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DRIVING FORCE – L E FONCIER

11. PRESSIONS EXERCEES SUR LES DOMAINES AGRICOLES (DRIVING FORCES)

11.6 DRIVING FORCE – L E FONCIER

Enfin, un facteur déterminant pour les exploitations agricoles est sans conteste la maîtrise foncière des terres exploitées, et particulièrement en milieu périurbain où d’autres pressions sont également à l’œuvre. En l’occurrence, le fait d’être propriétaire donne un avantage énorme dans les processus de décisions qui concernent l’avenir de l’exploitation.

En outre, nous avons vu que les exploitations dont l’avenir est le mieux assuré sont celles dont l’ex- ploitant est majoritairement propriétaire des terres. Il existe certains cas où les exploitants sont tentés de revendre leurs terres agricoles en zones urbanisables, afin de réaliser une plus-value conséquente. Dans ces cas-là, rien ne peut empêcher la vente, et au prix à bâtir, il est peu probable que l’acquéreur y fasse perpétuer l’agriculture. Cependant, si l’exploitant décide de faire perdurer son exploitation, comme c’est généralement le cas, le fait d’être propriétaire facilitera forcément le fait de trouver un repreneur. La situation est un peu plus délicate si l’exploitant n’a pas d’héritier ou au contraire de nom- breux héritiers. Dans tous les cas, la maîtrise foncière, outre un levier décisionnel crucial, implique également un matelas financier signe de bonne santé d’une exploitation.

66 Dans son objectif AM.1, le projet de SDT envisage la création de 175.000 nouveaux logements sans nouvelle artificialisation

Les cas d’études nous ont également montré que beaucoup d’exploitations agricoles louent des terres à des propriétaires privés, et la tendance veut que cela devienne la norme, vu la difficulté d’acquérir des terres pour les agriculteurs. L’avantage pour les propriétaires, outre l’assurance d’un loyer, est que les terres sont entretenues dans une certaine mesure. Pour les exploitants, ils ont l’assurance de pou- voir continuer leur activité car ils sont couverts par un bail à ferme, ou même parfois un bail à carrière. Mais au terme des baux, rien n’indique que les terres concernées, si elles sont urbanisables, seront conservées pour l’agriculture, car la volonté des propriétaires peut changer, et la tentation de faire une plus-value est toujours présente. Notons toutefois que le système des baux agricoles semble en perte de vitesse, notamment parce qu’ils sont trop longs et que les propriétaires fonciers ne veulent plus être bloqués et préfèrent pouvoir vendre quand ils le jugent le plus opportun. Cette attitude mène parfois à un ‘gâchis’, avec des terres en jachère car en rétention foncière, mais sans accord pour les exploiter.

Dans certains cas, les autorités locales peuvent se porter acquéreuses de terres agricoles. Cette dé- marche peut être particulièrement utile simplement pour conserver l’agriculture comme activité dans des lieux stratégiques, et soutenir le secteur en maintenant des terres à disposition, quitte à prélever un loyer. Ces acquisitions peuvent également être utiles pour avoir beaucoup plus de latitude dans la réalisation des projets inscrits dans des plans d’aménagements communaux, ce qui n’est pas forcé- ment incompatibles avec le maintien de l’agriculture (espaces de respiration, réseaux écologiques, etc.). La Wallonie a également vocation à acquérir des terres pour pouvoir mettre en œuvre des poli- tiques, dont certaines intentions de la DPR (création de réserves naturelles, plantations de haies, pro- motion de l’agriculture raisonnée, etc.).

Enfin, ces dernières années, il semble que le secteur privé se soit découvert un certain appétit pour les terres agricoles, en faisant de nombreuses acquisitions. Il peut s’agir de placement d’argent pour banques et fonds d’investissements, ou d’une stratégie de diversification verticale pour des entre- prises agro-alimentaires ou des grandes surfaces. Dans tous les cas, il semble a priori que ces terres puissent rester à disposition du secteur agricole, moyennant bien sûr le prélèvement de loyer. Le risque est toutefois que trop de terres tombent entre les mains d’un seul acteur, qui serait dès lors en position dominante pour imposer des prix agricoles, mettant ainsi en péril la rentabilité des exploita- tions.

Les outils de gouvernance et d’aménagement qui rentrent en jeu en regard de cette pression de la maîtrise foncière sont avant tout les systèmes de location des terres, comme le classique bail à ferme. On peut également souligner l’intérêt qu’ont les ‘servitudes agro-environnementales’ dans une dé- marche de location ou de vente de terres. « D'un point de vue juridique, il s'agit d'insérer des clauses au moment de l'acquisition des terres (…) dans l'acte de propriété établi devant notaire » (terre-en-vue, 2016). Ces clauses constituent une garantie sur l’occupation des terres, dans l’intérêt de l’environne- ment (terre-en-vue, 2016). Elles peuvent concerner simplement le maintien de l’agriculture sur les terres, mais elles peuvent être plus poussées et exiger certaines filières, méthodes agricoles, voire quelques aménagements comme ceux pour la biodiversité.

Tenant compte de tout cela, la recherche permet de dégager trois tendances distinctes en ce qui con- cerne la maîtrise foncière des exploitations agricoles périurbaines :

- F.1 « Propriété privée »

- F.2 « Les pouvoirs publics comme acteur sur le marché » - F.3 « Propriété collective »

11.6.1 Scénario F.1 « Propriété privée »

Les terres agricoles sont achetées massivement par des grandes entreprises qui ont les ressources et les compétences pour s’autoriser ce genre de transactions. Certaines cherchent à faire des plus-values en faisant de la rétention foncière, ce qui est plus avantageux en contexte périurbain où la demande est plus élevée. D’autres structures font des acquisitions comme investissements dans le but de per- cevoir des loyers en perpétuant l’activité agricole. Il s’agit d’une nouvelle sorte de business, qui con- siste à gérer les terres agricoles, et ainsi délester cette gestion aux grands propriétaires terriens. Enfin, certaines de ces entreprises sont des acteurs de l’industrie agro-alimentaire, et voient dans l’acquisi- tion de terres agricoles l’opportunité de se diversifier verticalement. Dans la plupart des cas, l’agricul- ture en tant qu’activité est maintenue, mais elle doit se plier à des règles dictées par ce nouveau type de propriétaire. Il peut s’agir d’une exclusivité de la revente des produits agricoles, avec in fine une imposition des prix, qui pourrait mettre à mal la viabilité des exploitations. Dans d’autres cas, les ex- ploitants pourraient être contraints de signer des baux plus flexibles, rendant incertaine la planifica- tion financière des exploitations.

11.6.2 Scénario F.2 « Les pouvoirs publics comme acteurs sur le marché »

Les pouvoirs publics font preuve d’une politique volontariste d’acquisition de terres agricoles dans une optique de soutien au secteur. La mise en place du « Stop béton » facilite l’acquisition de terres en zones urbanisables, particulièrement en contexte périurbain. La démarche consiste notamment à évi- ter la flambée des prix des terres agricoles par le portage foncier et la location/vente prioritaire à des agriculteurs (ce qui peut mener à la troisième tendance). En mettant les terres à disposition des ex- ploitations agricoles, les collectivités n’hésitent pas à mettre en place des ‘servitudes environnemen- tales’, qui conditionnent l’exploitation des terres, ou à privilégier des acteurs qui vont contribuer au développement de cycle courts. Ainsi, les collectivités peuvent exiger une certaine agriculture, par exemple sans intrants chimiques, davantage au service de la collectivité (entretien de haies et voiries, accueil de la biodiversité, etc.), afin de rencontrer des objectifs environnementaux, par ailleurs inscrits dans des DPR, SDC et PCDN, ou même des normes internationales.

11.6.3 Scénario F.3 « Propriété collective »

Des groupes de citoyens conscientisés par les questions alimentaires et environnementales et sou- cieux de pouvoir continuer de bénéficier de ces paysages proches de chez eux ou fréquentés lors de leur loisir se mobilisent et se cotissent pour acheter des terres. Les citoyens peuvent intervenir en col- lectif pour aider à l’acquisition, que ce soit de leur initiative et / ou via le principe de crowdfunding. La probabilité de ce scénario est particulièrement dépendante du prix des terres qui peut devenir prohi- bitif. Cette intervention de la population rend l’accès à la terre beaucoup moins problématique pour les exploitations agricoles qui entre dans le cadre du projet collectif. Les agriculteurs ont donc un contrôle bien meilleur sur l’avenir de leurs exploitations, et ne doivent plus subir la pression de l’urba- nisation. Ils ont davantage de marge pour se diversifier et vivent mieux de leur activité même s’ils sont soumis à un contrat qui inclut des servitudes au bénéfice de la population.