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Afin d’en faciliter la compréhension, le présent point est illustré par l’exemple suivant : Monsieur Dupont fonde une construction juridique en 2013 qui, depuis lors, accumule des revenus.

En 2019, la construction recueille des revenus taxables de 10.000 EUR, ce qui a pour conséquence que Monsieur Dupont est, à cet instant, redevable par application du principe de transparence, en Belgique, d’un précompte mobilier de 3.000 (précompte mobilier de 30 % puisque les revenus en cause sont considérés comme des dividendes). En effet, l’impôt est dû peu importe la question de savoir si le fondateur a oui ou non réellement perçu le revenu. Si la construction juridique décide ultérieurement d’allouer le revenu de 10.000 EUR à Monsieur Dupont, la loi énonce que les 10.000 EUR distribués sont imputés, en priorité, aux anciens revenus accumulés dans la construction (c’est-à-dire, initialement non-taxés initialement si ceux-ci ont été perçus avant l’entrée en vigueur de la taxe Caïman), Monsieur Dupont sera également imposable (au taux de 30%) sur cette distribution comme un « dividende ». Monsieur Dupont aura ainsi supporté une charge fiscale totale de 3.000 EUR + 3.000 EUR = 6.000 EUR sur un montant de 10.000 EUR (et non 20.000 EUR) effectivement perçu.

Dans les faits, l’application de la taxe Caïman peut donc mener à une situation de double imposition, notamment dans l’hypothèse d’absence d’imposition antérieure en Belgique parce que la taxe Caïman n’existait pas ou, parce que le fondateur initial de cette construction n’y avait pas sa résidence.

2. Concernant les constructions juridiques en cascade

Dans un tel cas, il est prévu163 que les revenus accumulés par la construction « fille » sont fictivement perçus directement par la construction « mère » et ce, proportionnellement au pourcentage de participation que cette dernière détient dans sa « fille ». Lesdits revenus sont, en fin de compte, imposés dans le chef du fondateur de cette construction juridique164.

L’article 5/1, §1er, alinéa 5 prévoit que l’application du principe développé ci-avant ne peut

avoir pour conséquence que des revenus perçus par une construction juridique soient imposés plus d’une fois dans le chef du fondateur de la construction juridique.

Pour que la double imposition soit effectivement évitée, il est nécessaire, d’une part, de démontrer que les revenus distribués par la construction « fille » à sa « mère » ont déjà subi une charge fiscale en Belgique, dans le chef d’une personne physique ou d’une personne morale visée à l’article 220165, d’autre part, de justifier les capitaux apportés quant à leur

nature, étant donné que les revenus recueillis les plus anciens sont censés être les premiers distribués166.

163 Article 5/1, §1er, alinéa 2 du CIR/1992

164 A. DAYEZ, A. VANDEWALLE, “Elargissement et durcissement de la taxe Caïman : des “améliorations” qui

posent question”, janvier 2018, disponible sur https://llj.be/wp-content/uploads/2019/11/Newsletter-Taxe- caïman-Janvier-2018.pdf

165 Article 5/1, §1er, alinéa 2, deuxième tiret du CIR/1992 166 Article 5/1, §1er, alinéa 3 du CIR/1992

Les mêmes problèmes d’équité et de double imposition pratique, lorsque le revenu a déjà été taxé à l’étranger, se posent lorsque l’on est confrontés à des constructions juridiques en chaîne.

Par ailleurs, il est intéressant de soulever qu’aucun seuil de participation minimale dans les titres ou droits économiques de la construction « fille » n’est précisé, un pourcentage de participation infime suffit donc167.

IV. Quant à la compatibilité avec le droit européen et le droit international

1. Similitude avec le régime CFC

Bien que présentant des similitudes avec la législation CFC (Controlled Foreign Company), la taxation par transparence ne constitue pas une législation CFC à proprement parler, applicable à l’impôt des sociétés, car la taxe Caïman possède un caractère davantage hybride168. Elle diffère de la législation CFC en ce qu’elle ne vise pas uniquement les structures étrangères contrôlées. En effet, les constructions juridiques qui ne tombent pas sous le contrôle exclusif d’un fondateur belge sont également visées par la taxe Caïman, puisqu’une participation minimale dans une construction juridique est suffisante pour tomber dans le champ d’application dudit régime. En outre, la taxe Caïman diffère de la législation CFC en ce que la première ne se limite pas proportionnellement à des revenus « contaminés »169, mais vise tous les revenus recueillis par la construction juridique, dans certains cas, peu importe la question de savoir si la charge fiscale supportée par l’entité à l’étranger est suffisante et effective170.

2. Respect des Conventions préventives de la double imposition

En raison du système moniste belge, le régime de la taxe Caïman ne trouve à s’appliquer que s’il ne porte pas atteinte aux Conventions Préventives de Double Imposition (CPDI). La question relative à l’application de cette taxe se pose donc moins lorsqu’un Etat est considéré comme un « paradis fiscal », en ce que la Belgique ne conclut pas de Convention Préventive avec ces pays171. On peut donc déduire que le régime de transparence ne s’applique pas, a

priori, à des sociétés ordinaires, surtout si elles sont établies à l’intérieur de l’Espace Economique Européen.

Les Conventions préventives de la double imposition déterminent la répartition du pouvoir d’imposition entre les Etats qui les concluent172. Celles-ci partent souvent du principe que la

167 A. DAYEZ, A. VANDEWALLE, “Elargissement et durcissement de la taxe Caïman : des “améliorations” qui

posent question”, janvier 2018, disponible sur https://llj.be/wp-content/uploads/2019/11/Newsletter-Taxe- caïman-Janvier-2018.pdf

168 B.PEETERS, « Kaaimantaks panta rhei », Wolters Kluwer, Mechelen, 2019, pp. 772-776

169 La législation CFC vise uniquement les bénéfices non-versés d’une entité étrangère provenant de montages

non-authentiques mis en place essentiellement dans le but d’obtenir un avantage fiscal.

170 B.PEETERS, « Kaaimantaks panta rhei », Wolters Kluwer, Mechelen, 2019, pp. 772-776 171 T.AFSCHRIFT, Journal de Droit Fiscal, 2016 01 – 02 et 2016 03 - 04

qualification de « résident » ainsi que le calcul d’impôt sont déjà explicités et prévus en droit interne173. Ceci a pour conséquence que chaque Etat décide de façon autonome et unilatérale quelles sont les personnes considérées comme « résidentes » ainsi que les revenus ciblés174.

Pour qu’une construction juridique soit en droit d’invoquer les effets d’une convention, il faut que cette structure soit qualifiée de « personne résidente ». Ceci vaut, en principe, pour les constructions juridiques de type 1 et 2, mais ne vaut pas pour les constructions de type 3 puisque les « contrats » ne sont pas des « personnes ».

Lorsque l’entité est qualifiée de « résidente » par le droit étranger, celle-ci aura la possibilité d’invoquer l’application de la CPDI conclue entre la Belgique et l’Etat étranger dans lequel cette entité est établie. La taxe Caïman ne pourra donc s’appliquer lorsque l’entité est considérée comme dotée de la personnalité juridique par le droit étranger ou lorsqu’elle est considérée de façon explicite comme une « personne » par la CPDI applicable, même dans le cas d’une faible taxation175.

Cependant, même si la faculté de faire référence à une de ces Conventions est constatée, les Conventions préventives de la double imposition n’éliminent que partiellement la double imposition économique, à savoir la taxation, d’une part, de la construction juridique dans l’Etat de la résidence de la construction et, d’autre part, du fondateur en Belgique176.

3. La double imposition

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