sou-haite le plus dans ma vie et… faire de la télé hein j’entends… donc c’est aussi un piège…

mais en même temps le désir est là ouais… un désir de reconnaissance… mais je l’ai parce que j’fais un métier aussi où le désir est intimement lié avec… avec ta production, c’est-à-dire que si t’as pas de reconnaissance c’est que tu produis pas y’a un peu de ça aussi… mais bon j’pense que ça j’ai encore du chemin à faire pour être beaucoup plus libre par rapport à ça mais ça vient, petit à petit ça vient.

– Et quelle vision t’as justement d’une certaine marginalité ou peut-être des usagers qui sont pas peut-être dans une démarche de travail ou d’insertion sociale ?

– J’ai pas beaucoup de pitié pour eux… et ça je l’avoue beaucoup parce que… enfin c’est un aveu… j’avoue beaucoup, j’dis n’importe quoi… c’est un aveu parce que… je me déteste quand j’pense ça ou quand j’porte un regard très critique.

– Pourquoi ?

– Parce que c’est un truc qui me pend au nez et que je sais que j’me bats beaucoup contre ça donc j’trouve que y’a peu de courage de leur part… et je ne crois pas du tout au discours… libertaire… pour moi c’est un mensonge… c’est un leurre… je ne crois pas du tout au discours libertaire technoïde du moment… pour moi c’est… enfin j’veux dire moi j’viens d’un milieu où ça a été comme ça bien avant eux… sur la route… c’est bon… c’est bon… je crois… […]

– C’est très con c’que j’vais dire mais mon seul bonheur il est dans le travail, dans la production, dans le peu d’écriture que j’suis capable de produire…

– C’est quand même quelque chose qui te tient ?

– Ah c’est l’unique chose hein si y’a pas ça… si y’a pas ça moi j’pense que j’serais déjà mort de toute manière… parce que j’pense que INDÉNIABLEMENT y’a… enfin j’veux dire que la détestation que j’ai de moi est si puissante que de toute manière le seul moment où je m’aime c’est dans l’énergie du travail, dans le moment du travail… le reste c’est…

c’est rien, le reste c’est… ce sont des grands mouvements sémaphoriques de regardez comment je souffre tu vois… et ça j’trouve ça con, comme je suis… j’ai aucune pitié pour les tentatives de suicide… j’trouve ça totalement déplacé… si tu veux le faire fais-le mais pas en ma présence… et m’oblige surtout pas à te sauver premièrement, parce qu’après je serais responsable de toi toute ma vie donc… j’ai aucune pitié d’autant que… enfin moi j’ai une sœur qui s’est suicidée à 17 ans, enfin tu vois je n’ai pas de… j’veux dire…

et c’est dans ces moments-là que je me déteste le plus hein… je me déteste le plus quand j’perds le contrôle de moi… quand j’suis trop bourré et j’fais un scandale ou… là j’me dis bon faut arrêter parce que c’que pensent les gens c’est le pauvre il souffre… je suis vrai-ment opposé à ça, opposé… si tu veux te défoncer la gueule fais-le… mais fais-le bien tu – Concentration ?

– Ouais, peut-être. Surtout sur le net. Ça c’est bizarre, c’est quasi systématique. Je lance une connexion, je me fais un joint.

– Pourquoi ?

– Parce que je sais que quand je suis connecté, je vais pas pouvoir le faire, donc je me le fais au début, je fume et hop je suis tranquille. (rires)

– Et quand t’es sur un décryptage ou un truc comme ça, ça t’aide de consommer ? – Non. Pas du tout. Au bout d’un moment je suis trop fracass’ j’arrête. Au bout d’un moment tu vois plus rien t’es… tu sais plus où t’en es. »

– Ah mais moi l’idée c’est que je ne cache rien… sur mon lieu de travail, je trouve ça déjà ignoble l’idée de passer les 2/3 de ma vie avec ces gens-là pour le compte de CETTE entreprise là à faire CE type de travail-là je trouve ça sordide.

– Ah ouais ?

– Ah totalement ouais je trouve que c’est déshumanisant et en même temps c’est ouais et en même temps c’est censé te découvrir, mais je trouve qu’on pourrait se découvrir soi-même sans avoir à travailler dans un but lucratif.

– C’est alimentaire en fait.

– Ouais, ouais c’est vraiment ça l’idée… » vois, ne rends pas responsables les autres… y’a que toi, ça ne repose que sur toi, j’veux

dire les 2 cures que j’ai faites dans ma vie c’est moi qui les ai décidées et j’l’ai fait tout seul et sans aucune aide de… chimique ou médicamenteuse ou quoi que ce soit… alors c’est super réac comme discours évidemment quoi mais merde aussi, merde… j’suis très très opposé au fait que dans l’énergie de se défoncer la gueule y’a quelque chose qui rend responsable les autres et ça m’est très pénible… et indéniablement… les 2 fois où j’ai fait des cures, les 2 fois où j’me suis senti vraiment en danger, où j’me suis mis… il a fallu que j’me soigne… je reprends le mot soigner parce que ça voudrait dire que j’ai pris des médi-caments, où j’me suis pris en main pour me sortir de cette passe difficile… c’était en réfé-rence de mon autre petite sœur… pas de mon autre, de ma petite sœur… et qui souffrait de voir… mon état… elle a 15 ans de moins que moi c’était trop dur pour elle et j’me suis senti terriblement responsable alors que j’me sens responsable de rien du tout, c’est-à-dire que j’ai pas d’enfants, j’ai pas de famille, j’ai rien… »

Marcus, 33 ans, secrétaire de rédaction, entretien 21

« Tu vois si c’est pour me lever tous les jours à la même heure et rentrer à la fin de la semaine et avoir un contrat à durée INDÉTERMINÉE tu vois et une série de tickets resto tous frais et beuarh, déjà rien que ça ça suffit à me déprimer mécham-ment en fait, ce qui m’empêche pas non plus de bosser certainemécham-ment 3 fois plus que la moyenne des gens hein puisque comme je le disais hier j’accumule, j’accumule et j’accumule et le travail est une excellente porte de sortie, le travail, cette concen-tration-là c’est une excellente façon de s’extraire de soi aussi et de s’extraire du monde.

– En fait t’en parle aussi un peu comme une défonce ou quelque chose de même nature.

– Ah ! mais il faut que ce soit envisagé comme ça aussi, faut que ça prenne tout mon temps sinon si je reste tout mon temps avec moi-même je connais les choses que j’ai à me dire tu vois et c’est pas fun, j’me les prends dans la gueule tous les jours de toute façon donc…

– Donc il faut quelque chose qui t’absorbe aussi.

– Il faut que je sois absorbé en permanence donc je suis un garçon à dominante hysté-rique voilà… donc je sais ça, ça m’aide d’ailleurs de savoir ça comme ça… […]

– T’as jamais eu de problème dans le cadre de ton travail avec d’autres personnes, de problème social en fait, de gens qui s’apercevaient que t’étais dans un état…

– Non, c’est-à-dire qu’à chaque fois “aujourd’hui faut pas m’faire chier j’suis défoncé, point” voilà.

– Ça t’a jamais handicapé dans ton boulot ? – Non, non, non, non, jamais…

– En fait, tu caches pas ta consommation du tout ?

Dictionnaire historique de la langue française. Travail.

Travailler, verbe issu (1080) d’un latin populaire tripaliare, littéralement « tourmenter, tortu-rer avec le trepalium », du bas latin trepalium, nom d’un instrument de torture […]

En ancien français, et toujours dans l’usage classique,travaillersignifie « faire souffrir » phy-siquement ou moralement, intransitivement « souffrir » (XIIe s.) et se travailler « se tourmenter » (XIIIes.). Il s’est appliqué spécialement à un condamné que l’on torture (vers 1155), à une femme dans les douleurs de l’enfantement, à une personnes à l’agonie ; tous ces emplois ont disparu. […]

Cependant, dès l’ancien français, plusieurs emplois impliquent l’idée de transformation acquise par l’effort ; se travailler« faire de grands efforts » (vers 1155), avec une valeur concrète et abstraite, se maintient jusqu’au XIXesiècle, précédant travailler à« exercer une activité qui demande un effort » (vers 1200) ; travailler un cheval « le soumettre à certains exercices » (1373) est encore en usage au XIXesiècle. Cependant, en moyen français, l’idée de transformation efficace l’emporte sur celle de fatigue ou de peine. Le verbe se répand aux sens de « exercer une activité régulière pour assu-rer sa subsistance » (1534), d’où faire travailler« embaucher » (1581). À partir du XVIIIesiècle le verbe peut avoir pour sujet le nom d’une force productive ou d’une entreprise en fonctionnement (1723). Au XVIesiècle, il a aussi le sens de « rendre utilisable », d’abord à propos d’un ouvrage de l’esprit (1559,travailler le style). Travailler à quelque chosesignifie (fin XVIes.) « participer à son exécution ». Le verbe employé absolument, s’est dit en argot pour « voler » (1623), puis « assassi-ner » (1800) et « se prostituer » (1867), spécialisations de l’idée de travail professionnel dans un contexte d’illégalité. Par exemple,travailler pour (contre) qqnprend le sens de « le servir (le des-servir) » (1651). Puis le verbe s’emploie dans des domaines variés :travailler le fer (1860), tra-vailler la pâteen cuisine (1732). Par métaphore, il signifie « exciter la révolte » (1798,travailler le peuple). C’est au XVIIesiècle qu’apparaît faire travailler son argent(1675). Par figure, il signifie

« fermenter » en parlant par exemple d’un vin (1690) et « subir une force, se déformer » (1690, d’un bois), d’où « s’altérer avec le temps » (1812). Au XIXesiècle, il signifie « effectuer un exercice » (1859), « fonctionner » en parlant d’une machine (1872). Se travailler, passif, se dit pour « pouvoir être façonné » (XIXes.) […]

Le déverbal travail,travauxn. m. (vers 1130) présente le même type de développement séman-tique que le verbe : jusqu’à l’époque classique, il exprime couramment les idées de tourment (vers 1140), de peine (vers 1130) et de fatigue. […] Après avoir concerné des efforts, la peine prise à l’exercice d’un métier (artisans, mil. XIIIes.), le mot s’applique à cette activité en tant que source de revenus (comme labor) (2e moitié du XIIIes.). Malgré la métonymie pour « résultat du travail » (1362), ce n’est guère qu’au XVe siècle que le mot devient un synonyme neutre pour « activité pro-ductive ». L’idée « d’activité quotidienne permettant de subsister », avec ses implications sociales apparaît nettement en 1600. Le mot s’applique aussi à l’activité utile à l’homme que l’on impose aux animaux (1668). Par métonymie,travaildésigne la façon dont l’activité est accomplie (1676). Le plu-riel travauxs’est spécialisé à l’époque classique (1611) pour parler d’entreprises difficiles et périlleu-ses qui apportent la gloire ; il développe des emplois concrets spéciaux, dans le langage militaire pour

« opérations par lesquelles on établit les fortifications » (1669), et en général pour « suite d’entre-prises exigeant une activité physique et la mise en œuvre de moyens techniques » (1751). […]

Au XIXesiècle, le mot désigne l’activité humaine organisée à l’intérieur du groupe social et exercée régulièrement (1803). Par métonymie, le travail est appliqué à l’ensemble des travailleurs (1877) et spécialement aux travailleurs salariés des secteurs agricole et industriel, alors opposé à

capital (pour « ensemble des capitalistes »). […] » 95. W. Doise et A. Palmonari (sous la direction de), L’étude des représentations sociales, Delachaux et Niestlé, 1996.

«Expérience 1. Dans le but de découvrir la définition du concept de travail en terme de traits caractéristiques, nous avons donné à un groupe de 30 adultes de sexe masculin une tâche d’évocation libre. […] Les personnes interrogées travaillaient dans différents domaines (par exemple employés de bureau, maçons, artistes, hommes de loi, etc.). […]

Le tableau 1présente les caractéristiques mentionnées par les sujets, ainsi que la fréquence avec laquelle elles ont été citées.

Tableau 1– Concept de « travail » : caractéristiques prototypiques

Permet de gagner sa vie 28

Accompli par un individu 25

Occupe beaucoup de temps 23

Nécessite beaucoup d’attention 21

Nécessite des efforts et un dur labeur 21

Procure de la satisfaction 18

Rend le travailleur utile à la société 16

Permet d’avoir de l’argent 13

Rend indépendant 12

Implique une activité mentale 11

Sous-entend une activité physique 11

Permet de s’exprimer 7

Permet d’obtenir du succès 6

Consomme énormément de temps 6

Quelque chose d’agréable 6

Quelque chose de désagréable 6

Expérience 4. […] 30 travailleurs manuels (15 ouvriers et 15 maçons) et 30 personnes exerçant une profession libérale (15 architectes et 15 hommes de loi) ont cette fois-ci été interrogés. Chaque sujet a reçu un questionnaire et devait évaluer à quel point un trait prototypique était important pour établir si une activité pouvait ou non être appelée « travail ». les traits prototypiques du concept étaient ceux cités dans la première expérience et étaient présentés dans un ordre aléatoire. Une échelle en 5 points était utilisée allant de 1 (pas important du tout) à 5 (très important). […]

Dans L’étude des représentations sociales95, Paola Salmaso et Luisa Pombeni présentent quatre recherches expérimentales visant à éclaircir la signification implicite du concept de travail.

Tableau 3– Importance des diverses caractéristiques pour établir si une activité peut être ou non appelée travail ; scores moyen sur une échelle en 5 points.

Travailleurs Professions

manuels libérales

Permet de gagner sa vie 4.9 3.7

Permet d’avoir de l’argent 4.8 3.8

Rend le travailleur utile à la société 4.2 2.6

Occupe beaucoup de temps 3.8 4.4

Nécessite beaucoup d’attention 3.6 4.9

Nécessite des efforts et un dur labeur 3.6 3.3

Implique une activité mentale 3.5 4.4

Rend indépendant 3.4 4.4

Sous-entend une activité physique 3.1 2.4

Accompli par un individu 3.1 2.7

Procure de la satisfaction 2.8 3.9

Permet de s’exprimer 2.7 3.8

Quelque chose d’agréable 2.5 2.0

Quelque chose de désagréable 2.1 3.6

Permet d’obtenir du succès 1.9 3.3

96. De deux joints le soir en rentrant du travail en semaine, à dix par jour, y compris au travail.

REGARD SUR QUELQUES SUBSTANCES : CANNABIS,