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II. INTÉRÊT DU DOSAGE DE LA 5­HT PLASMATIQUE EN CLINIQUE HUMAINE

II.1. Dosage du taux de sérotonine chez la femme enceinte

II.1.1. Sérotonine et autisme

L’autisme est un trouble du développement du système nerveux caractérisé par un déficit des interactions sociales et de la communication, associé à un répertoire de comportements restreints, répétitifs et stéréotypés. Les comportements autistiques apparaissent chez l’enfant avant l’âge de trois ans, et la prévalence est d’1 enfant sur 100, avec une fréquence 4 fois plus importante chez les garçons que chez les filles. Le lien entre l’autisme et la sérotonine fut proposé dans les années 1970, lorsque des niveaux élevés de la concentration de sérotonine dans les plaquettes sanguines ont été mesurés chez des patients

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autistes. Depuis, l’hypersérotoninémie périphérique a été détectée dans 25 à 33% des patients autistes (Anderson et coll., 1987; Launay et coll., 1988; Leboyer et coll., 1999), dans plusieurs cohortes de patients d’origine ethnique variée.

Nos travaux sur les souris dont le gène Tph1 est invalidé, et sur l’analyse du phénotype de leur descendance, nous ont permis de confirmer l’idée précédemment émise par l’équipe de Jean Lauder, du rôle morphogène de la sérotonine au cours du développement embryonnaire. L’étude de ces animaux a également révélé l’importance de la sérotonine située dans le compartiment plasmatique, à la fois pour le développement normal des embryons, et pour la fonction cardiaque normale.

Un faible niveau de sérotonine plasmatique accessible à l’embryon pendant la grossesse pourrait être une des causes des anomalies développementales du SN observées chez les enfants autistes. Dans ce sens, une étude épidémiologique récente a été menée sur 17 mères d’enfants autistes et 8 mères d’enfants non autistes. Les taux plasmatiques de L-tryptophane et de sérotonine ont été déterminés, et confrontés aux mesures réalisées chez les proches parents des familles d’enfants autistes (Connors et coll., 2006). En moyenne, le taux de 5-HT plasmatique est significativement plus faible chez les mères d’enfants autistes ainsi que chez les enfants autistes eux-mêmes, comparativement aux taux mesurés chez les pères et chez les frères et sœurs. Les taux de L-tryptophane mesurés ne sont, quant à eux, jamais modifiés. Cette première étude, bien qu’incluant un nombre insuffisant de patients, confirmerait l’importance du niveau de sérotonine plasmatique pendant la grossesse.

Les études menées jusqu’à présent sur les familles de patients autistes comportent cependant d’importantes limites: le diagnostic de l’autisme est fait dans les trois premières années de vie des enfants atteints. Les familles d’enfants autistes sont donc recrutées après le diagnostic et les dosages de sérotonine sont réalisés sur le sang ou le plasma des mères bien après leur grossesse. Une recherche systématique à grande échelle des taux de 5-HT plasmatiques et plaquettaires des femmes enceintes, associée à une étude épidémiologique a

posteriori des familles dont un ou plusieurs membres sont autistes permettraient de préciser

l’importance de la sérotonine maternelle dans le développement de cette maladie.

II.1.2. Sérotonine et phénylcétonurie

La phénylcétonurie (PCU) est une maladie métabolique et héréditaire, transmise sur le mode autosomique récessif. Il s’agit d’une maladie très fréquente (son incidence est d’environ 1 enfant sur 15 000 dans la population générale française) qui fait l’objet d’un dépistage systématique à la naissance depuis 1978 (pour revue, Ghozlan et Munnich, 2004). Cette affection est due au déficit partiel ou total en phénylalanine hydroxylase (PAH) dans la majorité des cas, enzyme qui comme nous l’avons évoqué dans

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l’introduction, transforme la phénylalanine en tyrosine. La PAH utilise le BH4 comme cofacteur, et 2% des cas de PCU sont dus à une mutation dans le gène responsable de la biosynthèse de BH4. Ces mutations entraînent une accumulation de phénylalanine dans l’organisme, les concentrations plasmatiques pouvant alors être 20 à 30 fois plus élevées que la normale.

Le tableau clinique des patients non traités souffrant de PCU est très variable. Il inclut un développement psychomoteur retardé, un retard mental, des troubles psychologiques et neurologiques importants. Une diète pauvre en phénylalanine dans les premières années de vie prévient le développement de ces symptômes. Cette diète, très contraignante, est souvent arrêtée progressivement à l’adolescence ou chez les jeunes adultes. Plusieurs études ont montré que les mères atteintes de PCU devaient reprendre la diète pauvre en phénylalanine avant la conception d’un enfant et pendant la grossesse pour assurer le développement normal de l’enfant

L’accumulation de phénylalanine dans l’organisme des patients souffrant de PCU a des répercussions importantes sur la synthèse de sérotonine. La phénylalanine en excès inhibe la TH et la TPH, ce qui entraîne une diminution de sérotonine dans le sang.

II.1.3. Une prévention des désordres développementaux par

l’administration de sérotonine?

Il apparait donc qu’un taux anormalement élevé ou bas de sérotonine pendant la grossesse pourrait, sinon être la seule cause, du moins participer à l’étiologie de certaines pathologies développementales telles que l’autisme ou la PCU. Des études épidémiologiques à grande échelle permettraient de confirmer ces données et de déterminer les concentrations "critiques" de sérotonine plasmatiques nécessaires au développement embryonnaire normal chez l’homme.

Sur le modèle du traitement proposé aux patients atteints de phénylcétonurie, une médication qui permettrait d’augmenter le taux de sérotonine chez les femmes hyposérotoninémiques pourrait être envisagée. Selon les effets désirés, i.e. centraux ou périphériques, plusieurs traitements peuvent être proposés:

L’administration de L-tryptophane ne semble pas être indiquée dans la mesure où chez les patients autistes, les concentrations plasmatiques de L-tryptophane ne sont pas modifiées. De plus, une surcharge en tryptophane aboutirait vraisemblablement à l’inhibition de la PAH et de la TH, comme dans les cas d’hyperphénylalaninémie des patients souffrant de PCU.

L’administration de sérotonine semble séduisante puisqu’elle ne traverse pas la barrière hémato-encéphalique en conditions physiologiques. Elle est cependant

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difficilement envisageable dans la mesure où la sérotonine libre est peu stable, toxique, et a des effets cardiovasculaires importants. Il a été montré que la peau de banane contenait environ 100 fois plus de sérotonine (environ 40μg/g) que l’hippocampe de rat, par exemple (0.4μg/g) (Azmitia, 2007). Un régime intégrant la banane pourrait constituer une alternative simple, physiologique, et peu onéreuse à l’administration de sérotonine.

Le 5-HTP, précurseur direct de la sérotonine, augmente la concentration cérébrale de sérotonine, puisqu’il traverse la BHE. Il peut être délivré par voie orale sous forme d’un complément alimentaire, et 70% de la dose délivrée est retrouvé dans le sang (Turner et

coll., 2006).

II.2. Dosage du taux de sérotonine chez l’adulte pour